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10/10/2024 | FRANCE | N°23MA01338

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 1ère chambre, 10 octobre 2024, 23MA01338


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SCEA Gibiers de Valbacol a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 20 octobre 2019 par laquelle le maire de la commune de Vitrolles a refusé de lui délivrer un certificat de permis de construire tacite pour la construction d'un moulin à huile, d'une habitation et d'un hangar sur un terrain cadastré n° OB 1782 et OB 1786 et d'enjoindre au maire de Vitrolles de lui délivrer un certificat de permis de construire tacite.



Par

un jugement n° 1909124 du 11 avril 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCEA Gibiers de Valbacol a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 20 octobre 2019 par laquelle le maire de la commune de Vitrolles a refusé de lui délivrer un certificat de permis de construire tacite pour la construction d'un moulin à huile, d'une habitation et d'un hangar sur un terrain cadastré n° OB 1782 et OB 1786 et d'enjoindre au maire de Vitrolles de lui délivrer un certificat de permis de construire tacite.

Par un jugement n° 1909124 du 11 avril 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 mai 2023, la SCEA Gibiers de Valbacol, représentée par Me Andreani, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 11 avril 2023 ;

2°) d'annuler la décision du 20 octobre 2019 ;

3°) d'enjoindre au maire de Vitrolles de lui délivrer le certificat de permis de construire tacite n° PC 01311716F0004, en indiquant la date à laquelle le dossier a été transmis au préfet dans les conditions définies aux articles L. 2131-1 et L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Vitrolles la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier, en l'absence de notification de l'ordonnance ordonnant une médiation et désignant le médiateur, prévue à l'article R. 213-6 du code de justice administrative, à son conseil ;

- la décision implicite refusant de lui délivrer un certificat de permis de construire tacite méconnait l'article R. 424-13 du code de l'urbanisme, dès lors qu'elle est titulaire d'une autorisation tacite, née après la confirmation de sa demande de permis effectuée le 31 décembre 2018, après l'annulation, par le tribunal administratif de Marseille, de la décision de refus de permis de construire du 28 juillet 2016 ;

- la décision du 27 octobre 2016 ne constitue pas une décision de refus de permis de construire, la commune n'étant saisie à cette date d'aucune demande, puisqu'elle avait déjà statué sur celle-ci en délivrant tacitement un permis de construire le 29 juillet 2016 ;

- le jugement du tribunal administratif du 10 décembre 2018, qui juge que l'arrêté du 27 octobre 2016 n'a pas pour objet de refuser un permis de construire, est revêtu de l'autorité de la chose jugée, de telle sorte que l'annulation de la décision de refus de permis de construire impose à l'autorité compétente de procéder à une nouvelle instruction de la demande ;

- l'arrêté du 27 octobre 2016 n'a pu avoir pour effet de refuser un permis de construire, dès lors qu'il n'a pas été régulièrement notifié au pétitionnaire.

Par un mémoire, enregistré le 3 juillet 2023, la commune de Vitrolles, représentée par Me Ladouari, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SCEA Gibiers de Valbacol au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Courbon,

- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,

- et les observations de Me Tosi, représentant la SCEA Gibiers de Valbacol et de Me Beza, représentant la commune de Vitrolles.

Considérant ce qui suit :

1. La SCEA Gibiers de Valbacol a déposé le 25 janvier 2016 une demande de permis de construire un moulin à huile, une maison d'habitation et un hangar sur des parcelles de terrain cadastrées section OB n° 1782 et n° 1876 situées sur le territoire de la commune de Vitrolles. Par un arrêté du 28 juillet 2016, notifié le 4 août 2016, le maire de Vitrolles a refusé la délivrance du permis de construire sollicité. Par un arrêté du 27 octobre 2016, il a retiré le permis de construire tacite, né le 29 juillet 2016 au bénéfice de la SCEA Gibier de Valbacol. Par un jugement du 10 décembre 2018, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 28 juillet 2016. La SCEA Gibiers de Valbacol, après avoir confirmé le 31 décembre 2018 sa demande de permis de construire, a demandé, le 20 août 2019, la délivrance du certificat de permis de construire tacite dont elle estime désormais être titulaire pour la construction de ces bâtiments. Elle relève appel du jugement du 11 avril 2023 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le maire de Vitrolles a rejeté cette demande.

