Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler :
- l'arrêté du 21 août 2020 par lequel le préfet des Alpes-de-Haute-Provence l'a rendu redevable d'une astreinte journalière de 245 euros jusqu'à ce qu'il régularise les travaux effectués sans autorisation sur les cours d'eau du Jabron, de Vaubelle et du Vallat, conformément à la mise en demeure du 3 décembre 2014, ensemble la décision portant rejet de son recours gracieux ;
- les arrêtés des 2 décembre 2020 et 2 juillet 2021 par lesquels la préfète des Alpes-de-Haute-Provence a procédé à la liquidation partielle de cette astreinte, pour les périodes respectives du 2 septembre au 1er octobre 2020 et du 2 au 21 octobre 2020, ensemble les décisions portant rejet de ses recours gracieux ;
- les titres de perception émis les 23 février et 6 octobre 2021 à son encontre pour le recouvrement des sommes correspondantes de 7 350 et 4 655 euros, ensemble les décisions portant rejet de ses recours gracieux.
Par un jugement n° 2100103, 2106324, 2109274, 2109985, 2204287 du 7 juillet 2023, le tribunal administratif de Marseille a annulé les titres de perception émis les 23 février et 6 octobre 2021, ensemble les décisions portant rejet des recours gracieux dirigés contre ces titres, et a rejeté le surplus des demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 5 septembre 2023, M. A..., représenté par Me Beauvillard, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 7 juillet 2023 en tant qu'il n'a pas plus amplement fait droit à ses demandes ;
2°) d'annuler les arrêtés préfectoraux des 21 août 2020, 2 décembre 2020 et 2 juillet 2021, ensemble les décisions portant rejet des recours gracieux formés contre ces arrêtés ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que les arrêtés sont adressés à M. A... alors que les travaux en cause ont été réalisés par l'EARL du Paroir ;
- les arrêtés ont été pris tardivement au regard de la date à laquelle les manquements ont été constatés ;
- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis ; les profils du lit mineur des cours d'eau, le Jabron et le Vaubelle, n'ont pas été modifiés, et aucun obstacle n'a été créé, si bien que les travaux n'étaient pas soumis à régime d'autorisation en application de l'article R. 214-1 du code de l'environnement (nomenclature 3.2.1.0) ; seuls des travaux sur les berges ont été réalisés ; le Vallat n'est quant à lui pas un cours d'eau ;
- il a respecté les termes de la mise en demeure ; de nombreux dossiers destinés à régulariser la situation ont été déposés ;
- l'astreinte est disproportionnée au regard de sa bonne foi, de l'impact financier de l'astreinte sur la situation du GAEC et surtout de l'absence de gravité des manquements et d'atteinte portée à l'environnement ; l'administration a d'ailleurs estimé qu'une étude d'impact n'était pas nécessaire ; les dispositions de l'article L. 171-7 du code de l'environnement ne sont à cet égard pas respectées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mai 2024, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.
Il soutient que la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.
