La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/10/2024 | FRANCE | N°23MA03136

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 1ère chambre, 10 octobre 2024, 23MA03136


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 23 juin 2020 par lequel le maire de la commune de Cannes a refusé de lui délivrer un permis de construire une maison individuelle avec piscine sur un terrain situé 17 avenue Monticelli, sur le territoire de la commune, valant également permis de démolir un bâtiment.



Par un jugement n° 2003019 du 26 octobre 2023, le tribunal administratif de Nice a annulé cet arrêté et a en

joint au maire de la commune de Cannes d'accorder le permis de construire sollicité.



Proc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 23 juin 2020 par lequel le maire de la commune de Cannes a refusé de lui délivrer un permis de construire une maison individuelle avec piscine sur un terrain situé 17 avenue Monticelli, sur le territoire de la commune, valant également permis de démolir un bâtiment.

Par un jugement n° 2003019 du 26 octobre 2023, le tribunal administratif de Nice a annulé cet arrêté et a enjoint au maire de la commune de Cannes d'accorder le permis de construire sollicité.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 26 décembre 2023, et un mémoire enregistré le 4 juillet 2024, la commune de Cannes, représentée par Me Paloux, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 26 octobre 2023 ;

2°) de rejeter la requête de M. B... ;

3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que sa minute n'est pas signée, en méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- le tribunal a statué ultra petita et a dénaturé les conclusions de la requête de M. B... en annulant l'arrêté litigieux sur le fondement de la méconnaissance de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et de l'article UF 11 du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune, alors que les motifs de refus n'étaient critiqués que sous l'angle de la qualification juridique des faits, et non de l'erreur de droit ;

- le tribunal a considéré à tort que le projet s'insérait harmonieusement dans son environnement et ne lui portait pas atteinte, et respectait l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et de l'article UF 11 du PLU, alors qu'il est situé au cœur de la partie sommitale de la colline de la Californie et visible du boulevard d'Alsace et qu'il a un impact négatif de fait de ses dimensions importantes et de son implantation au centre de la parcelle en cause ; c'est au prix d'une erreur matérielle que l'arrêté litigieux est fondé sur l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme au lieu de l'article R. 111-21 du même code alors applicable et elle sollicite une substitution de motifs à ce titre.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 avril 2024, M. A... B..., représenté par Me Férignac, conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint à la commune de Cannes de lui délivrer le permis de construire sollicité sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, et à ce que la somme de 10 000 euros soit mise à la charge de la commune en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Un mémoire enregistré le 21 août 2024 présenté pour M. B... n'a pas été communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n° 2003-1169 du 2 décembre 2003

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Claudé-Mougel,

- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,

- et les observations de Me Constanza, substituant Me Paloux, représentant la commune de Cannes, et celles de Me Gaudon, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Après avoir obtenu, le 9 juillet 2014, la délivrance d'un certificat d'urbanisme, M. B... a sollicité du maire de Cannes la délivrance d'un permis de construire une maison individuelle avec piscine sur des parcelles cadastrées section DK n° 654, 918 et 919, situées 17 avenue Monticelli, dont il est propriétaire sur le territoire de la commune. L'arrêté du maire de la commune de Cannes du 12 juillet 2016 portant sursis à statuer sur sa demande a été annulé par un arrêt n° 18MA04576 de la cour administrative d'appel de Marseille du 14 février 2020, qui a enjoint au maire de la commune de Cannes de procéder à un nouvel examen de la demande de M. B.... Par un arrêté du 23 juin 2020, le maire de la commune de Cannes a refusé de délivrer cette autorisation à M. B.... Par un jugement du 26 octobre 2023, le tribunal administratif de Nice a annulé cet arrêté et a enjoint au maire de la commune de Cannes d'accorder le permis de construire sollicité. Cette dernière relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, il ressort du dossier de première instance que le moyen tiré de ce que la minute du jugement attaqué ne comporterait pas l'ensemble des signatures requises en vertu de l'article R. 741-7 du code de justice administrative manque en fait, et doit donc être écarté.

