Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) SERIP a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision implicite née le 5 juillet 2021 par laquelle le préfet du Var a rejeté sa demande présentée par lettre du 19 avril 2021 et réceptionné le 4 mai 2021,tendant, à titre principal, à abroger l'intégralité de l'arrêté préfectoral du 18 décembre 2013 par lequel le préfet du Var a rendu immédiatement opposables certaines dispositions du projet de plan de prévention des risques naturels prévisibles d'incendie de forêt sur la commune de Sainte-Maxime et, à titre subsidiaire, à abroger partiellement cet arrêté en tant qu'il classe les parcelles cadastrées section F n° 3319, 3320 et 3385 en zone En'1p du projet de plan.
Par un jugement n° 2102053 du 29 janvier 2024, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 22 mars 2024, la SAS SERIP, représentée par Me Mendes Constante, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 29 janvier 2024 ;
2°) d'annuler la décision implicite de rejet du 5 juillet 2021 précitée, à défaut d'annuler cette décision en tant seulement que l'arrêté du 18 décembre 2023 précité classe les parcelles section F n° 3319, 3320 et 3385 en zone En'1p du projet de plan, à défaut, d'abroger l'arrêté du 18 décembre précité dans son intégralité ou, à défaut en tant qu'il classe les parcelles précitées en zone EN'1p du projet de plan ;
3°) d'enjoindre au préfet du Var de procéder à l'abrogation de l'arrêté du 18 décembre 2013 précité, à défaut d'abroger cet arrêté en tant seulement qu'il classe les parcelles cadastrées section F n° 3319, 3320 et 3385 en zone En'1p du projet de plan, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 500 euros de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté préfectoral du 18 décembre 2013 rendant immédiatement opposables certaines dispositions du projet de plan de prévention des risques naturels d'incendie de forêt (PPRIF) est illégal en ce qu'il est entaché d'une erreur de droit et d'un détournement de procédure au regard des dispositions des articles L. 562-1, L. 562-2, L. 562-4 du code de l'environnement dès lors que leur application immédiate, décidée par arrêté du préfet en date du 18 décembre 2013, est nécessairement temporaire et qu'un plan de prévention aurait dû intervenir près de 4 ans et demi suivant l'arrêté du 13 octobre 2003 qui en a prescrit l'élaboration ;
- le maintien du classement des parcelles cadastrées section F n° 3319, 3320 et 3385 en zone En'1p du projet de plan procède d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'arrêté attaqué porte atteinte au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la déclaration des droits de l'homme, les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles 544 et 545 du code civil ;
- en application des dispositions de l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration, l'autorité administrative est tenue d'abroger ce règlement devenu illégal.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 août 2024, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la déclaration des droits de l'homme et du citoyen
- le code de l'environnement ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code civil ;
- le décret n° 2011-765 du 28 juin 2011 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dyèvre,
- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,
- et les observations de Me Bezol, représentant la société Serip, de Mme A..., représentant le ministre de la transition écologique et la cohésion des territoires Et de Me Plénot, représentant la commune de Sainte-Maxime.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 13 octobre 2003, le préfet du Var a prescrit l'élaboration d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles d'incendie de forêt (PPRIF) sur la commune de Sainte-Maxime. Par un arrêté du 18 décembre 2013, il a rendu immédiatement opposables certaines dispositions du projet de ce PPRIF. Par une lettre du 19 avril 2021 réceptionnée le 4 mai suivant, la SAS SERIP a demandé au préfet du Var, à titre principal, d'abroger totalement cet arrêté et, à titre subsidiaire, de l'abroger partiellement en tant qu'il classe les parcelles cadastrées section F n° 3319, 3320 et 3385 en zone En'1p du projet de plan. Par un jugement du 29 janvier 2024, dont la SAS SERIP relève appel, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande de cette dernière tendant à l'annulation de cette décision implicite.