Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 3 février 2020 par laquelle la directrice du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres a exercé par substitution le droit de préemption du département des
Bouches-du-Rhône au titre des espaces naturels sensibles sur un ensemble immobilier cadastré 852H30, sis dans la calanque B... sur le territoire de la commune de Marseille et de mettre à la charge du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres la somme de
3 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2004304 du 19 juin 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande et mis à sa charge la somme de 1 500 euros à verser au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 juillet 2023 et le 19 février 2024, M. A..., représenté par Me Journault, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 19 juin 2023 ;
2°) d'annuler cette décision de préemption du 3 février 2020 ;
3°) de mettre à la charge du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier car rendu au mépris du principe du contradictoire et de l'article R. 611-10 du code de justice administrative, des pièces ayant été demandées par le tribunal au Conservatoire sans avoir été communiquées au requérant malgré ses demandes en ce sens, alors que de telles pièces ont été utiles à la résolution du litige ;
- dans le cadre de l'évocation, ces pièces seront communiquées à l'appelant ;
- la décision en litige a été prise par une autorité incompétente, dès lors, d'une part, que la directrice du Conservatoire n'était pas compétente pour signer la mesure en vertu de la délibération du conseil d'administration de l'établissement du 9 juillet 2015, à la différence du président de celui-ci en vertu d'une délibération du 16 novembre 2017, lequel n'a pas délégué sa compétence à la directrice, et, d'autre part, que le département n'a pas régulièrement renoncé à exercer son droit de préemption, faute de s'être prononcé sur la nouvelle aliénation que constitue la surenchère ;
- la décision en litige, qui ne précise pas les raisons pour lesquelles la préemption serait nécessaire à la préservation des lieux ou à la mise en œuvre de la politique foncière dont est chargé le Conservatoire du littoral, est insuffisamment motivée, à l'image de la délibération du 9 juillet 2015 à laquelle elle se réfère ;
- la décision en litige n'est pas justifiée par un motif d'intérêt général et porte atteinte au droit de propriété du requérant, tel que protégé par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, et par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision en litige est entachée d'une erreur de droit au regard de l'article L. 215-11 du code de l'urbanisme, dans la mesure où elle a pour objet de favoriser le développement économique d'un opérateur privé, et non de protéger les espaces naturels de qualité en vue de leur ouverture au public, une telle ouverture au public étant empêchée par l'appropriation du site qui sera mis à disposition des seuls clients de celui-ci ;
- la directrice du Conservatoire a commis une erreur d'appréciation, puisque les limites du périmètre d'intervention de l'établissement ne sont pas clairement établies, non plus que l'intégration du bâti dans ce périmètre, et que la préemption n'a pas pour objet l'ouverture au public de ce bâti, et n'est pas nécessaire à la préservation du site ;
- la décision litigieuse, qui n'est pas nécessaire à la protection du site mais est destinée à servir les intérêts d'un opérateur privé qui dispose déjà de fait du site, est entachée d'un détournement de pouvoir.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 janvier 2024, le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, représenté par Me Heitzmann de la selarl Thomé Heitzmann, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'appelant la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, en faisant valoir que les moyens d'appel ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 19 décembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 janvier 2024 à 12 heures, puis reportée par une ordonnance du 8 janvier 2014 au 20 février 2024, à 12 heures.
Deux mémoires ont été enregistrés le 19 juillet et le 9 septembre 2024 et présentés pour M. A..., soit après la clôture de l'instruction et n'ont pas été communiqués.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, notamment son préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de l'environnement ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Revert,
- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,
- et les observations de Me Journault, représentant M. A... et de Me Peramo, substituant Me Heitzmann, représentant le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres.
Considérant ce qui suit :
1. Par jugement d'adjudication du tribunal judiciaire de Marseille du 16 janvier 2020, après surenchère formée par M. A..., ce dernier a été déclaré adjudicataire de l'ensemble immobilier cadastré 852H30, sis dans la calanque B... sur le territoire de la commune de Marseille, pour le prix de 1 023 000 euros. Mais par une décision du 3 février 2020, la directrice du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres a exercé sur ce bien, par substitution, le droit de préemption du département des Bouches-du-Rhône. Par un jugement du 19 juin 2023, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision et a mis à sa charge la somme de 1 500 euros à verser au Conservatoire en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R.611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". L'article R. 611-10 du même code dispose que : " Sous l'autorité du président de la chambre à laquelle il appartient, le rapporteur fixe, eu égard aux circonstances de l'affaire, le délai accordé aux parties pour produire leurs mémoires. Il peut demander aux parties, pour être jointes à la procédure contradictoire, toutes pièces ou tous documents utiles à la solution du litige ".
