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15/10/2024 | FRANCE | N°23MA00841

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 4ème chambre, 15 octobre 2024, 23MA00841


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner la commune de Salernes à lui verser une somme totale de 26 571,31 euros, en réparation des travaux qu'il a dû faire réaliser pour remédier aux désordres qui affectaient la maison dont il est propriétaire dans le centre ancien de cette commune et des frais d'expertise qu'il a dû engager, assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 septembre 2019, et de mettre à la charge de cette même commune

la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner la commune de Salernes à lui verser une somme totale de 26 571,31 euros, en réparation des travaux qu'il a dû faire réaliser pour remédier aux désordres qui affectaient la maison dont il est propriétaire dans le centre ancien de cette commune et des frais d'expertise qu'il a dû engager, assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 septembre 2019, et de mettre à la charge de cette même commune la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Par un jugement n° 2000258 du 16 février 2023, le tribunal administratif de Toulon a, d'une part, condamné la commune de Salernes à verser à M. C... une somme de 22 033,50 euros toutes taxes comprises (TTC), et, d'autre part, mis à la charge de cette commune les frais et honoraires de l'expertise diligentée, liquidés et taxés à la somme de 4 537,81 euros, ainsi qu'une somme de 1 500 euros à verser à M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, avant de rejeter le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 7 avril et 7 juillet 2023, la commune de Salernes, représentée par Me Campolo, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 16 février 2023 et de rejeter la demande indemnitaire présentée par M. C... ;

2°) de mettre à la charge de M. C... une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Toulon, le lien de causalité entre les désordres et la galerie souterraine n'est pas établi ; d'autres causes peuvent expliquer les désordres dont se plaint M. C... : outre la vétusté de l'immeuble, les habitations mitoyennes, les travaux de rénovation effectués par ce dernier ou encore l'absence de vide sanitaire ou de coupure de capillarité ;

- en tout état de cause, la personne publique responsable est, en l'espèce, la communauté d'agglomération Dracénoise-Provence-Verdon ; à cet égard, elle est recevable et fondée à soulever ce moyen alors que le principe de " concentration des moyens " invoqué par M. C... dans son mémoire en défense et dégagé par la Cour de Cassation en procédure civile ne s'applique pas devant le juge administratif et que la circonstance que la date du sinistre soit antérieure au 1er janvier 2020 n'a pas d'incidence.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juin 2023, M. C..., représenté par Me La Balme, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens soient mis à la charge de la commune de Salernes.

Il fait valoir que :

- le lien de causalité est établi, la responsabilité de la commune de Salernes devra être retenue et la Cour devra confirmer le jugement rendu en première instance ;

- si la commune de Salernes soutient que la personne publique responsable est la communauté d'agglomération Dracénoise-Provence-Verdon, en vertu du principe de la concentration des moyens, elle n'est pas fondée à exciper d'une nouvelle prétention qui n'a pas été débattue, ni jugée devant le tribunal administratif de Toulon ; l'origine du litige est antérieure à la date du 1er janvier 2020 et seule la commune de Salernes doit être condamnée.

Par un mémoire, enregistré le 19 juin 2024, la communauté d'agglomération Dracénie-Provence-Verdon, appelée dans la cause par la Cour et représentée par Me Phelip, conclut, à titre principal, au rejet de la requête et à sa mise hors de cause, à titre subsidiaire, à ce que la Cour ramène les sommes susceptibles d'être allouées à M. C... à de plus justes proportions et à ce que la société Allianz, ès-qualités d'assureur de la commune de Salernes, soit condamnée à la garantir contre toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre, et, en tout état de cause, à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête lui ayant été transmise par la Cour pour observations et aucune demande n'étant dirigée contre elle, elle ne saurait être considérée comme une partie à l'instance et le " Tribunal " ne saurait statuer sur ses éventuelles obligations ;

- à titre principal, l'ouvrage en cause ne relevant pas de sa compétence, elle devra être mise hors de cause ;