Des observations ont été enregistrées pour le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires les 26 juillet et 12 septembre 2024, et pour M. A... le 10 septembre 2024, à la suite d'une demande de communication de pièces intervenue sur le fondement de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Poullain,
- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,
- et les observations de Me Bouteiller, substituant Me Beauvillard, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. Après qu'un rapport de manquement administratif daté du 8 avril 2014, établi après une visite sur site du 24 juin 2013, a relevé que M. A... avait procédé, sur sa propriété située sur le territoire de la commune de Saint-Vincent-sur-Jabron, à des travaux de reprofilage et d'enrochement dans les ravins de Vaubelle et du Vallat ainsi que dans le cours d'eau du Jabron sans disposer du titre requis par l'article L. 214-3 du code de l'environnement, le préfet des Alpes-de-Haute-Provence a, par un arrêté du 3 décembre 2014, mis en demeure l'intéressé de régulariser dans un délai de six mois sa situation administrative en déposant, soit un dossier de demande d'autorisation conformément aux articles R. 214-1 et R. 214-6 du même code, soit un projet de remise en état du site. Constatant que la situation n'était pas régularisée, le préfet a, par arrêté du 21 août 2020, rendu M. A... redevable d'une astreinte administrative d'un montant journalier de 245 euros jusqu'à satisfaction de la mise en demeure. M. A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Marseille du 7 juillet 2023 en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de cet arrêté, de ceux des 2 décembre 2020 et 2 juillet 2021 portant liquidation d'astreinte et des décisions portant rejet des recours gracieux présentés contre ces trois actes.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes des dispositions de l'article L. 171-7 du code de l'environnement dans leur version applicable : " Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, lorsque des installations ou ouvrages sont exploités, des objets et dispositifs sont utilisés ou des travaux, opérations, activités ou aménagements sont réalisés sans avoir fait l'objet de l'autorisation (...) requis en application des dispositions du présent code, (...), l'autorité administrative compétente met l'intéressé en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu'elle détermine. / (...) / Si, à l'expiration du délai imparti, il n'a pas été déféré à la mise en demeure, ou si la demande d'autorisation (...) est rejetée, (...), l'autorité administrative compétente peut : / 1° Faire application des dispositions du II de l'article L. 171-8 ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 171-8 du même code, dans sa version applicable : " II.- Si, à l'expiration du délai imparti, il n'a pas été déféré à la mise en demeure, (...), l'autorité administrative compétente peut arrêter une ou plusieurs des sanctions administratives suivantes : / (...) / 4° Ordonner le paiement d'une amende administrative au plus égale à 15 000 euros, (...), et une astreinte journalière au plus égale à 1 500 euros applicable à partir de la notification de la décision la fixant et jusqu'à satisfaction de la mise en demeure (...) / Les amendes et les astreintes sont proportionnées à la gravité des manquements constatés et tiennent compte notamment de l'importance du trouble causé à l'environnement. / (...) ".
3. En premier lieu, si l'illégalité d'un arrêté de mise en demeure, pris sur le fondement de ces dispositions, peut utilement être invoquée, par la voie de l'exception, à l'encontre de l'arrêté prononçant une astreinte prise à sa suite, une telle exception d'illégalité n'est toutefois recevable que si cet arrêté, qui est dépourvu de caractère réglementaire, n'était pas devenu définitif à la date à laquelle elle est soulevée.
4. En l'espèce si M. A... soutient, d'une part, que c'est à tort que les arrêtés contestés lui ont été adressés alors que les travaux en cause ont été réalisés par l'EARL du Paroir et, d'autre part, que les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis, dès lors que les profils du lit mineur des cours d'eau, le Jabron et le Vaubelle, n'ont pas été modifiés et que le Vallat n'est quant à lui pas un cours d'eau, de telle sorte que les travaux n'étaient pas soumis à régime d'autorisation, cette argumentation tend en réalité à contester l'arrêté de mise en demeure du 3 décembre 2014 lui imposant de régulariser la situation par dépôt soit d'un dossier de demande d'autorisation, soit d'un projet de remise en état du site. Cet arrêté, notifié par courrier recommandé avec accusé de réception le 8 décembre 2014, était devenu définitif lorsque M. A... a introduit ses recours gracieux. Dès lors, il ne peut exciper de son illégalité.
5. En deuxième lieu, si M. A... soutient que les arrêtés litigieux, pris les 21 août 2020, 2 décembre 2020 et 2 juillet 2021, seraient intervenus trop tardivement au regard de la date de constatation initiale des manquements, le 26 juin 2013, il s'abstient notamment de faire référence à un texte qui fixerait un délai maximal en la matière et n'assortit pas ce moyen des précisions nécessaires à son examen.
