Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du préfet des Hautes-Alpes du 13 mai 2024 l'assignant à résidence pour une durée de 45 jours et fixant les modalités d'application de cette mesure.
Par un jugement n° 2404827 du 28 mai 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 13 juin 2024 sous le n° 24MA01524, M. B..., représenté par Me Carmier, demande à la cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler le jugement du 28 mai 2024 du tribunal administratif de Marseille ;
3°) d'annuler l'arrêté du 13 mai 2024 du préfet des Hautes-Alpes ;
4°) d'enjoindre au préfet des Hautes-Alpes de procéder à un nouvel examen de sa situation ;
5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- sa requête est recevable ;
- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation personnelle ;
- il n'a pas été mis en mesure de faire connaître ses observations et d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il jugeait utiles avant l'intervention de l'arrêté contesté ;
- le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste et de droit en ne tirant pas les conséquences de l'annulation de son arrêté le plaçant en rétention administrative, méconnaissant ainsi l'article L. 742-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté contesté est dépourvu de perspective raisonnable quant à l'exécution de la mesure d'éloignement qu'il vise et méconnaît ainsi l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : d'une part, parce que le préfet n'a pas fixé le pays vers lequel il serait renvoyé, d'autre part, parce que la naissance de son enfant postérieurement au jugement lui infligeant la peine d'interdiction du territoire français fait obstacle à l'exécution de cette mesure sauf à méconnaître l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'arrêté contesté fixe des modalités d'application disproportionnées.
La procédure a été communiquée au préfet des Hautes-Alpes, qui a produit des pièces, enregistrées le 19 septembre 2024 et qui n'ont pas été communiquées.
II. Par une requête, enregistrée le 13 juin 2024 sous le n° 24MA01525, M. B..., représenté par Me Carmier, demande à la cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du 13 mai 2024 du préfet des Hautes-Alpes ;
3°) d'enjoindre au préfet des Hautes-Alpes de procéder à un nouvel examen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient qu'il y a urgence à suspendre l'exécution de l'arrêté contesté et qu'il existe un doute sérieux sur la légalité de celui-ci.
La procédure a été adressée au préfet des Hautes-Alpes, qui a produit des pièces, enregistrées le 19 septembre 2024 et qui ont été communiquées par Telerecours avant la levée de l'audience publique.
Dans ces deux affaires, M. B... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 26 juillet 2024 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Mahmouti.
Les notes en délibéré présentées pour M. B... ont été enregistrées le 19 septembre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant algérien né en 1992, a été condamné, le 13 juillet 2021, par la cour d'appel de Grenoble à une peine de deux ans d'emprisonnement assortie d'une interdiction judiciaire du territoire d'une durée de 5 ans. Le 9 mai 2024, il a été interpelé à Gap par la police nationale pour des faits de violence sur son ex-compagne et mère de son enfant. Le préfet des Hautes-Alpes a, aux motifs que l'intéressé était l'objet de l'interdiction précitée et qu'il représentait en outre une menace publique, prononcé à son encontre une mesure de placement en rétention que le juge des libertés et de la détention a cependant annulée par une ordonnance du 13 mai 2024. Ledit préfet a alors pris un nouvel arrêté par lequel il a assigné M. B... à résidence pour une durée de 45 jours et fixé les modalités d'application de cette mesure, en l'occurrence en lui interdisant de quitter le département des Hautes-Alpes sans son autorisation et en l'obligeant, d'une part, à pointer tous les jours à la brigade de gendarmerie de La Saulce à 10 heures avec ses effets personnels et, d'autre part, à être présent à son domicile tous les jours entre 14 heures et 17 heures. Par les deux requêtes susvisées, M. B... sollicite, par celle enregistrée sous le n° 24MA01524, l'annulation du jugement du 28 mai 2024 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande dirigée contre cet arrêté du préfet des Hautes-Alpes du 13 mai 2024 et, par celle enregistrée sous le n° 24MA01525, la suspension de ce même arrêté sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. Ces deux requêtes présentant des questions communes à juger, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.
Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président ".