3. Il ressort du dossier de première instance que par lettre du 23 mai 2023, le greffier de chambre a demandé au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres de produire, pour compléter l'instruction de l'affaire, la carte annexée à la délibération de son conseil d'administration du 9 juillet 2015 accompagnant son premier mémoire en défense, et que cette pièce, adressée le même jour au tribunal par le Conservatoire, n'a pas été communiquée à M. A.... Néanmoins, il résulte des énonciations du jugement attaqué que pour rejeter la demande de M. A..., le tribunal administratif ne s'est fondé que sur les pièces produites à l'appui des écritures du Conservatoire et communiquées à M. A... et qu'il ne s'est, en revanche, pas fondé sur la carte annexée à la délibération du 9 juillet 2015. Ainsi en s'abstenant de communiquer cette pièce au requérant, qui n'a pas été utile à la solution du litige, le tribunal n'a méconnu ni les dispositions réglementaires citées au point précédent, ni le caractère contradictoire de la procédure juridictionnelle.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la légalité externe de la décision de préemption :
4. En premier lieu, l'article L. 215-4 du code de l'urbanisme dispose que :
" A l'intérieur des zones délimitées en application de l'article L. 215-1, le département dispose d'un droit de préemption ". Aux termes de l'article L. 215-5 de ce code : " Lorsque le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres est territorialement compétent, il peut se substituer au département si celui-ci n'exerce pas le droit de préemption ". Le premier alinéa de l'article L. 215-14 du même code précise que : " Toute aliénation mentionnée aux articles
L. 215-9 à L. 215-13 est subordonnée, à peine de nullité, à une déclaration préalable adressée par le propriétaire au département dans lequel sont situés les biens qui en transmet copie au directeur départemental des finances publiques. Cette déclaration comporte obligatoirement l'indication du prix et des conditions de l'aliénation projetée ou, en cas d'adjudication, l'estimation du bien ou sa mise à prix.". Par ailleurs, l'article R. 215-18 du même code, applicable à toute vente par adjudication d'un bien soumis au droit de préemption lorsque cette procédure est rendue obligatoire par une disposition législative ou réglementaire, à l'exception de la vente mettant fin à une indivision créée volontairement et ne résultant pas d'une donation-partage, précise que : " Les ventes soumises aux dispositions de la présente sous-section doivent être précédées d'une déclaration du greffier de la juridiction ou du notaire chargé de procéder à la vente, faisant connaître la date et les modalités de la vente. Cette déclaration est établie dans les formes prescrites par l'arrêté prévu par l'article R. 215-10. / Elle est adressée au siège du conseil départemental un mois avant la date fixée pour la vente, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par voie électronique dans les conditions prévues aux articles
L. 112-11 et L. 112-12 du code des relations entre le public et l'administration. (...). Le titulaire dispose d'un délai de trente jours à compter de l'adjudication pour informer le greffier ou le notaire de sa décision de se substituer à l'adjudicataire./ La substitution ne peut intervenir qu'au prix de la dernière enchère ou de la surenchère./ La décision du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres d'exercer le droit de préemption vaut sous réserve de la renonciation du département à l'exercice de son droit. (...) ".
5. Il résulte des dispositions précitées que le délai de trente jours dont l'autorité titulaire du droit de préemption dispose à compter de la vente d'un bien dans le cadre d'une adjudication rendue obligatoire par une disposition législative ou réglementaire, n'est opposable à cette autorité qu'à la condition qu'elle ait été dûment informée de la vente à intervenir, un mois à l'avance au moins. En revanche, il ne résulte pas de ces dispositions que pour renoncer valablement à l'exercice de son droit de préemption, l'autorité compétente ne pourrait pas se prononcer au seul vu de la déclaration du greffier ou du notaire, laquelle fait apparaître la mise à prix et le lieu de l'adjudication, et serait tenue d'attendre l'adjudication du bien, après enchère ou surenchère.
