Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille, en premier lieu, de l'admettre à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle, en deuxième lieu, d'annuler l'arrêté du 9 septembre 2023 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an, en troisième lieu, d'enjoindre audit préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail, de réexaminer sa situation administrative et de prendre une nouvelle décision, dans un délai de deux mois suivant la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et, en quatrième et dernier lieu, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à son conseil ou, à lui verser directement en cas de rejet de sa demande d'aide juridictionnelle.
Par un jugement n° 2308480 du 18 octobre 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Marseille a, après avoir admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 6 mars 2024, M. B..., représenté par Me Atger, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Marseille du 18 octobre 2023 ;
2°) d'annuler cet arrêté préfectoral du 9 septembre 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa requête n'est pas tardive et est recevable ;
- le jugement attaqué est entaché d'une erreur dès lors que le premier juge y a fait état d'un arrêté pris par le préfet des Bouches-du-Rhône, en lieu et place du préfet des Alpes-Maritimes ;
- ce jugement est entaché d'une insuffisance de motivation s'agissant de la réponse apportée par le premier juge au moyen tiré d'une insuffisance de motivation de l'arrêté préfectoral contesté ;
- en méconnaissance des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-3 du code des relations entre le public et l'administration, l'arrêté préfectoral contesté est insuffisamment motivé ;
- cet arrêté est entaché d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;
- le préfet des Alpes-Maritimes a entaché sa décision d'erreurs de fait ;
- l'arrêté préfectoral contesté est entaché d'un défaut de contradictoire, en méconnaissance des articles L. 121-1 et L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration ainsi que du droit d'être entendu découlant des articles 47 et 48 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, tant en ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français que celle portant interdiction de retour sur le territoire français ;
- le tribunal administratif de Marseille a commis une erreur manifeste d'appréciation quant à sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est entachée, à tout le moins, d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant refus de délai de départ volontaire a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant interdiction de retour a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et des dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire.
Par une ordonnance du 8 juillet 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 août 2024, à 12 heures.
Par des lettres du 2 septembre 2024, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7-3 du code de justice administrative, de ce que la Cour était susceptible, dans l'hypothèse où elle annulerait la décision portant interdiction de retour sur le territoire français prononcée à l'encontre de M. B..., d'enjoindre d'office au préfet des Alpes-Maritimes de faire procéder sans délai à l'effacement dans le système d'information Schengen du signalement de ce dernier aux fins de non-admission résultant de cette interdiction.
Par une décision du 26 janvier 2024, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille a refusé d'admettre M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Lombart a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Né le 5 janvier 2001 et de nationalité marocaine, M. B... expose être entré sur le territoire français en juin 2021. Il a été interpellé, le 9 septembre 2023, près de la frontière franco-italienne, par les services de police, puis placé en retenue administrative pour vérification de son droit au séjour et à la circulation en France, avant que le préfet des Alpes-Maritimes ne prenne, le même jour, à son encontre, un arrêté portant obligation de quitter le territoire sans délai, fixant le pays de renvoi et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. M. B... doit être regardé comme relevant appel du jugement de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Marseille du 18 octobre 2023 en tant qu'il rejette sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et, dès lors, comme sollicitant de la Cour l'annulation de l'article 2 de ce jugement.
Sur le bien-fondé de l'article 2 du jugement attaqué :
2. Il ressort des termes de l'arrêté contesté du 9 septembre 2023 que le préfet des Alpes-Maritimes a retenu, à deux reprises, que M. B... ne démontrait pas vivre en concubinage en France avec une ressortissante française. Toutefois, les pièces versées au dossier, qui ne sont pas contestées en défense par le représentant de l'Etat qui n'a pas présenté de mémoire en défense, établissent cette situation de concubinage, même si elle était encore récente à la date d'édiction de l'arrêté préfectoral contesté. M. B... est dès lors fondé à soutenir que cet arrêté est entaché d'une erreur de fait et que, pour ce motif, il doit être annulé.
3. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, à l'article 2 de son jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 septembre 2023 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
4. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ". Selon l'article L. 911-2 du même : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. (...) ". Aux termes de l'article L. 911-3 dudit code : " La juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. ".
5. Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 721-6, L. 721-7, L. 731-1, L. 731-3, L. 741-1 et L. 743-13, et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. ".
6. D'une part, eu égard au motif d'annulation retenu par la Cour, l'exécution du présent arrêt implique que le préfet des Alpes-Maritimes procède au réexamen de la situation de M. B..., dans un délai de deux mois suivant sa notification et qu'il lui délivre, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.
7. D'autre part, le présent arrêt, qui annule l'arrêté préfectoral contesté en son entier, et notamment en tant qu'il porte interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an, implique également l'effacement du signalement de M. B... aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen. Comme les parties en ont été informées conformément aux dispositions de l'article R. 611-7-3 du code de justice administrative, il y a, dès lors, lieu d'enjoindre d'office au représentant de l'Etat de faire procéder sans délai à cet effacement.
8. Enfin, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir ces injonctions d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
10. Dans les circonstances de l'espèce, et au titre des dispositions citées au point précédent, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à M. B....
D É C I D E :
Article 1er : L'article 2 du jugement n° 2308480 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Marseille du 18 octobre 2023 et l'arrêté du 9 septembre 2023 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a fait obligation à M. B... de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé à l'encontre de ce dernier une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de réexaminer la situation de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.
Article 3 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de faire procéder sans délai à l'effacement des informations concernant l'interdiction de retour sur le territoire français de M. B... dans le système d'information Schengen.
Article 4 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2024, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Lombart, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er octobre 2024.
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No 24MA00552
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