Sur la régularité du jugement :

2. La circonstance, à la supposer établie, que la décision ordonnant une médiation entre les parties à l'initiative du juge ait été irrégulièrement notifiée aux parties est sans incidence sur la régularité du jugement rendu par le tribunal administratif après l'échec de la médiation. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement du 11 avril 2023 doit être écarté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. D'une part, aux termes de l'article R. 423-23 du code de l'urbanisme : " Le délai d'instruction de droit commun est de : (...) b) Deux mois pour les demandes de permis de démolir et pour les demandes de permis de construire portant sur une maison individuelle, au sens du titre III du livre II du code de la construction et de l'habitation, ou ses annexes ; c) Trois mois pour les autres demandes de permis de construire et pour les demandes de permis d'aménager. ". Aux termes de l'article R. 424-1 du même code : " A défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction déterminé comme il est dit à la section IV du chapitre III ci-dessus, le silence gardé par l'autorité compétente vaut, selon les cas : (...) b) Permis de construire, permis d'aménager ou permis de démolir tacite. (...) ". Aux termes de l'article R. 424-13 de ce code : " En cas de permis tacite ou de non-opposition à un projet ayant fait l'objet d'une déclaration, l'autorité compétente en délivre certificat sur simple demande du demandeur (...) ".

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'un refus opposé à une demande d'autorisation d'occuper ou d'utiliser le sol ou l'opposition à une déclaration de travaux régies par le présent code a fait l'objet d'une annulation juridictionnelle, la demande d'autorisation ou la déclaration confirmée par l'intéressé ne peut faire l'objet d'un nouveau refus ou être assortie de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme intervenues postérieurement à la date d'intervention de la décision annulée sous réserve que l'annulation soit devenue définitive et que la confirmation de la demande ou de la déclaration soit effectuée dans les six mois suivant la notification de l'annulation au pétitionnaire. "

5. Il résulte de ces dispositions que l'annulation par le juge de l'excès de pouvoir de la décision qui a refusé de délivrer un permis de construire impose à l'administration, qui demeure saisie de la demande, de procéder à une nouvelle instruction de celle-ci, sans que le pétitionnaire ne soit tenu de la confirmer. En revanche, un nouveau délai de nature à faire naître une autorisation tacite ne commence à courir qu'à dater du jour de la confirmation de sa demande par l'intéressé. En vertu des dispositions, citées au point 3, de l'article R. 424-1 du code de l'urbanisme, la confirmation de la demande de permis de construire par l'intéressé fait courir un délai de trois mois, à l'expiration duquel le silence gardé par l'administration fait naître un permis de construire tacite.

6. Il ressort des pièces du dossier que la demande de permis de construire déposée le 25 janvier 2016 par la SCEA Gibiers de Valbacol, et complétée, à la demande de la commune de Vitrolles, le 29 mars 2016, était soumise à un délai d'instruction de trois mois en application du c) de l'article R. 423-23 du code de l'urbanisme. Si le maire de Vitrolles a décidé, par un arrêté daté du 28 juillet 2016, de refuser le permis de construire sollicité, il est constant que cet arrêté n'a été notifié à la société pétitionnaire que le 4 août 2016, postérieurement à l'expiration du délai d'instruction. Il s'ensuit que la SCEA Gibiers de Valbacol pouvait se prévaloir d'un permis de construire tacite né le 29 juillet 2016. Par un jugement du 10 décembre 2018, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 28 juillet 2016, regardé comme ayant procédé irrégulièrement au retrait de ce permis tacite faute de mise en œuvre de la procédure contradictoire prévue à l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration. Il ressort également des pièces du dossier que par un arrêté du 27 octobre 2016, devenu définitif, le maire de Vitrolles a procédé au retrait du permis tacite né le 29 juillet 2016, motif pris de son illégalité au regard des règles d'urbanisme applicables, après avoir invité la société pétitionnaire à présenter ses observations par courrier du 18 octobre 2016, notifié le même jour.