6. Il ressort des pièces du dossier qu'à réception de la déclaration du greffier du tribunal de grande instance de Marseille le 18 juillet 2019, le département des Bouches-du-Rhône a renoncé à exercer son droit de préemption sur l'ensemble immobilier en cause par une décision du 30 juillet 2019, dont il a informé le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres par lettre du même jour. Par suite et à compter de cette date, il était loisible à cet établissement public, ainsi qu'il l'a fait, de se substituer au département pour l'exercice de cette prérogative.
La simple circonstance que le bien en cause a été l'objet d'une surenchère et a été en conséquence adjugé à un prix supérieur à la première adjudication, qui ne rendait pas nécessaire une nouvelle décision du département, est sans incidence sur la compétence du Conservatoire pour exercer sur cette propriété le droit de préemption du département, par substitution. Contrairement à ce que soutient M. A... et en tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment pas de la lettre du 1er octobre 2019 du conseil de l'indivision qui était propriétaire du tènement en cause, annonçant le déblocage de la somme de 4 000 euros pour la réalisation de travaux de mise en sécurité, que ce bien aurait été, entre les deux adjudications des 12 septembre 2019 et 16 janvier 2019, l'objet de travaux significatifs de nature à modifier la contenance et la valeur dans des conditions telles qu'une nouvelle déclaration du greffier du tribunal aurait dû être adressée au département avant que le Conservatoire décide de se substituer à cette autorité titulaire du droit de préemption. Par conséquent, le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres a pu compétemment se substituer au département des
Bouches-du-Rhône pour exercer le droit de préemption.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 322-37 du code de l'environnement, relatif aux pouvoirs du directeur du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres : " Le directeur conclut les acquisitions, échanges, ventes et cessions d'immeubles ou de droits immobiliers dans les conditions fixées par le conseil d'administration en application des 2° et 4° de l'article R. 322-26 ". Les dispositions du II de l'article R. 322-26 du même code précisent, dans leur rédaction applicable au litige, que le conseil d'administration du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres " délibère notamment sur : 2° Le programme pluriannuel d'acquisitions, ainsi que toutes les décisions relatives à la constitution du domaine du conservatoire " et sur " 4° Le classement des immeubles dans le domaine propre du conservatoire ".
8. Par une délibération du 9 juillet 2015, le conseil d'administration du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres a décidé, afin de mettre en œuvre le périmètre d'intervention dit B..., de 13 hectares, d'autoriser le directeur de l'établissement à signer notamment les décisions de préemption, au vu de l'évaluation des biens par France Domaine et à un prix inférieur ou égal à celle-ci. Contrairement à ce qu'affirme l'appelant, il ne résulte d'aucune des dispositions législatives ou réglementaires propres aux décisions de préemption prises au titre des espaces naturels sensibles, après adjudications obligatoires, que l'évaluation des biens ainsi préemptés doit intervenir après ces décisions. Par suite, en signant la décision de préemption en litige, qui a été prise au vu de l'évaluation de France Domaine du 10 octobre 2019, la directrice du Conservatoire a agi dans les conditions fixées par le conseil d'administration dans sa délibération du 9 juillet 2015, conformément aux dispositions de l'article R. 322-37 du code de l'environnement. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la mesure en litige ne peut donc qu'être écarté.
9. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. /
A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 3°/ (...) imposent des sujétions ".
Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
10. Les décisions de préemption prises en application des articles L. 215-4 et L. 215-5 du code de l'urbanisme, cités au point 4, sont des décisions individuelles imposant des sujétions. Elles entrent, par suite, dans le champ des dispositions citées au point 9 et doivent, dès lors, comporter l'énoncé des motifs de droit et de fait ayant conduit l'autorité administrative à préempter. Cette obligation de motivation implique, lorsque la décision de préemption est prise par le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres se substituant au département, que cette décision comporte une référence à l'acte portant création de la zone de préemption et indique les raisons pour lesquelles la préservation et la protection des parcelles en cause justifiaient la préemption. Elle n'impose en revanche pas à l'auteur de la décision de préciser la sensibilité du milieu naturel ou la qualité du site, dès lors que l'inclusion de parcelles dans une zone de préemption est nécessairement subordonnée à leur intérêt écologique, ou les modalités futures de protection et de mise en valeur des parcelles qu'elle envisage de préempter.