3. Par deux décisions du 26 juillet 2024, le bureau d'aide juridictionnelle a statué sur la demande de M. B.... Il n'y a donc pas lieu de statuer sur sa demande d'admission à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Sur la requête n° 24MA01524 tendant à l'annulation du jugement attaqué :
4. L'arrêté assignant à résidence M. B... comporte les considérations de droit, et notamment les dispositions du 7° de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que celles de fait, et en particulier la condamnation dont celui-ci a été l'objet et la justification par l'intéressé d'un domicile. Il s'ensuit qu'ainsi que l'a jugé la magistrate désignée du tribunal administratif de Marseille, l'arrêté contesté, qui n'avait pas à exposer de manière exhaustive l'ensemble des éléments propres à la situation personnelle de M. B..., apparaît suffisante tant en droit qu'en fait. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
5. Il ressort des pièces du dossier que, comme il le soutient, M. B... n'a pas été invité par l'administration à présenter, préalablement à l'édiction de l'arrêté préfectoral contesté, ses observations écrites ou orales sur la perspective d'une mesure l'assignant à résidence. Néanmoins, les seules circonstances qu'il invoque pour la première fois en appel selon lesquelles il s'occuperait quotidiennement de son enfant de nationalité française âgé de six mois et vivrait en concubinage avec une ressortissante française ne sauraient suffire à justifier ses allégations. En effet, le requérant ne démontre ni même n'allègue que sa compagne serait dans l'impossibilité de s'occuper de leur enfant et, en outre, il ressort de la procédure pénale d'interpellation versée au débat qu'il est séparé de la mère de son enfant à l'égard de laquelle il ne conteste en outre pas avoir été violent. Par suite il n'a pas effectivement été privé de son droit d'être entendu et, dès lors, le moyen tiré de la violation de ce droit ne peut qu'être écarté.
6. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet ne se serait pas livré à un examen complet et sérieux de l'ensemble de la situation personnelle de M. B....
7. Aux termes de l'article L. 742-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'il est mis fin à la rétention pour une raison autre que l'annulation, l'abrogation ou le retrait de la décision d'éloignement, d'interdiction administrative du territoire ou de transfert, un rappel de l'obligation de déférer à cette décision est adressé à l'étranger par le magistrat du siège du tribunal judiciaire ou par l'autorité administrative. / L'étranger peut alors être assigné à résidence en application de l'article L. 731-1. / La méconnaissance des dispositions du premier alinéa est sans conséquence sur la régularité et le bien-fondé de procédures ultérieures d'éloignement et de rétention. ". Ces dispositions rendent applicables les dispositions de l'article L. 731-1 de ce même code à l'étranger dont la rétention a pris fin pour une raison autre que l'annulation, l'abrogation ou le retrait de la mesure d'éloignement dont l'exécution était recherchée. Tel est le cas en l'espèce dès lors que la rétention de M. B... a pris fin en raison de l'annulation par le juge des libertés et de la détention le 13 mai 2024 de la mesure décidant son placement en rétention. Par suite, le préfet n'a pas, contrairement à ce que soutient le requérant, méconnu les dispositions de l'article L. 742-10 précité en prononçant à son encontre une mesure d'assignation à résidence. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut qu'être écarté.
8. Aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : (...) 7° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une peine d'interdiction judiciaire du territoire prononcée en application du deuxième alinéa de l'article 131-30 du code pénal ; (...) ". Aux termes de l'article L. 722-6 du même code : " La peine d'interdiction du territoire français prononcée à l'encontre d'un étranger coupable d'un crime ou d'un délit en application des articles 131-30 à 131-30-2 du code pénal est exécutoire dans les conditions prévues aux deuxième à quatrième alinéas de l'article 131-30 du même code. ". Aux termes dudit deuxième alinéa de l'article 131-30 du code pénal : " L'interdiction du territoire entraîne de plein droit la reconduite du condamné à la frontière, le cas échéant, à l'expiration de sa peine d'emprisonnement ou de réclusion. ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, s'agissant d'un étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français, la légalité d'une mesure d'assignation à résidence prise en application du 7° de l'article L. 731-1 précité est subordonnée à l'existence d'une perspective raisonnable d'exécution de la peine d'interdiction judiciaire du territoire dont l'étranger fait l'objet. Dans de telles conditions et contrairement à ce que soutient le requérant, la seule circonstance que le préfet, qui est tenu de pourvoir à l'exécution de la reconduite à la frontière entraînée de plein droit par cette peine, n'ait pas fixé le pays vers lequel l'étranger serait renvoyé ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce qu'il décide d'assigner à résidence celui-ci.
