Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 12 février 2018 par lequel le président du centre communal d'action sociale de Sisteron a prononcé son admission à la retraite pour invalidité à compter du 18 mars 2017, d'enjoindre au président du centre communal d'action sociale de Sisteron de procéder à son reclassement ou à l'adaptation de son poste de travail et de le rétablir dans ses droits dans un délai de sept jours suivant le jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de condamner le centre communal à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'illégalité de son éviction.
Par un jugement n° 1802041 du 9 mars 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 20MA01764 du 14 décembre 2021, la cour, saisie par M. A..., a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ce jugement du 9 mars 2020, à celle de l'arrêté du 12 février 2018, à ce qu'il soit enjoint au président du centre communal d'action sociale de Sisteron de procéder à son reclassement ou à l'adaptation de son poste de travail et de le rétablir dans ses droits dans un délai de sept jours suivant l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par une décision n° 461449 du 23 décembre 2022, le Conseil d'État a, sur pourvoi de M. A..., annulé l'arrêt de la cour et renvoyé l'affaire à la cour.
Procédure devant la cour après renvoi :
Par des mémoires, enregistrés le 1er mars 2023 et le 19 juin 2023, M. A..., représenté par la SELARL Grimaldi-Molina et Associés, agissant par Me Grimaldi, demande à la cour :
1°) d'annuler l'arrêté du 12 février 2018 par lequel le président du centre communal d'action sociale de Sisteron a prononcé son admission à la retraite pour invalidité, à compter du 18 mars 2017 ;
2°) d'enjoindre au centre communal d'action sociale de Sisteron de le réintégrer dans ses fonctions et de se prononcer sur son aptitude à la reprise des fonctions, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge du centre communal d'action sociale de Sisteron la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire.
Il soutient que :
- le CCAS de Sisteron ne se trouvait pas en situation de compétence liée ;
- l'arrêté en litige a été pris au terme d'une procédure irrégulière, dès lors, d'une part, qu'il n'a pas été utilement convoqué à la séance de la commission de réforme du 16 mars 2017 et que le nouvel avis émis par la commission de réforme, le 22 novembre 2018, en exécution de l'ordonnance de référé du 6 juin 2018 suspendant l'exécution de l'arrêté en litige, n'a pu régulariser le vice dont il est affecté, étant lui-même illégal, et d'autre part qu'il n'est pas établi que le CCAS aurait recueilli l'avis conforme de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales ;
- l'arrêté en litige est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, étant en contradiction avec deux avis d'experts et l'avis du comité médical départemental quant à son aptitude à la reprise de fonctions.
Par des mémoires, enregistrés le 25 mai 2023 et le 3 juillet 2023, le centre communal d'action sociale de Sisteron, représenté par Me Ladouari, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- il se trouvait en situation de compétence liée ;
- les moyens soulevés par M. A... sont infondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 85-1054 du 30 septembre 1985 ;
- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;
- le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ;
- l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Rigaud,
- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,
- les observations de Me Grimaldi, représentant M. A..., et celles de Me Daïmallah, représentant le CCAS de Sisteron.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., adjoint technique de deuxième classe au centre communal d'action sociale (CCAS) de Sisteron, mis à disposition auprès d'une résidence pour personnes âgées, en qualité d'ouvrier polyvalent de maintenance des bâtiments, a été placé d'office en congé de maladie ordinaire à compter du 10 avril 2015, puis en congé de longue maladie par arrêté du 17 juillet 2015, à compter du 10 avril 2015 pour une durée de neuf mois, enfin en disponibilité d'office à compter du 10 janvier 2016, par arrêté du 12 février 2016, pour une durée de trois mois. Après avis de la commission départementale de réforme du 16 mars 2017, le président du CCAS de Sisteron a prononcé son admission à la retraite pour invalidité, à compter du 18 mars 2017, par arrêté du 12 février 2018.
2. Par un jugement n° 1802041 du 9 mars 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté, à ce qu'il soit enjoint au président du CCAS de procéder à son reclassement ou à l'adaptation de son poste, et de condamner le centre à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de son éviction. Par un arrêt n° 20MA01764 du 14 décembre 2021, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par M. A... contre ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions en excès de pouvoir et à fin d'injonction. Par une décision n° 461449 du 23 décembre 2022, le Conseil d'État a annulé, sur le pourvoi de M. A..., l'arrêt de la cour et a renvoyé à la cour le jugement de cette affaire.