- à titre subsidiaire, la preuve d'un lien de causalité entre l'ouvrage mis en cause, à supposer qu'il relève de sa compétence, et les désordres n'est pas rapportée ;

- à titre infiniment subsidiaire, elle conteste les sommes allouées par le tribunal administratif de Toulon ;

- pour le cas où une quelconque part de responsabilité serait mise à sa charge, elle entendrait appeler en cause la société Allianz, en sa qualité d'assureur de la commune de Salernes, afin que, dans le respect de l'article L. 124-5 du code des assurances, celle-ci la garantisse de toute condamnation prononcée à son encontre dès lors que, par application des dispositions de l'article L. 5211-41-3 du code général des collectivités territoriales, elle est liée par les contrats souscrits par cette commune dans les domaines des compétences que cette dernière lui a transférés.

Des pièces, présentées par la société Allianz, ont été enregistrées les 5 et 23 juillet 2024 et n'ont pas été communiquées.

Par une ordonnance du 20 juin 2024, la clôture de l'instruction, initialement fixée au 1er juillet 2024, a été reportée au 19 août 2024, à 12 heures.

Des pièces, présentées par la société Allianz, ont été enregistrées les 20 août et 27 septembre 2024, soit postérieurement à la clôture de l'instruction, et n'ont pas été communiquées.

En application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, le conseil de la communauté d'agglomération Dracénie-Provence-Verdon a été invité, le 9 septembre 2024, à produire une copie du contrat d'assurance conclu entre la commune de Salernes et la société Allianz dont cette communauté d'agglomération se prévaut dans ses écritures pour former un appel en garantie à l'encontre de cette société.

En réponse, la communauté d'agglomération Dracénie-Provence-Verdon, représentée par Me Phelip, a produit des pièces le 23 septembre 2024.

Par des lettres du 26 septembre 2024, la Cour a informé les parties, sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce qu'elle était susceptible de fonder son arrêt sur le moyen, relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions présentées par la communauté d'agglomération Dracénie-Provence-Verdon tendant à ce que la société Allianz la garantisse de toute condamnation prononcée à son encontre dès lors que ces conclusions, qui ont trait à l'application d'un contrat d'assurance entre un assuré et son assureur, soulèvent un litige distinct de celui qui fait l'objet de l'appel interjeté par la commune de Salernes.

Par des observations en réponse, enregistrées le 30 septembre 2024, la communauté d'agglomération Dracénie-Provence-Verdon, représentée par Me Phelip, rappelle qu'elle n'était pas partie devant le tribunal administratif, qu'elle n'a été appelée à la cause qu'en appel et que, si la Cour devait considérer que son appel en garantie contre l'assureur de la commune de Salernes soulève un litige distinct de celui dont elle est saisie, tel devrait également être le cas pour les demandes dirigées contre elle et il appartiendrait alors à la Cour de renvoyer le dossier devant la juridiction de première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général des impôts ;

- la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lombart,

- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,

- et les observations de Me Baudino, substituant Me Campolo, représentant la commune de Salernes.