9. En outre, si M. B..., invoquant l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, soutient qu'il s'occupe de son jeune fils né postérieurement au jugement lui infligeant la peine d'interdiction du territoire français et vit avec une ressortissante française, de telles considérations, qui n'étaient au demeurant plus existantes à la date de l'arrêté contesté, ne sont pas de nature à démontrer que la mesure d'éloignement dont il est l'objet ne puisse être exécutée, et en particulier qu'il ne pourrait probablement pas être accueilli dans un pays tiers. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'erreur de droit et d'appréciation dans l'application de l'article L. 731-1 du code précité ne peut qu'être écarté.
10. Enfin, aux termes de l'article R. 733-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative qui a ordonné l'assignation à résidence de l'étranger en application des articles L. 731-1, L. 731-3, L. 731-4 ou L. 731-5 définit les modalités d'application de la mesure : 1° Elle détermine le périmètre dans lequel il est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence ; 2° Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'elle fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si l'obligation de présentation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés ; 3° Elle peut lui désigner une plage horaire pendant laquelle il doit demeurer dans les locaux où il réside. ". Aux termes de l'article R. 733-2 du même code, dans sa version alors applicable : " Lorsque l'étranger est assigné à résidence en application des 6° ou 7° de l'article L. 731-3 ou des articles L. 731-4 ou L. 731-5, le nombre de présentations aux services de police ou aux unités de gendarmerie prévu à l'article R. 733-1 peut être porté à quatre par jour. ". Il revient au juge administratif de s'assurer que les obligations de se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, susceptibles d'être imparties par l'autorité administrative sur le fondement de ces dispositions, sont adaptées, nécessaires et proportionnées aux finalités qu'elles poursuivent. En l'espèce, le préfet des Hautes-Alpes a interdit à M. B... de quitter le département des Hautes-Alpes, l'a obligé à pointer tous les jours à la brigade de gendarmerie de La Saulce à 10 heures avec ses effets personnels et à être présent à son domicile tous les jours entre 14 heures et 17 heures. Ces modalités sont toutefois adaptées à l'objectif du préfet de pourvoir à l'exécution de l'interdiction du territoire français dont l'intéressé est l'objet et à l'exécution de laquelle celui-ci s'était jusqu'alors soustrait. Elles n'excèdent pas non plus ce qu'exige la réalisation de cet objectif. Enfin, elles ne sont pas non plus disproportionnées dès lors que la brigade de gendarmerie de La Saulce se trouve à 6 kilomètres du domicile de M. B... tandis qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il existerait un service de police ou une brigade de gendarmerie plus proche. Si le requérant soutient qu'il ne dispose pas de véhicule, il n'étaye son moyen d'aucune pièce justificative tandis qu'il ressort en tout état de cause des pièces versées par le préfet en première instance que la brigade de gendarmerie de La Saulce est accessible par bus. A cet égard, bien que l'aller et le retour par ce moyen de transport exige que l'intéressé mobilise à cette fin un volume horaire de 6 heures, cette obligation est cependant prévue sur une durée limitée à 45 jours. Par suite et contrairement à ce que soutient le requérant, le préfet n'a pas pris des mesures qui ne serait ni adaptées, ni nécessaires ou disproportionnées.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
12. Par voie de conséquence, les conclusions qu'il a présentées dans la requête n° 24MA01524 aux fins d'injonction et au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
Sur la requête n° 24MA01525 tendant à ce que l'exécution de l'arrêté du préfet des Hautes-Alpes du 13 mai 2024 soit suspendue :
13. Par le présent arrêt, il est statué au fond sur la légalité de l'arrêté du préfet des Hautes-Alpes du 13 mai 2024. Les conclusions aux fins de suspension de cet arrêté sont devenues, par conséquent, sans objet. Dès lors et sans qu'il soit besoin de tenir compte des pièces produites le jour de l'audience publique par le préfet des Hautes-Alpes, il n'y a pas lieu de statuer sur ces conclusions à fin de suspension et il n'y a, par suite, pas non plus lieu de faire droit aux conclusions aux fins d'injonction présentées par M. B... dans sa requête n° 24MA01525. Il n'y a pas non plus pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que M. B... demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes d'admission à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle de M. B....
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. B... aux fins de suspension de l'exécution de l'arrêté du préfet des Hautes-Alpes du 13 mai 2024.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. B... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B..., à Me Carmier et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Hautes-Alpes.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Fedi, présidente de chambre,
- Mme Rigaud, présidente assesseur,
- M. Mahmouti, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 octobre 2024.
2
N°' 24MA01524, 24MA01525