3. En second lieu, il ressort des écritures de première instance que M. B... sollicitait l'annulation de l'arrêté litigieux. Le tribunal n'a donc pas statué au-delà de ces conclusions. M. B... y soutenait en outre clairement que son projet ne méconnaissait ni les dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme, ni celles de l'article UF 11 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune. Le tribunal n'a ainsi pas davantage soulevé un moyen d'office et s'est borné à y répondre.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme alors applicable, reprises désormais par l'article R. 111-27 de ce code : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. " Aux termes de l'article UF 11 du règlement du PLU de la commune de Cannes applicable à la date du certificat d'urbanisme délivré à M. B... mentionné au point 1 : " Les constructions et aménagements doivent contribuer à l'harmonie de leur environnement et, le cas échéant, du bâtiment auquel ils sont intégrés, par les bonnes proportions de leur volume et de leurs éléments ainsi que par la qualité des matériaux mis en œuvre, et par le choix des couleurs employées pour leur embellissement. / 11.1 - Les terrasses en " tropézienne " sont interdites. / 11. 2 - Les garages implantés en bordures de voies peuvent être surmontés de balustrades et de pergolas / 11. 3 - Les clôtures sur voies seront constituées d'un mur bahut surmonté d'une grille ou d'un grillage doublé d'une haie. Pour toutes les clôtures, les matériaux suivants sont strictement interdits : PVC, matériaux plastiques, palpanche béton non enduite, canisse, tôle. Les portails pourront être réalisés en tôle. Le long du canal de la Siagne, côté mer, les clôtures seront transparentes. Aucun habillage, végétal ou autre, ne pourra masquer les vues sur le grand paysage. Par contre, les haies végétales pourront être plantées en contrebas de la clôture et/ou de la limite de propriété, à une distance minimale mesurée en plan de 3 mètres. 11. 4 - Panneaux solaires (....) / 11. 5 - Les éléments de paysage à mettre en valeur ou à requalifier pour des motifs d'ordre culturel, historique ou écologique sont identifiés à l'annexe 6. 2 du présent règlement et localisés sur le document graphique. Ils ne peuvent pas être démolis ou abattus mais peuvent faire l'objet de travaux de réhabilitation, d'extension ou de surélévation, voire de modifications ou de suppression très partielles pour leurs composants non remarquables. / (...) "

5. Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte aux paysages naturels avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Les dispositions de cet article excluent qu'il soit procédé dans le second temps du raisonnement, pour apprécier la légalité des permis de construire délivrés, à une balance d'intérêts divers en présence, autres que ceux visés à l'article R. 111-21 cité ci-dessus ;

6. D'une part, s'agissant de la qualité du site sur lequel la construction est projetée, l'arrêté litigieux est fondé sur la circonstance que le terrain d'assiette se situe au cœur de la masse végétale de la partie sommitale de la colline de la Californie, lieu remarquable et emblématique de la commune de Cannes, présentant un aspect grand paysage qu'il convient de préserver. L'arrêté reprend à cet égard l'avis de l'architecte des bâtiments de France du 17 décembre 2015, consulté sur le fondement de l'article R. 425-30 du code de l'urbanisme dès lors que cette colline s'inscrit dans le site inscrit dit de la " bande côtière de Nice à Théoule - Oppidum Le Pézou ", selon lequel ce secteur serait identifié en espace urbanisé sensible par la directive territoriale d'aménagement des Alpes-Maritimes approuvée par le décret susvisé du 2 décembre 2003, et présente un aspect grand paysage qu'il convient de préserver. Cependant, les parcelles cadastrées section DK n° 654, 918 et 919 en cause ne sont pas situées dans les espaces urbanisés sensibles figurés par la carte " le littoral ", ni dans le " grand cadre paysager " figuré par la carte " la bande côtière " annexées à cette directive, ni, d'ailleurs, dans aucun autre espace à enjeux de ce territoire. Si la commune de Cannes soutient à ce titre que le terrain est identifié dans un secteur paysager au document graphique du PLU et est visible depuis le boulevard d'Alsace, elle n'assortit ces affirmations d'aucune autre précision. Ces parcelles ne sont pas davantage situées dans la zone collinaire sommitale du quartier de la Californie mais en lisière de la masse végétale de cette zone collinaire sommitale, en en étant séparées par l'avenue Ziem, et se trouvaient à la date de délivrance du certificat d'urbanisme dans la zone UFb qui correspond à la zone collinaire haute de ce quartier, laquelle est densément urbanisée, en comprenant de nombreuses villas avec piscine et d'importants immeubles collectifs qui ne présentent aucun intérêt architectural particulier.

