Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal d'annuler l'arrêté du 31 mars 2022 par lequel la préfète des Alpes-de-Haute-Provence a rejeté sa demande de titre de séjour, a pris à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, et d'enjoindre à la préfète des Alpes-de-Haute-Provence, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire sur le fondement des dispositions des articles L. 435-1 et L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans le délai de
quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte.
Par un jugement n° 2206132 du 8 novembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 mars et 21 décembre 2023, M. B..., représenté par Me Kissambou-M'Bamby, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 8 novembre 2022 ;
2°) d'annuler cet arrêté du 31 mars 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-de-Haute-Provence, à titre principal, de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours sous astreinte de cent euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ainsi que les entiers dépens.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors, d'une part, qu'il n'est pas suffisamment motivé en ce qu'il a écarté son moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté en litige, et, d'autre part, qu'il a omis de statuer sur son moyen tiré du défaut de base légale de la décision fixant le pays de renvoi ;
- s'agissant du refus de titre de séjour :
* le refus de titre de séjour en litige est insuffisamment motivé ;
* cette décision est entachée d'une erreur de droit au regard de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et de la circulaire du 28 novembre 2012, dont il remplit toutes les conditions ;
* à titre subsidiaire, il remplit les conditions d'obtention d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du même code ;
- s'agissant de la mesure d'éloignement :
* cette décision n'est pas motivée ;
* cette mesure méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- s'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
* elle doit être annulée par suite de l'annulation de la mesure d'éloignement ;
* cette mesure a été prise en méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 et du décret du 28 novembre 1983 et en l'absence d'examen de ses effets propres sur la situation de l'intéressé ;
* cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, alors que sa présence en France ne représente aucune menace pour l'ordre public.
La requête et le mémoire de M. B... ont été communiqués au préfet des
Alpes-de-Haute-Provence qui n'a pas produit d'observations.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 janvier 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. Revert.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., né en 2003 et de nationalité ivoirienne, a sollicité son admission exceptionnelle en qualité de jeune majeur sur le fondement de l'article L. 431-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 31 mars 2022, la préfète des Alpes-de-Haute-Provence a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 8 novembre 2022, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et à ce qu'il soit enjoint à la préfète des
Alpes-de-Haute-Provence, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire et, subsidiairement, de procéder au réexamen de sa situation.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. D'une part, contrairement à ce que soutient M. B..., le tribunal, en indiquant que l'arrêté en litige mentionne " de manière suffisamment précise les considérations de droit et de fait se rapportant à la situation personnelle de l'intéressé au regard tant de sa formation professionnelle que de son insertion sociale " et que " cette motivation ne présente aucun caractère stéréotypé ", a lui-même suffisamment motivé son jugement, pris en son point 3, pour écarter son moyen tiré de l'insuffisante motivation de cet arrêté en tant qu'il refuse de l'admettre au séjour. Son moyen tiré de la méconnaissance par le jugement attaqué des dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative ne peut donc être accueilli.
3. D'autre part, en écartant, aux points 3 et 11, les moyens tirés du défaut de motivation de l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et de la méconnaissance, par cette mesure d'éloignement, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et en en déduisant que les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de cette décision devaient être rejetées, le tribunal a implicitement mais nécessairement répondu à son moyen, dirigé contre la décision fixant le pays de destination, tiré de l'annulation de cette mesure par voie de conséquence de l'annulation de la mesure d'éloignement. Par suite, M. B... n'est pas fondé à prétendre que le jugement attaqué serait entaché d'une omission à répondre à un tel moyen.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la légalité externe du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français :
4. Il y a lieu d'écarter le moyen tiré par M. B... de l'insuffisante motivation de l'arrêté en litige, en tant qu'il lui refuse un titre de séjour et en tant qu'il lui fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, par adoption des motifs retenus à bon droit et avec suffisamment de précision par les premiers juges au point 3 de leur jugement.
En ce qui concerne la légalité interne du refus de titre de séjour :
5. Aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. ".
6. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.
7. En premier lieu, en se bornant à indiquer, dans les motifs de son arrêté, qu'en juillet 2020, M. B... était inscrit au campus de Digne-les-Bains pour préparer le certificat d'aptitude professionnelle en maçonnerie et a ensuite conclu un contrat d'apprentissage du 6 juillet 2020 au 10 juillet 2022, la préfète des Alpes-de-Haute-Provence, qui n'a pas ce faisant considéré qu'avant cette première date, l'intéressé ne justifiait pas d'une inscription en formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, n'a pas entaché sa décision d'une erreur de fait.
8. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que si M. B..., entré dans sa dix-huitième année au jour de l'arrêté en litige, a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et de dix-huit ans, et a suivi pendant plus de deux ans une formation pour l'obtention du certificat d'aptitude professionnelle en maçonnerie, qui a conduit à la conclusion de deux contrats d'apprentissage, et s'il a suivi des cours de sécurité routière, les faibles résultats scolaires obtenus pendant cette période et l'investissement insuffisant dont il a fait preuve dans sa formation, au jour de l'arrêté en litige, ne traduisent pas, non plus que sa maîtrise incertaine de la langue française qui résulte des bulletins de notes, un suivi suffisamment sérieux de cette formation. A cet égard, la circonstance que, postérieurement à l'arrêté en litige, la moyenne annuelle de M. B... s'est significativement redressée et qu'il a obtenu le certificat d'aptitude professionnelle le 11 octobre 2022 est sans incidence sur la légalité du refus d'admission exceptionnelle au séjour. Il en va de même de la circonstance qu'il a conclu le 9 novembre 2022 un contrat jeune majeur en autonomie avec le département des Alpes-de-Haute-Provence du 1er décembre 2022 au 31 janvier 2023, ainsi qu'un contrat d'apprentissage pour l'obtention du brevet professionnel en maçonnerie du 4 septembre 2023 au 31 juillet 2025. Il ressort en outre des pièces du dossier, notamment des éléments énoncés dans le rapport de situation établi par la structure d'accueil le 18 janvier 2021 et il n'est pas sérieusement contesté par M. B..., qui ne verse aucun autre document qu'un certificat de nationalité et un extrait du registre d'état civil, qu'il n'est pas isolé dans son pays d'origine où vivent sa mère et son frère aîné.
9. Compte tenu des conditions du suivi par M. B... de sa formation au jour de l'arrêté en litige, des liens qu'il a conservés avec sa famille et de sa maîtrise élémentaire de la langue française, et alors même qu'il justifie de son insertion dans la société française par le paiement de son loyer et l'exercice de son activité d'apprenti, il résulte de tout ce qui précède que les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste que la préfète des Alpes-de-Haute-Provence aurait commises, dans le cadre du large pouvoir dont elle dispose, dans son appréciation globale de la situation du requérant, en rejetant sa demande de titre de séjour, doivent être écartés.
10. En dernier lieu, il résulte des motifs énoncés aux points 8 et 9 que le refus d'admission exceptionnelle au séjour de M. B..., célibataire et sans enfant et qui n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, n'a pas porté à son droit à mener une vie privée et familiale normale une atteinte excessive au regard des buts en vue desquels elle a été prise.
Le moyen tiré de la méconnaissance par cette décision des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut donc qu'être écarté.
En ce qui concerne la légalité interne de l'obligation de quitter le territoire français :
11. Pour les motifs énoncés au point 10, et compte tenu de l'objet de la décision portant obligation de quitter le territoire français, les moyens tirés de la méconnaissance par cette mesure des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation ne peuvent qu'être écartés.
En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
12. En premier lieu, il ressort des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français. Dès lors, la procédure contradictoire préalable prévue par les dispositions des articles L. 121-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration n'est pas applicable aux décisions énonçant une obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination. Par suite, M. B... ne peut utilement invoquer la méconnaissance de ces dispositions, ni en tout état de cause de celles du décret du 28 novembre 1983 relatif aux relations entre l'administration et les usagers.
13. En deuxième lieu, il ne ressort pas des motifs de la décision en litige que pour fixer la Côte d'Ivoire comme pays de renvoi, la préfète n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. B....
14. En troisième lieu, le présent arrêt rejetant les conclusions de M. B... dirigées contre la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, son moyen tiré de l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi par voie de conséquence de l'annulation de cette mesure d'éloignement ne peut qu'être écarté.
15. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la situation sécuritaire prévalant dans la région de Grand-Bassam dont M. B... est originaire en Côte d'Ivoire ou dans une autre région qu'il lui faudrait traverser pour la rejoindre en cas de retour dans ce pays serait telle qu'il y serait exposé à un risque de traitement inhumain ou dégradant. Par suite son moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli.
16. Enfin les moyens de M. B... dirigés contre la décision fixant le pays de renvoi et tirés de la méconnaissance de l'article 8 de cette convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation, compte tenu de ses efforts d'insertion dans la société française et de ce que sa présence en France ne représente aucune menace pour l'ordre public, ne peuvent qu'être écartés pour les motifs énoncés aux points 10 et 11.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. B..., qui ne peut utilement se prévaloir des prévisions de la circulaire ministérielle du 28 novembre 2012, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 31 mars 2022 et à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour et subsidiairement de réexaminer sa demande ou à défaut sa situation.
18. Sa requête d'appel doit donc être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Kissambou-M'Bamby et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-de-Haute-Provence.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2024, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Martin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er octobre 2024.
N° 23MA005552