Une note en délibéré, présentée pour la société Allianz, a été enregistrée

le 8 octobre 2024.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... a acquis, le 3 janvier 1989, une maison de village située sur la parcelle cadastrée section AI n° 451, au 3 rue Jean-Jacques Rousseau, dans le centre ancien de la commune de Salernes (83690). Suite à des remontées d'eau dans cette habitation, constatées en décembre 2015, et après que des cabinets d'expertise ont fait état d'un effondrement partiel d'une galerie souterraine située sous cette maison, M. C... a fait procéder, en juin 2017, à des travaux de remplacement de cette galerie par une canalisation. Puis, le 29 novembre 2017, M. C... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulon, la désignation d'un expert aux fins de rechercher tous éléments relatifs aux causes et conséquences des désordres affectant sa propriété et de préciser si cette galerie souterraine avait vocation à recueillir les eaux pluviales du domaine public ou du domaine privé, ou des deux. L'expert de justice désigné par une ordonnance n° 1704428 du 31 juillet 2018 a remis son rapport le 25 avril 2019. Par un courrier du 26 septembre 2019, M. C... a alors sollicité du maire de Salernes l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de ces désordres, et, notamment, le remboursement des travaux de remplacement de la galerie souterraine. Sans réponse, M. C... a saisi le tribunal administratif de Toulon pour obtenir cette indemnisation. La commune de Salernes relève appel du jugement du 16 février 2023 par lequel ce tribunal l'a condamnée à verser à M. C... une somme de 14 833,50 euros toutes taxes comprises (TTC), au titre de ces travaux de remplacement susmentionnés et de remise en état du sol de son garage, ainsi qu'une somme de 7 200 euros TTC, au titre des travaux de remise en état de la cloison séparant son garage d'une cage d'escalier, avant de mettre à sa charge les frais et honoraires d'expertise qui ont été taxés et liquidés à la somme de 4 537,81 euros.

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne la responsabilité sans faute :

2. Le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage n'est pas inhérent à l'existence même de l'ouvrage public ou à son fonctionnement et présente, par suite, un caractère accidentel.

3. En l'espèce, il résulte de l'instruction, et en particulier des conclusions de l'expertise diligentée par le juge des référés du tribunal administratif de Toulon, que les désordres affectant la maison appartenant à M. C... ont consisté en l'affaissement du dallage du garage, la désolidarisation et la fissuration de la cloison séparative entre ce garage et la cage d'escalier ainsi que la présence de traces d'humidité localisées au niveau du mur mitoyen Est. Tant la commune de Salernes que la communauté d'agglomération Dracénie-Provence-Verdon ne contestent sérieusement pas la réalité de ces désordres qui est établie au vu des pièces du dossier. Il résulte également de l'instruction, éclairée par le rapport dressé par l'expert de justice, que la cause de l'affaissement du dallage et de la désolidarisation de la cloison séparative du niveau du dallage " résulte de l'effondrement de la galerie ancestrale, à l'origine destinée à l'irrigation et l'arrosage, devenue un ouvrage de collecte et de transport des eaux pluviales du centre ancien de Salernes, situé en amont de la maison de M. C.... ". Il est ainsi établi un lien de causalité direct et certain entre le dommage subi par le bien de M. C..., qui présente un caractère accidentel, et l'effondrement de cette galerie qui, anciennement dévolue à l'irrigation et à l'arrosage, constitue désormais, contrairement à ce que fait valoir la communauté d'agglomération Dracénie-Provence-Verdon, un élément du réseau public d'évacuation des eaux pluviales. Le dommage n'étant pas lié à l'utilisation de ce réseau, en sa qualité de tiers, M. C... est fondé à rechercher la responsabilité sans faute du gardien de cet ouvrage public, sans avoir à démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'il prétend subir.

En ce qui concerne la détermination de la personne publique responsable :

4. L'article L. 2226-1 du code général des collectivités territoriales dispose, depuis le 1er janvier 2015, que : " La gestion des eaux pluviales urbaines correspondant à la collecte, au transport, au stockage et au traitement des eaux pluviales des aires urbaines constitue un service public administratif relevant des communes, dénommé service public de gestion des eaux pluviales urbaines. (...) ". Aux termes de l'article L. 5216-5 du même code, dans sa rédaction en vigueur à compter du 1er janvier 2020 : " I. - La communauté d'agglomération exerce de plein droit au lieu et place des communes membres les compétences suivantes : / (...) 10° Gestion des eaux pluviales urbaines, au sens de l'article L. 2226-1. / La communauté d'agglomération peut déléguer, par convention, tout ou partie des compétences mentionnées aux 8° à 10° du présent I à l'une de ses communes membres. / (...) / Les compétences déléguées en application des treizième et quatorzième alinéas du présent I sont exercées au nom et pour le compte de la communauté d'agglomération délégante (...) ".