7. D'autre part, s'agissant de l'impact que la construction projetée pourrait avoir sur le site compte tenu de sa nature et de ses effets, la parcelle en cause, d'une surface de 2 092 m², est entourée de nombreuses villas avec piscine dont certaines se trouvent d'ailleurs de l'autre côté de l'avenue Ziem, au début de la zone collinaire sommitale du quartier de la Californie, et dont l'emprise au sol varie de plus de 250 m² à 2000 m². L'emprise du projet en cause de 191 m² est donc cohérente avec les caractéristiques de l'urbanisation du site de la Californie. L'esthétique de style contemporain de la villa projetée ne dénote pas avec les villas environnantes qui, ainsi qu'il a été dit au point précédent, ne présentent aucun intérêt architectural particulier, et n'est d'ailleurs pas mise en cause aux termes de l'arrêté litigieux. Le projet prévoit en outre que la villa est semi-enterrée, en étant implantée de telle manière qu'elle ne dépasse que de très peu le profil du terrain naturel, et que 46 arbres seront ajoutés à ceux existants, permettant de dissimuler la construction et de limiter son impact visuel. Enfin, la seule circonstance qu'il s'accompagne d'une modification de sa déclivité par la création de restanques ne saurait établir à elle seule qu'il méconnaît les dispositions citées au point 4. Ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal, le maire de Cannes a dès lors commis une erreur d'appréciation en refusant le permis de construire.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Cannes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a annulé l'arrêté de son maire du 23 juin 2020 et lui a enjoint de délivrer le permis de construire sollicité par M. B....

Sur les conclusions de M. B... à fin d'injonction :

9. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ". Selon l'article L. 911-3 du même code : " La juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. ". Lorsque le juge annule un refus d'autorisation après avoir censuré l'ensemble des motifs que l'autorité compétente a énoncés dans sa décision conformément aux prescriptions de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme ainsi que, le cas échéant, les motifs qu'elle a pu invoquer en cours d'instance, il doit, s'il est saisi de conclusions à fin d'injonction, ordonner à l'autorité compétente de délivrer l'autorisation ou de prendre une décision de non-opposition. Il n'en va autrement que s'il résulte de l'instruction soit que les dispositions en vigueur à la date de la décision annulée, qui, eu égard aux dispositions de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme demeurent applicables à la demande, interdisent de l'accueillir pour un motif que l'administration n'a pas relevé, ou que, par suite d'un changement de circonstances, la situation de fait existant à la date du jugement y fait obstacle.

10. Le présent arrêt confirme l'annulation de l'arrêté du 23 juin 2020 par le tribunal administratif de Nice après avoir censuré le motif que le maire de Cannes y a énoncé. Il ne résulte pas de l'instruction que les dispositions en vigueur à la date mentionnée au point 4 s'opposent au projet litigieux pour un motif que l'administration n'aurait pas relevé. Il n'en résulte pas davantage que, suite à un changement de circonstances, la situation de fait existant à la date de cet arrêt y ferait obstacle. Il résulte en revanche de l'instruction que la commune de Cannes n'a pas déféré à l'injonction prononcée par le jugement attaqué tendant à la délivrance du permis de construire sollicité par M. B... dans un délai de deux mois à compter de sa notification. Dans ces circonstances, il y a lieu d'enjoindre au maire de la commune de Cannes de délivrer cette autorisation dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et d'assortir cette injonction d'une astreinte de 500 euros par jour de retard.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser une quelconque somme à la commune de Cannes. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de cette dernière, une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.

D É C I D E

Article 1er : La requête de la commune de Cannes est rejetée.

Article 2 : Il est enjoint au maire de la commune de Cannes de délivrer le permis de construire sollicité par M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé ce délai.

Article 3 : La commune de Cannes versera à M. B... la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Cannes et à M. A... B....

Délibéré après l'audience du 26 septembre 2024, où siégeaient :

- M. Portail, président,

- Mme Courbon, présidente-assesseure,

- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 octobre 2024.

2

N° 23MA03136


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23MA03136
Date de la décision : 10/10/2024

Analyses

68-03-025-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Nature de la décision. - Refus du permis.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Arnaud CLAUDÉ-MOUGEL
Rapporteur public ?: M. QUENETTE
Avocat(s) : PALOUX

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-10;23ma03136 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award