11. La décision en litige énonce qu'elle a été prise " dans le cadre des dispositions des articles L. 113-8 et suivants du code de l'urbanisme et conformément à la décision du conseil d'administration du conservatoire du 9 juillet 2015 ", afin d'" assurer la sauvegarde et l'intégrité du site et des paysages, tout en garantissant l'ouverture au public " " du flanc est de la calanque B... ", ainsi que pour constituer " une entière foncière protégée importante et cohérente, complémentaire aux parcelles publiques attenantes " et éviter à terme
" un morcellement foncier préjudiciable à la protection et à la gestion de cet espace naturel remarquable ". Ces mentions, complétées par la référence à l'arrêté préfectoral du 19 décembre 1982 créant la zone de préemption au sein de laquelle se trouve le bien en cause, indiquent avec une précision suffisante les motifs de droit et de fait ayant conduit la directrice du conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres à prendre la décision en litige. Compte tenu du caractère ainsi suffisant de la motivation de cette mesure, M. A... ne peut utilement et en tout état de cause prétendre, pour remettre en cause cette motivation, que celle de la délibération du conseil d'administration du Conservatoire du 9 juillet 2015 ne serait pas
elle-même suffisante. Ainsi son moyen tiré de la motivation de la décision en litige ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la légalité interne de la décision de préemption :
12. Il résulte de la combinaison des dispositions des articles L. 113-8 et L. 113-14 du code de l'urbanisme que le droit de préemption dans les espaces naturels sensibles institué au profit des départements poursuit l'objectif de protection et d'ouverture au public de ces espaces, lequel constitue un objectif d'intérêt général. Les espaces soumis à ce droit sont ceux dans lesquels la qualité des sites, des paysages, des milieux naturels ou des champs naturels d'expansion des crues mérite d'être préservée et les habitats naturels sauvegardés. L'exercice de ce droit n'est possible que dans des zones préalablement délimitées à cette fin par le département, dans le cadre d'une politique d'ensemble de protection, de gestion et d'ouverture au public de ces espaces qu'il lui revient d'élaborer et de mettre en œuvre et à laquelle ne pourrait se substituer de façon équivalente la juxtaposition d'initiatives privées de protection de ces espaces. Les décisions de préemption doivent elles-mêmes répondre aux objectifs de cette politique et être justifiées par la protection des parcelles en cause et leur ouverture ultérieure au public, sous réserve que la fragilité du milieu naturel ou des impératifs de sécurité n'y fassent pas obstacle.
13. Par ailleurs, l'article L. 215-11 du code de l'urbanisme dispose que : " A titre exceptionnel, l'existence d'une construction ne fait pas obstacle à l'exercice du droit de préemption dès lors que le terrain est de dimension suffisante pour justifier son ouverture au public et qu'il est, par sa localisation, nécessaire à la mise en œuvre de la politique des espaces naturels sensibles des départements. Dans le cas où la construction acquise est conservée, elle est affectée à un usage permettant la fréquentation du public et la connaissance des milieux naturels. ".
14. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le tènement en cause, de quelques treize hectares, supporte une maison d'habitation à l'abandon, de 85 m2, frappée d'un arrêté de péril du 7 août 2018 dont le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres prévoit dans la décision en litige qu'il fera l'objet d'une étude menée en concertation avec la ville de Marseille, les services de l'Etat, le Parc National des Calanques et le département des Bouches-du-Rhône, afin d'en envisager l'éventuelle restauration dans un objectif d'accueil du public, et à défaut la démolition dans le cadre des opérations de renaturation du domaine public maritime. Il ressort également des pièces du dossier, notamment des photographies aériennes insérées dans les écritures du Conservatoire et des motifs de l'avis du conseil de rivages Méditerranée du 11 juin 2015, et il n'est pas sérieusement contesté, que cette propriété, située au cœur du Parc national des Calanques, comprise à la fois dans une zone naturelle d'intérêt floristique et faunistique de type I dite " les Calanques du bec B... au Mont rose ", et dans le site Natura 2000 " Calanques et îles marseillaises-Cap Canaille et massif du Grand Caune ", et enserrée entre la forêt domaniale et les calanques, assure une libre circulation du public entre les différentes parties du site relevant d'une maîtrise foncière publique. Par sa localisation même, cet ensemble immobilier, malgré l'existence de cette construction, est ainsi nécessaire à la mise en œuvre de la politique de protection, de gestion et d'ouverture au public des espaces dont il relève et à laquelle contribue le Conservatoire par des acquisitions déjà réalisées, et justifie par ses dimensions importantes, sa propre ouverture au public.