6. En troisième lieu, à la suite de l'arrêté de mise en demeure du 3 décembre 2014, M. A... a déposé à plusieurs reprises des dossiers de demande d'autorisation de travaux. Après que deux demandes aient été rejetées comme incomplètes, il a notamment déposé un dossier le 27 décembre 2019. Il ressort de la lettre du préfet du 21 août 2020 que ce dossier n'était pas accompagné de l'ensemble des pièces prévues aux articles R. 181-12 à 15 et D. 181-15-1 à 9 du code de l'environnement et qu'il était en outre insatisfaisant quant à l'évocation du cours d'eau du Jabron ou l'appréciation de l'état initial du site par exemple. Si M. A... soutient que les demandes de l'administration à cet égard auraient été injustifiées, il n'assortit cette assertion d'aucune précision. Dès lors, à cette date, lorsque M. A... a été rendu redevable d'une astreinte administrative, et durant les périodes du 2 septembre au 1er octobre 2020 et du 2 au 21 octobre 2020, pour lesquelles ladite astreinte a été liquidée, aucun dossier de demande d'autorisation de nature à régulariser la situation administrative n'avait été déposé. C'est ainsi à bon droit que le préfet a estimé qu'il n'avait pas été satisfait aux exigences de l'arrêté de mise en demeure et a pris les arrêtés litigieux.
7. Par la suite, M. A... a déposé un quatrième dossier le 21 octobre 2020, également rejeté comme incomplet, puis en dernier lieu un dossier remis 16 septembre 2021 et complété le 21 mars 2022. Par courrier du 9 août 2022, l'administration a fait savoir à l'intéressé que des compléments ou modifications devaient encore être apportés au dossier du fait d'éléments irréguliers (annexe 1) et a parallèlement sollicité, le cas échéant, bien qu'employant maladroitement la conjonction " ou ", des observations sur les prescriptions envisagées afin de permettre la réduction des impacts des travaux sur le milieu (annexe 2). Si par son courrier du 31 janvier 2023, M. A... a fait savoir qu'il ne pouvait accepter certaines prescriptions envisagées et a formulé des propositions alternatives à cet égard, il est constant qu'il n'a en tout état de cause ni complété ni modifié son dossier afin de remédier à ses irrégularités, sans qu'il ne critique les exigences de l'administration à cet égard. Dès lors, il ne peut toujours pas être regardé comme ayant satisfait aux exigences de l'arrêté de mise en demeure.
8. En quatrième et dernier lieu, si l'autorité environnementale a estimé que les travaux en cause ne nécessitaient pas la production d'une étude d'impact eu égard à leur effet limité à l'échelle du bassin du Jabron, il n'est pas établi qu'ils n'auraient causé aucun trouble alors que le remblaiement, l'enrochement et le défrichement réalisés sur plusieurs centaines de mètres dans le lit des cours d'eau ou en bordure de ceux-ci ont nécessairement une incidence non négligeable notamment sur les écoulements en crue et les terrains situés à l'aval. Ces travaux ont été effectués sans aucune autorisation, et alors que M. A... avait déjà fait l'objet d'une condamnation prononcée le 10 novembre 2008 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence à raison de travaux similaires réalisés sur le même site et dans les mêmes conditions. Lorsque le préfet a rendu M. A... redevable d'une astreinte administrative, plus de cinq ans s'étaient écoulés depuis la mise en demeure, sans qu'un dossier complet et régulier ne vienne régulariser la situation. Ainsi, eu égard à l'importance du trouble causé à l'environnement et à la gravité des manquements constatés, le préfet, qui pouvait légalement tenir compte du coût de la restauration complète des milieux aquatiques pour fixer le montant de l'astreinte journalière, n'a pas pris des décisions disproportionnées en la prononçant et la liquidant à hauteur de 245 euros alors que le montant maximal était fixé par l'article L. 171-8 du code de l'environnement à 1 500 euros. M. A... ne saurait à cet égard utilement faire référence aux conséquences que le paiement de cette astreinte pourrait avoir pour la situation financière du GAEC du Paroir alors que ce dernier n'en est en tout état de cause pas redevable au terme des arrêtés litigieux.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a, par le jugement attaqué, rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-de-Haute-Provence.
Délibéré après l'audience du 20 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- Mme Poullain, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 octobre 2024.
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N° 23MA02310
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