5. En outre, aux termes des dispositions du III de l'article L. 5211-5 du code général des collectivités territoriales, applicables à l'ensemble des établissements publics de coopération intercommunale : " Le transfert des compétences entraîne de plein droit l'application à l'ensemble des biens, équipements et services publics nécessaires à leur exercice, ainsi qu'à l'ensemble des droits et obligations qui leur sont attachés à la date du transfert, des dispositions des trois premiers alinéas de l'article L. 1321-1, des deux premiers alinéas de l'article L. 1321-2 et des articles L. 1321-3, L. 1321-4 et L. 1321-5. / (...) / L'établissement public de coopération intercommunale est substitué de plein droit, à la date du transfert des compétences, aux communes qui le créent dans toutes leurs délibérations et tous leurs actes. (...) ".

6. Enfin, l'article 133 de la loi susvisée du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République : " (...) XII. - Sauf dispositions contraires, pour tout transfert de compétence ou délégation de compétence prévu par le code général des collectivités territoriales, la collectivité territoriale ou l'établissement public est substitué de plein droit à l'Etat, à la collectivité ou à l'établissement public dans l'ensemble de ses droits et obligations, dans toutes ses délibérations et tous ses actes. (...) ".

7. Il résulte des dispositions citées au point 6, à l'application desquelles ne font pas obstacle les dispositions citées au point 5, que le transfert par une commune de compétences à un établissement public de coopération intercommunale implique la substitution de plein droit de cet établissement à la commune dans l'ensemble de ses droits et obligations attachés à cette compétence, y compris lorsque ces obligations trouvent leur origine dans un événement antérieur au transfert. Ainsi, ces dispositions, combinées à celles du 10° de l'article L. 5216-5 du code général des collectivités territoriales qui rendent les communautés d'agglomération compétentes en matière de gestion des eaux pluviales urbaines, en lieu et place de leurs communes membres, à compter du 1er janvier 2020, ont pour effet de substituer, pour ce qui est du réseau d'eaux pluviales urbaines existant sur le territoire d'une commune, à compter de cette même date, la communauté d'agglomération dont celle-ci est membre dans l'ensemble de ses droits et obligations, notamment en ce qui concerne les actions en responsabilité engagées par les propriétaires riverains de ce réseau pour demander la réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de cet ouvrage avant comme après le transfert de compétence.

8. Depuis le 1er janvier 2020, la communauté d'agglomération Dracénie-Provence-Verdon est compétente de plein droit, en lieu et place de ses communes membres, dont la commune de Salernes, pour assurer le service public administratif de la gestion des eaux pluviales urbaines. Elle est en charge, à ce titre, de l'entretien du réseau public d'eaux pluviales urbaines existant sur le territoire de la commune de Salernes, dont, ainsi qu'il a été dit plus haut, la galerie souterraine faisait partie. Par conséquent, la communauté d'agglomération Dracénie-Provence-Verdon doit seule répondre des conséquences dommageables attachées à l'existence et au fonctionnement du réseau public d'eaux pluviales urbaines de la commune de Salernes, survenues avant, comme après, la date de ce transfert de compétence, le 1er janvier 2020. Il s'ensuit que, contrairement à ce que fait valoir en défense la communauté d'agglomération Dracénie-Provence-Verdon, les conclusions de M. C... tendant à la réparation de ses préjudices et ses prétentions relatives aux dépens et frais d'instance, doivent être regardées comme dirigées contre cet établissement public de coopération intercommunale et ce, alors même que ce dernier n'a pas présenté de conclusions en ce sens.