La circonstance que le tènement est l'objet de servitudes d'urbanisme destinées à en assurer la préservation n'est pas de nature à ôter toute nécessité ou utilité à sa maîtrise foncière au moyen de la décision de préemption, laquelle emporte pour le nouveau propriétaire et le gestionnaire un ensemble d'obligations qui découlent des dispositions de l'article L. 215-21 du code de l'urbanisme. Il résulte par ailleurs de ces mêmes dispositions que M. A... ne peut utilement soutenir qu'il aurait pu lui-même, en tant que propriétaire privé, faire assurer la préservation du site en se conformant aux servitudes d'urbanisme applicables, alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'acte d'adjudication lui aurait permis de stipuler des obligations réelles environnementales en application de l'article L. 132-3 du code de l'environnement. En outre, s'il est constant qu'au cours de l'année 2015, tant le conseil de rivages Méditerranée que le conseil municipal de Marseille, dans leurs avis favorables respectifs des 11 et 29 juin 2015, ainsi que les services de l'Etat, ont envisagé que la restauration de la construction désaffectée soit confiée à l'union nationale des centres sportifs de plein air (UCPA), association non lucrative d'utilité publique, dans le cadre d'un transfert de droits réels, afin de libérer et de démolir un bâtiment occupé par l'association sur le domaine public maritime, il n'est pas sérieusement contesté, ainsi que l'affirme le Conservatoire et en atteste son délégué de rivages Provence-Alpes-Côte d'Azur le 26 février 2021, qu'un tel projet avait été abandonné au jour de la décision en litige, compte tenu des dimensions insuffisantes de cette construction, et qu'est envisagée la réalisation d'une " maison de la nature " ou d'une " maison du littoral ". Ainsi, dans l'hypothèse où cette construction devrait être conservée, elle serait affectée à un usage permettant la fréquentation du public et la connaissance des milieux naturels, ainsi que le précise la décision en litige, conformément aux dispositions de l'article L. 215-11 du code de l'urbanisme. Il suit de là que M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'en décidant la préemption du tènement en cause, malgré l'existence d'une construction, la directrice du Conservatoire aurait commis une erreur de droit ou une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 215-11 du code de l'urbanisme.
15. En deuxième lieu, le simple fait pour le conseil d'administration d'avoir autorisé la directrice de l'établissement, par la délibération du 9 juillet 2015, à signer notamment les décisions de préemption pour un périmètre de treize hectares à Sormiou, alors que le tènement préempté a une contenance exacte de 12,35 hectares, et que le conseil municipal de Marseille a donné un avis favorable au projet pour cette même superficie, est sans incidence sur l'appréciation portée par la directrice pour décider la préemption en litige.
16. En troisième lieu, la décision de préemption ayant été prise pour un motif d'intérêt général, ainsi qu'il a été dit au point 14, le moyen tiré par M. A..., qui ne peut utilement se plaindre d'une privation de droit de propriété, de ce que cette mesure remet en cause son espérance légitime d'acquérir le bien en cause, telle que protégée par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne peut qu'être écarté.
17. Enfin, ainsi qu'il a été dit au point 14, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision en litige aurait été prise, en réalité, pour favoriser les intérêts privés de l'UCPA dont M. A... ne justifie pas, par les clichés photographiques et les captures d'écran du site internet de cette association, que ses personnels et adhérents utiliseraient le domaine en cause pour des activités d'escalade. Ainsi le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.
18. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de préemption du 3 février 2020.
Sur les frais d'instance :
19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, en application des mêmes dispositions, il y a lieu en revanche de mettre à la charge de M. A... une somme de 2 500 euros au titre des frais exposés par le Conservatoire et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : M. A... versera au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2024, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Martin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er octobre 2024.
N° 23MA018942