3. En demandant à la cour d'annuler l'arrêté du 12 février 2018 par lequel le président du CCAS de Sisteron a prononcé d'office son admission à la retraite pour invalidité, M. A... doit être regardé comme demandant, par sa requête d'appel, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 mars 2020 en tant qu'il a rejeté ses conclusions en excès de pouvoir et à fin d'injonction.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Aux termes de l'article 30 du décret du 26 septembre 2003 : " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'impossibilité définitive et absolue de continuer ses fonctions par suite de maladie, blessure ou infirmité grave dûment établie peut être admis à la retraite soit d'office, soit sur demande. (...) / La mise en retraite d'office pour inaptitude définitive à l'exercice de l'emploi ne peut être prononcée qu'à l'expiration des congés de maladie, des congés de longue maladie et des congés de longue durée dont le fonctionnaire bénéficie en vertu des dispositions statutaires qui lui sont applicables, sauf dans les cas prévus à l'article 39 si l'inaptitude résulte d'une maladie ou d'une infirmité que son caractère définitif et stabilisé ne rend pas susceptible de traitement. ". Aux termes de l'article 31 de ce décret : " Une commission de réforme est constituée dans chaque département pour apprécier la réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service, les conséquences et le taux d'invalidité qu'elles entraînent, l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions. (...) / Le pouvoir de décision appartient dans tous les cas à l'autorité qui a qualité pour procéder à la nomination, sous réserve de l'avis conforme de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales. / (...) / La Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales peut, à tout moment, obtenir la communication du dossier complet de l'intéressé, y compris les pièces médicales. Tous renseignements médicaux ou pièces médicales dont la production est indispensable pour l'examen des droits définis au présent titre pourront être communiqués, sur leur demande, aux services administratifs dépendant de l'autorité à laquelle appartient le pouvoir de décision ainsi qu'à ceux de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales. / (...) ". Aux termes de l'article 39 de ce décret : " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service peut être mis à la retraite par anticipation soit sur demande, soit d'office dans les délais prévus au troisième alinéa de l'article 30 (...) ".
5. Aux termes de l'article 14 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " Le secrétariat de la commission de réforme convoque les membres titulaires et l'agent concerné au moins quinze jours avant la date de la réunion. / La convocation mentionne la liste des dossiers à examiner, les références de la collectivité ou de l'établissement employeur, l'objet de la demande d'avis. / Chaque dossier à examiner fait l'objet, au moment de la convocation à la réunion, d'une note de présentation, dans le respect du secret médical ". Aux termes de l'article 16 du même arrêté : " La commission de réforme doit être saisie de tous témoignages, rapports et constatations propres à éclairer son avis. / Elle peut faire procéder à toutes mesures d'instructions, enquêtes et expertises qu'elle estime nécessaires. / Dix jours au moins avant la réunion de la commission, le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de son dossier, dont la partie médicale peut lui être communiquée, sur sa demande, ou par l'intermédiaire d'un médecin ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. / La commission entend le fonctionnaire, qui peut se faire assister d'un médecin de son choix. Il peut aussi se faire assister par un conseiller ".
6. Il résulte des dispositions citées au point 4 que lorsqu'un fonctionnaire territorial, ayant épuisé ses droits aux congés de maladie, de longue maladie et de longue durée, se trouve définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, il est admis à la retraite, soit d'office, soit à sa demande, après avis de la commission de réforme et que l'autorité territoriale doit, préalablement à la mise à la retraite,
obtenir un avis conforme de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL). La légalité de la décision qu'il appartient à l'autorité territoriale de prendre en vue du placement d'office d'un fonctionnaire à la retraite par anticipation, pour les motifs et, lorsqu'elles sont réunies, dans les conditions déterminées par ces dispositions, s'apprécie au regard de l'ensemble des pièces et renseignements propres à établir la réalité de la situation effective de santé de ce fonctionnaire au jour de cette décision, y compris au regard de ceux de ces renseignements ou pièces qui n'auraient pas été communiqués à l'autorité territoriale préalablement à sa décision ou qui auraient été établis ou analysés postérieurement à celle-ci, dès lors qu'ils éclairent cette situation. Le juge administratif exerce un contrôle normal sur l'appréciation portée par l'autorité territoriale sur l'inaptitude définitive d'un fonctionnaire.