En ce qui concerne les causes exonératoires :

9. En premier lieu, la commune de Salernes fait valoir que, après qu'il a fait l'acquisition de sa maison, M. C... a entrepris des travaux de rénovation qui pourraient être à l'origine des désordres en cause. Elle ajoute que ces travaux ont notamment consisté en l'édification d'un mur en béton entre le garage et l'escalier intérieur et que la galerie souterraine se situait pour partie sous ce mur, pour en conclure qu'" [i]l n'est (...) pas déraisonnable de penser que la charge a été trop lourde à supporter, ce qui a, a minima, contribué voire causé, l'effondrement ". Toutefois, ces allégations ne sont accompagnées par aucune démonstration technique et il ne résulte pas de l'instruction que ces travaux de rénovation auraient participé à l'effondrement de la galerie. Au contraire, dans le rapport qu'il a déposé le 25 avril 2019, l'expert missionné par le juge des référés du tribunal administratif de Toulon indique que le sinistre est survenu vingt-cinq ans après la réalisation de ces travaux de rénovation entrepris dans les années 1990 et il estime que " [l]e lien de causalité entre les travaux de rénovation et l'affaissement du dallage n'est pas établi. ".

10. En second lieu, après avoir rappelé que l'expert de justice a considéré que les traces d'humidité persistantes dans l'escalier, à hauteur de la 9ème marche, résulteraient d'une infiltration d'eau en provenance de l'habitation mitoyenne, la commune de Salernes fait valoir qu'" on peut légitiment penser que tout ou partie des désordres dont s'est plaint le requérant résultait, en réalité, d'infiltration en lien avec la construction mitoyenne. ". Toutefois, l'expert de justice s'est ainsi borné à relever que la présence d'humidité, constatée postérieurement à la réalisation des travaux de reprise entrepris par M. C..., au niveau de cette 9ème marche, n'était pas en lien avec l'effondrement de la galerie souterraine et qu'il " s'agirait davantage d'une infiltration d'eau provenant de l'habitation mitoyenne ", sans remettre en cause ses conclusions rappelées ci-dessus selon lesquelles la cause de l'affaissement du dallage et de la désolidarisation de la cloison séparative du niveau du dallage, seuls désordres pour lesquels M. C... sollicite une réparation, résulte de cet effondrement.

En ce qui concerne l'évaluation et la réparation des préjudices subis par M. C... :

S'agissant du remboursement des frais et honoraires d'expertise :

11. M. C... n'est pas fondé, au titre de ses prétentions indemnitaires, à solliciter la condamnation de la commune de Salernes à lui rembourser la somme de 4 537,81 euros dont il s'est acquitté pour le paiement des frais et honoraires de l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Toulon, ces frais et honoraires constituant des dépens dont la dévolution définitive doit être décidée par le juge du fond sur le fondement des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative.

S'agissant des travaux de reprise :

12. D'une part, il résulte de l'instruction que, pour remédier aux désordres affectant le dallage de son garage, M. C... a fait réaliser, dès 2017, des travaux consistant à dévier et remplacer la galerie située sous sa maison par une canalisation de 600 millimètres de diamètre. Ces travaux, auxquels la commune de Salernes, à qui M. C... avait préalablement demandé l'autorisation de les réaliser, ne s'est pas opposée, doivent être regardés, compte tenu de leur nature, comme ayant nécessairement eu pour finalité de remédier aux désordres affectant sa maison et sont justifiés par la production d'une facture d'un montant de 14 833,50 euros TTC.

Si la commune de Salernes et la communauté d'agglomération Dracénie-Provence-Verdon reprochent, sans autre précision, à M. C... la déviation du tracé originel de la galerie souterraine, dans un courrier du 6 avril 2019 qu'il a adressé à son avocat et qui, produit au dossier, a été soumis au contradictoire, M. C... précise que cette déviation a été nécessaire pour consolider la base du mur mitoyen, arrêter les infiltrations et faciliter la pose des buses de 600 millimètres de diamètre. Dans ces conditions, M. C... est fondé à demander à être indemnisé, à hauteur du montant de 14 833,50 euros, des frais engagés à ce titre.