7. La SCEA Gibiers de Valbacol, qui a, à la suite de l'annulation contentieuse de l'arrêté de refus de permis du 28 juillet 2016, confirmé sa demande de permis de construire le 31 décembre 2018, soutient qu'elle est titulaire, compte tenu de l'expiration du délai de trois mois prévu à l'article R. 424-1, d'un permis de construire tacite en application des dispositions énoncées aux points 3 et 4.

8. Toutefois, le jugement du tribunal administratif de Marseille du 10 décembre 2018 a, ainsi qu'il a été dit au point 6 ci-dessus, requalifié la décision de refus de permis de construire du 28 juillet 2016 en décision de retrait, dès lors qu'une décision de permis de construire tacite était née le 29 juillet 2016, avant sa notification. Aucune décision de refus de permis de construire n'ayant été annulée, le courrier de la SCEA Gibiers de Valbacol du 27 décembre 2018 ne peut être regardé comme une demande d'autorisation confirmative au sens et pour l'application des dispositions de L. 600-2 du code de l'urbanisme. Ce courrier ne saurait davantage être regardé comme une nouvelle demande de permis de construire, aucun dossier n'ayant été produit à son appui, de nature à faire naître du silence gardé par le maire de Vitrolles, à l'expiration du délai d'instruction de trois mois prévu à l'article R. 423-23 du code de l'urbanisme, un permis de construire tacite. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle est titulaire d'un permis de construire tacite, en l'absence de décision expresse prise par le maire de Vitrolles suite à son courrier du 27 décembre 2018.

9. Au demeurant, et en premier lieu, contrairement à ce que soutient la société requérante, l'arrêté du 27 octobre 2016, qui procède au retrait du permis de construire tacite du 29 juillet 2016, a été régulièrement notifié le 31 octobre 2017 à son représentant légal à l'adresse mentionnée dans le dossier de demande, à savoir 17 allée du Froment, 13 127 Vitrolles, par pli recommandé avec accusé de réception le 31 octobre 2017, ainsi qu'en atteste le cachet de présentation du pli établi par les services postaux produit au dossier. En se bornant à produire une photographie faisant apparaitre le nom de son représentant légal sur une boîte aux lettres dont la localisation n'est pas précisée, la SCEA Gibiers de Valbacol n'apporte aucun élément de probant de nature à remettre en cause la régularité de cette notification.

10. En second lieu, et alors que le tribunal administratif, dans son jugement du 10 décembre 2018 annulant l'arrêté du 28 juillet 2016, a rejeté la demande présentée par la SCEA tendant à ce qu'il soit enjoint au maire de Vitrolles de lui délivrer le permis de construire sollicité, compte tenu de l'intervention, le 27 octobre 2016, de la décision de retrait, devenue définitive, du permis tacitement obtenu le 29 juillet 2016, la société requérante ne saurait valablement soutenir que l'autorité de la chose jugée par le tribunal administratif de Marseille imposait à la commune de procéder à une nouvelle instruction de sa demande. Par ailleurs, l'arrêté du 27 octobre 2026 portant retrait d'un permis de construire tacite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'autorité a ainsi refusé le permis de construire alors qu'elle était dessaisie de l'instruction de la demande de permis de construire.

11. Il résulte de ce qui précède que la SCEA Gibiers de Valbacol n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le la maire de Vitrolles a rejeté sa demande tendant à la délivrance d'un certificat de permis de construire tacite. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Vitrolles, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la SCEA Gibiers de Valbacol sur ce fondement. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société requérante une somme de 2 000 euros à verser à la commune de Vitrolles en application de ces dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SCEA Gibiers de Valbacol est rejetée.

Article 2 : La SCEA Gibiers de Valbacol versera à la commune de Vitrolles une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCEA Gibiers de Valbacol et à la commune de Vitrolles.

Délibéré après l'audience du 26 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Portail, président,

- Mme Courbon, présidente assesseure,

- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 octobre 2024.

2

N° 23MA01338

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23MA01338
Date de la décision : 10/10/2024

Analyses

68-03-025-02-01 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Nature de la décision. - Octroi du permis. - Permis tacite.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: Mme Audrey COURBON
Rapporteur public ?: M. QUENETTE
Avocat(s) : MCL AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-10;23ma01338 ?
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