7. En outre, l'avis conforme de la CNRACL prévu à l'article 31 précité du décret du 26 décembre 2003 a seulement pour objet de faire obstacle à ce que l'autorité investie du pouvoir de nomination puisse décider la mise à la retraite pour invalidité d'un fonctionnaire lorsque la demande présentée à ce titre n'est pas fondée ou que l'intéressé n'a pas droit à pension. En cas d'avis favorable de la CNRACL, cette autorité, à laquelle appartient le pouvoir de décision, n'est pas tenue de mettre l'agent à la retraite.
8. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient le CCAS de Sisteron, ni l'avis du comité médical départemental du 2 mars 2017, ni celui de ce même comité du 22 novembre 2018 concluant à l'inaptitude totale et définitive de M. A... à ses fonctions, ni l'avis favorable de la CNRACL du 7 février 2018 ne l'ont placé en situation de compétence liée pour prononcer d'office la mise à la retraite de l'agent à compter du 18 mars 2017. Le CCAS de Sisteron n'est donc pas fondé à soutenir que les vices de procédure invoqués par M. A... seraient inopérants.
9. Il ressort des pièces du dossier que le courrier adressé par le secrétariat de la commission départementale de réforme des Alpes-de-Haute-Provence le 23 février 2017 à M. A... et l'avisant de la date de réunion de la commission de réforme appelée à examiner son dossier mentionnait son audition par la commission comme une simple possibilité, subordonnée à ce qu'il en informe au préalable l'administration, et précisait " ceci n'est pas une convocation et votre présence n'est pas obligatoire ", en rappelant qu'il était " représenté au sein de la commission par des représentants du personnel de sa catégorie ". Un tel courrier ne saurait être regardé comme constituant une convocation régulière à la réunion de la commission de réforme. Le requérant est ainsi fondé à soutenir que la décision en litige est entachée d'un vice de procédure qui l'a privé d'une garantie. Dans ces conditions, M. A... est fondé à soutenir que la décision en litige a été prise au terme d'une procédure irrégulière.
10. Le CCAS de Sisteron ne peut utilement se prévaloir de la procédure de consultation de la commission de réforme, reprise en exécution de la suspension de l'exécution de l'arrêté en litige par le juge des référés du tribunal administratif de Marseille le 6 juin 2018, qui, étant postérieure à cet arrêté, n'a pu avoir pour effet d'en régulariser la procédure d'adoption.
11. M. A... est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a estimé que cette convocation répondait aux exigences découlant des dispositions de l'arrêté du 4 août 2004 citées au point 5.
12. Il suit de là qu'il y a lieu d'annuler le jugement attaqué, et, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés tant en première instance qu'en appel, d'annuler l'arrêté en litige.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
13. Le moyen retenu par le présent arrêt implique seulement qu'il soit enjoint au CCAS de Sisteron de réexaminer la situation administrative de M. A... à compter du 18 mars 2017, date d'effet de l'arrêté du 12 février 2018 annulé, dans le délai de quatre mois et sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
14. M. A... n'étant pas, dans présente instance, partie perdante, les conclusions présentées par le CCAS de Sisteron sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Il y a lieu, en revanche, en application des dispositions de cet article, de mettre à la charge du CCAS de Sisteron la somme de 1 500 euros à verser à M. A... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1802041 du 9 mars 2020 du tribunal administratif de Marseille est annulé en tant qu'il rejette les conclusions en excès de pouvoir de M. A....
Article 2 : L'arrêté du 12 février 2018 par lequel le président du CCAS de Sisteron a prononcé son admission à la retraite pour invalidité à compter du 18 mars 2017 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint CCAS de Sisteron de réexaminer la situation administrative de M. A... à compter du 18 mars 2017, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : Le CCAS de Sisteron versera à M. A... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent jugement sera notifié à M. B... A... et au centre communal d'action sociale de Sisteron.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Cécile Fedi, présidente de chambre,
- Mme Lison Rigaud, présidente assesseure,
- M. Jérôme Mahmouti, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 octobre 2024.
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N° 22MA03138