Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 18 novembre 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2303369 du 3 juillet 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M. A....
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 14 novembre 2023, M. A..., représenté par Me Capdefosse, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2303369 du 3 juillet 2023 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler l'arrêté du 18 novembre 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour salarié dans le délai d'un mois, et ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'incompétence ;
- elle est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que les bulletins de salaire établis depuis son recrutement en mars 2021 respectent tous le SMIC légal, de sorte que les conditions fixées par l'article R. 5221-20 du code du travail étaient respectées ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'analyse de la demande d'admission exceptionnelle au séjour ;
- le refus de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et porte une atteinte excessive à son droit au respect de la vie privée et familiale ;
- la décision par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter le territoire français est illégale dans la mesure où elle est la conséquence directe du refus d'admission au séjour ; elle doit, par conséquent, être annulée pour les mêmes moyens de façon directe ou par exception d'illégalité.
La requête de M. A... a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit d'observation.
Par décision du 29 septembre 2023, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Par ordonnance du 5 avril 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 22 avril 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Martin ;
- et les observations de Me Capdefosse, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant arménien né le 1er juin 1994 qui déclare être entré en France au cours de l'année 2016, a vu sa demande d'asile rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, dont la décision a été confirmée par la Cour nationale du droit d'asile. Dans un deuxième temps, l'intéressé, qui a déposé une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade, a fait l'objet d'un arrêté du 24 juin 2019 portant refus de séjour avec obligation de quitter le territoire français. M. A..., qui s'est maintenu sur le sol français, a déposé le 10 février 2022 une demande de titre de séjour sur le fondement des articles L. 421-1 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 18 novembre 2022, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Dans la présente instance, M. A... relève appel du jugement du 3 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " d'une durée maximale d'un an. / La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail. (...) ". Aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / (...) / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ". Et aux termes de l'article R. 5221-20 du code du travail : " L'autorisation de travail est accordée lorsque la demande remplit les conditions suivantes : (...) ; / 4° La rémunération proposée est conforme aux dispositions du présent code sur le salaire minimum de croissance ou à la rémunération minimale prévue par la convention collective applicable à l'employeur ou l'entreprise d'accueil (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande de titre de séjour, M. A... a présenté un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet conclu le 4 mars 2021 avec la société Terteryan pour un poste de chef de chantier en bâtiment. Pour refuser le titre de séjour sollicité sur le fondement de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet des Bouches-du-Rhône, après avoir visé l'avis défavorable émis le 14 septembre 2022 par la plateforme main d'œuvre étrangère, a relevé que le contrat de travail de l'intéressé ne respectait pas le salaire minimum de croissance (SMIC) légal. Si, selon l'article 9 de ce contrat de travail, la rémunération de M. A... est d'un montant mensuel de 1 554,62 euros, il ressort néanmoins des pièces du dossier, plus particulièrement des bulletins de paie produits par l'appelant, qu'à la date de la décision attaquée, le salaire effectivement versé à l'intéressé depuis plusieurs mois, à hauteur de 1 678,99 euros bruts en novembre 2022, était supérieur au SMIC légal lequel, selon les informations issues du site internet de l'INSEE versées au dossier, non contredites par le préfet des Bouches-du-Rhône, qui n'a pas produit de mémoire en défense, était alors d'un montant de 1 678,95 euros bruts. Dans ces conditions, la décision de refus de séjour, fondée sur la seule circonstance que n'était pas remplie la condition tenant à l'existence d'une rémunération conforme aux dispositions du code du travail sur le salaire minimum de croissance légal, est entachée d'une erreur de fait.
4. Pour ce motif, aucun des autres moyens de la requête n'étant mieux à même de régler le litige, l'appelant est fondé à demander l'annulation non seulement du jugement attaqué mais encore de la décision portant refus de titre de séjour ainsi que, par voie de conséquence, celle de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ". L'article L. 911-2 du même code dispose que " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé./La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision. ".
6. Le présent arrêt implique nécessairement, compte tenu de son motif, non pas la délivrance à M. A... d'un titre de séjour, mais le réexamen de sa situation et dans l'attente d'une nouvelle décision du préfet le concernant, que l'intéressé soit muni d'une autorisation provisoire de séjour, en application de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a donc lieu d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, d'une part, qu'il procède au réexamen de la situation de M. A... et qu'il prenne, dans le respect des motifs énoncés au point 3, une nouvelle décision le concernant, dans un délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt, et, d'autre part, que durant ce délai, il le munisse d'une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a, en revanche, pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
7. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Capdefosse, avocate de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de la présente instance.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 2303369 du 3 juillet 2023 et l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 18 novembre 2022 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône, d'une part, de procéder au réexamen de la situation de M. A... et de prendre une nouvelle décision le concernant, dans un délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt, et d'autre part, durant ce délai, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à Me Capdefosse la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat dans l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Capdefosse, et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2024, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Martin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er octobre 2024.
N° 23MA02691 2