13. D'autre part, l'expert de justice missionné par le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a évalué les travaux de reprise en sous-œuvre de la cloison séparative entre la cage d'escalier et le garage afin de remédier à la désolidarisation de celle-ci du dallage à la somme 5 000 euros HT, avec une maîtrise d'œuvre évaluée à 1 000 euros HT. Contrairement à ce que fait valoir la communauté d'agglomération Dracénie-Provence-Verdon, sans au demeurant assortir ses allégations de précisions utiles, il ne résulte pas de l'instruction que l'homme de l'art ait ainsi procédé à une évaluation excessive de ces travaux de reprise ou que ces derniers ne correspondraient pas aux procédés techniques nécessaires. Il y a donc lieu d'évaluer le préjudice afférent à M. C... à la somme de 7 200 euros TTC, ces travaux ne constituant pas des travaux de rénovation au sens de l'article 279-0 bis du code général des impôts et n'étant donc pas soumis à la taxe sur la valeur ajoutée au taux de 10 % mais au taux de droit commun de 20 %.

14. Par conséquent, et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que la fragilité ou la vulnérabilité de l'immeuble, et, en tout état de cause, sa vétusté, auraient joué un quelconque rôle causal dans l'apparition ou l'étendue des dommages, il y a lieu de fixer l'indemnité due par la communauté d'agglomération Dracénie-Provence-Verdon à M. C... à la somme totale de 22'033,50 euros toutes taxes comprises (TTC). Il s'ensuit que le jugement attaqué doit être réformé en ce sens.

Sur les intérêts :

15. M. C... a droit aux intérêts au taux légal sur cette somme de 22 033,50 euros, à compter du 27 septembre 2019, date de la réception de sa demande indemnitaire préalable.

Sur les conclusions d'appel en garantie présentées par la communauté d'agglomération Dracénie-Provence-Verdon à l'encontre de la société Allianz :

16. Les conclusions présentées par la communauté d'agglomération Dracénie- Provence-Verdon tendant à ce que la société Allianz la garantisse de toute condamnation prononcée à son encontre ont trait à l'application d'un contrat d'assurance entre un assuré et son assureur. Par conséquent, elles soulèvent un litige distinct de celui qui fait l'objet de l'appel interjeté par la commune de Salernes et sont irrecevables. Pour ce motif, elles doivent être rejetées.

Sur les dépens :

17. Selon l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. (...) ".

18. Les frais et honoraires de l'expertise confiée à M. D... par le juge des référés du tribunal administratif de Toulon ont été liquidés et taxés à la somme de 4 537,81 euros par une ordonnance rendue le 9 mai 2019 par le président de cette même juridiction. Eu égard au sens du présent arrêt, il y a lieu de mettre le montant de ces frais et honoraires à la charge définitive de la communauté d'agglomération Dracénie-Provence-Verdon.

Sur les frais liés au litige :

19. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

20. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à la charge des parties les frais non compris dans les dépens qu'elles ont exposés dans le cadre de la présente instance.

D É C I D E :

Article 1er : La commune de Salernes est mise hors de cause.

Article 2 : La communauté d'agglomération Dracénie-Provence-Verdon est condamnée à verser à M. C... une somme de 22 033,50 euros toutes taxes comprises (TTC). Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 27 septembre 2019.

Article 3 : Les frais et honoraires d'expertise taxés et liquidés à la somme de 4 537,81 euros sont mis à la charge définitive de la communauté d'agglomération Dracénie-Provence-Verdon.

Article 4 : Le jugement n° 2000258 du tribunal administratif de Toulon du 16 février 2023 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Salernes, à M. B... C..., à la communauté d'agglomération Dracénie-Provence-Verdon et à la société Allianz.

Copie en sera adressé à M. A... D..., expert de justice.

Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Lombart, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 octobre 2024.

2

No 23MA00841

ot


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA00841
Date de la décision : 15/10/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Travaux publics - Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics - Régime de la responsabilité - Qualité de tiers.

Travaux publics - Différentes catégories de dommages - Dommages causés par l'existence ou le fonctionnement d'ouvrages publics.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Laurent LOMBART
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : LLC & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 27/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-15;23ma00841 ?
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