Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le préfet de la Corse-du-Sud a déféré devant le tribunal administratif de Bastia l'arrêté du 29 janvier 2021 par lequel le maire de Lecci a délivré à M. D... B... et à M. E... C... un permis de construire en vue de la réalisation de deux villas, de deux garages et de deux piscines, sur la parcelle alors cadastrée section C n° 1109, au lieu-dit Mora dell Onda, sur le territoire communal.
Par un jugement n° 2100749 du 24 janvier 2023, le tribunal administratif de Bastia a, après avoir admis l'intervention de Mme A... F..., annulé cet arrêté du maire de Lecci du 29 janvier 2021 et rejeté les conclusions présentées tant par cette dernière que par M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 28 février 2023, Mme F..., représentée par Me Poletti, demande à la Cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 24 janvier 2023 et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- alors qu'elle est liée aux bénéficiaires du permis de construire litigieux par une promesse de vente et que son intervention volontaire a été admise par les premiers juges, elle a un intérêt légitime à agir ;
- en annulant ce permis de construire au visa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme et du plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC), les premiers juges se sont livrés à une appréciation erronée en fait et ont commis une erreur de droit ;
- le projet ne se trouve pas dans les limites des espaces stratégiques agricoles (ESA) du PADDUC ;
- elle entend opposer aux arguments du préfet de la Corse-du-Sud les dispositions de l'article L. 442-14 du code de l'urbanisme ;
- le projet participerait à la structuration d'une partie urbanisée de la commune qui serait de nature à garantir l'utilité des équipements publics de ce secteur urbanisé.
La requête a été communiquée au préfet de la Corse-du-Sud, à la commune de Lecci, à M. D... B... et à M. E... C..., qui n'ont pas présenté de mémoire.
Un courrier du 3 juillet 2024, adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code.
Par une ordonnance du 5 août 2024, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Par des lettres du 11 septembre 2024, la Cour a informé les parties, sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, qu'elle était susceptible de fonder son arrêt sur le moyen, relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions d'appel présentées par Mme F..., cette dernière n'ayant pas qualité pour faire appel dès lors qu'elle ne justifie pas qu'à défaut d'intervenir devant le tribunal administratif de Bastia, elle aurait eu qualité pour former tierce opposition au jugement attaqué alors qu'ayant consenti une promesse de vente à MM. B... et C... au titre de laquelle ces derniers ont pu déposer une demande de permis de construire sur un terrain lui appartenant, Mme F... dispose d'intérêts concordants avec ceux de ces derniers et doit, dès lors, être regardée comme ayant été représentée par eux en première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lombart,
- et les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique.
Une note en délibéré, présentée pour Mme F.... par Me Poletti, a été enregistrée le 19 septembre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 23 août 2018, le maire de Lecci ne s'est pas opposé à la déclaration préalable présentée par Mme F... en vue de la division de la parcelle cadastrée section C n° 1109, située au lieu-dit Mora dell Onda, en quatre lots à bâtir, dont un lot D d'une superficie de 1 860 m2. Puis, par un arrêté du 29 janvier 2021, le maire a délivré à MM. B... et C... un permis de construire en vue de la réalisation de deux villas, de deux garages et de deux piscines, sur la parcelle nouvellement cadastrée section C n° 2010, laquelle correspond à ce lot D. Par la présente requête, Mme F..., qui est la propriétaire du terrain d'assiette et dont l'intervention a été admise par les premiers juges, relève appel du jugement du 24 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Bastia a, sur déféré du préfet de
la Corse-du-Sud, annulé cet arrêté du maire de Lecci du 29 janvier 2021.
2. En application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement annulant un acte en matière d'urbanisme, de se prononcer sur les différents motifs d'annulation retenus par les premiers juges, dès lors que ceux-ci sont contestés devant lui, et d'apprécier si l'un au moins de ces moyens justifie la solution d'annulation.
3. En l'espèce, pour annuler l'arrêté du maire de Lecci du 29 janvier 2021, le tribunal administratif de Bastia a jugé que le projet de construction litigieux avait été autorisé en méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, telles que précisées par le plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC).
4. Aux termes de cet article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi susvisée du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique : " L'extension de l'urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants. (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'urbanisation peut être autorisée en continuité avec les agglomérations et villages existants, c'est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions, mais qu'aucune construction nouvelle ne peut en revanche être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages.
Le respect du principe de continuité posé par ces dispositions s'apprécie en resituant le terrain d'assiette du projet dans l'ensemble de son environnement, sans s'en tenir aux constructions situées sur les seules parcelles limitrophes de ce terrain.
5. En outre, le plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC), qui précise, en application du I de l'article L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales, les modalités d'application des dispositions citées ci-dessus, prévoit que, dans le contexte géographique, urbain et socioéconomique de la Corse, une agglomération est identifiée selon des critères tenant au caractère permanent du lieu de vie qu'elle constitue, à l'importance et à la densité significative de l'espace considéré et à la fonction structurante qu'il joue à l'échelle de la micro-région ou de l'armature urbaine insulaire, et que, par ailleurs, un village est identifié selon des critères tenant à la trame et la morphologie urbaine, aux indices de vie sociale dans l'espace considéré et au caractère stratégique de celui-ci pour l'organisation et le développement de la commune. Les prescriptions du PADDUC apportent ainsi des précisions aux dispositions du code de l'urbanisme citées au point précédent et sont compatibles avec elles.
6. Il ressort des pièces du dossier, et en particulier des documents photographiques et cartographiques qui y sont joints, complétés par les données publiques de référence produites par l'Institut géographique national (IGN) et librement accessibles aux parties comme au juge sur le site internet geoportail.gouv.fr., que le terrain d'assiette du projet de construction en litige, constitué par la parcelle nouvellement cadastrée section C n° 2010 qui correspond au lot D issu de la division de la parcelle initialement cadastrée section C n° 1109, d'une superficie de 1 860 m2, est situé à plusieurs kilomètres du village de Lecci. Il est entouré, au Nord, à l'Ouest et au Sud, par des vastes parcelles demeurées à l'état naturel et vierges de toute construction.
Son flanc Est borde un terrain bâti mais qui s'inscrit dans un espace d'habitat diffus et limité. Dans ces conditions, ce secteur, dont l'appelante n'établit pas davantage devant la Cour que devant le tribunal administratif de Bastia qu'il jouerait une fonction structurante à l'échelle de la micro-région ou de l'armature urbaine insulaire et serait identifié, eu égard à sa trame, à sa morphologie urbaine et aux indices de vie sociale, comme ayant un caractère stratégique pour l'organisation et le développement de la commune de Lecci, ne peut être regardé, compte tenu de la faible densité de ces constructions et de son absence de structuration, comme une agglomération, ni comme un village, au sens des dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, telles que précisées par le PADDUC. Par suite, et alors que Mme F..., qui en tout état de cause n'établit ni même n'allègue que le projet en cause serait situé dans un hameau nouveau intégré à l'environnement, ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article
L. 442-14 du code de l'urbanisme, c'est donc à bon droit que les premiers juges ont accueilli le moyen tiré de l'inexacte application des dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme telles que précisées par le PADDUC.
7. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de sa requête, Mme F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a fait droit à la demande du préfet de la Corse-du-Sud. Ses conclusions tendant à l'annulation de ce jugement et, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme F... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... F..., à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques, à la commune de Lecci,
à M. D... B... et à M. E... C....
Copie en sera adressée au préfet de la Corse-du-Sud.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2024, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Lombart, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er octobre 2024.
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No 23MA00509
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