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En premier lieu, le contrôle exercé par le juge administratif sur un acte qui présente un caractère réglementaire porte sur la compétence de son auteur, les conditions de forme et de procédure dans lesquelles il a été édicté, l'existence d'un détournement de pouvoir et la légalité des règles générales et impersonnelles qu'il énonce, lesquelles ont vocation à s'appliquer de façon permanente à toutes les situations entrant dans son champ d'application tant qu'il n'a pas été décidé de les modifier ou de les abroger. Le juge administratif exerce un tel contrôle lorsqu'il est saisi, par la voie de l'action, dans le délai de recours contentieux. En outre, en raison de la permanence de l'acte réglementaire, la légalité des règles qu'il fixe, comme la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir doivent pouvoir être mises en cause à tout moment, de telle sorte que puissent toujours être sanctionnées les atteintes illégales que cet acte est susceptible de porter à l'ordre juridique. Après l'expiration du délai de recours contentieux, une telle contestation peut être formée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure prise pour l'application de l'acte réglementaire ou dont ce dernier constitue la base légale. Elle peut aussi prendre la forme d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision refusant d'abroger l'acte réglementaire, comme l'exprime l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration (CRPA). Si, dans le cadre de ces deux contestations, la légalité des règles fixées par l'acte réglementaire, la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir peuvent être utilement critiquées, il n'en va pas de même des conditions d'édiction de cet acte, les vices de forme et de procédure dont il serait entaché ne pouvant être utilement invoqués que dans le cadre du recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'acte réglementaire lui-même et introduit avant l'expiration du délai de recours contentieux.
3. Aux termes du II de l'article L. 562-1 du code de l'environnement, les plans de prévention des risques naturels prévisibles " ont pour objet, en tant que de besoin : / 1° De délimiter les zones exposées aux risques, en tenant compte de la nature et de l'intensité du risque encouru, d'y interdire tout type de construction, d'ouvrage, d'aménagement ou d'exploitation agricole, forestière, artisanale, commerciale ou industrielle, notamment afin de ne pas aggraver le risque pour les vies humaines ou, dans le cas où des constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles, pourraient y être autorisés, prescrire les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités ; / 2° De délimiter les zones qui ne sont pas directement exposées aux risques mais où des constructions, des ouvrages, des aménagements ou des exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles pourraient aggraver des risques ou en provoquer de nouveaux et y prévoir des mesures d'interdiction ou des prescriptions telles que prévues au 1° ; ". Aux termes de l'article L. 562-2 du même code : " Lorsqu'un projet de plan de prévention des risques naturels prévisibles contient certaines des dispositions mentionnées au 1° et au 2° du II de l'article L. 562-1 et que l'urgence le justifie, le préfet peut, après consultation des maires concernés, les rendre immédiatement opposables à toute personne publique ou privée par une décision rendue publique. / Ces dispositions cessent d'être opposables si elles ne sont pas reprises dans le plan approuvé. ".
4. Les dispositions de l'article L. 562-2 du code de l'environnement, dans leur rédaction résultant de l'article 222 de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, prévoient seulement que les dispositions du plan de prévention des risques naturels prévisibles faisant l'objet d'une application anticipée cessent d'être opposables si elles ne sont pas reprises dans le plan approuvé mais ne fixent aucun délai au-delà duquel elles cessent automatiquement d'être opposables. Si le dernier alinéa de l'article R. 562-2 du même code, ajouté à cet article par le I de l'article 1er du décret du 28 juin 2011 relatif à la procédure d'élaboration, de révision et de modification des plans de prévention des risques naturels prévisibles, dispose que ce document " est approuvé dans les trois ans qui suivent l'intervention de l'arrêté prescrivant son élaboration. Ce délai est prorogeable une fois, dans la limite de dix-huit mois, par arrêté motivé du préfet si les circonstances l'exigent, notamment pour prendre en compte la complexité du plan ou l'ampleur et la durée des consultations ", il résulte de l'article 2 de ce décret que ces dispositions ne sont applicables qu'aux plans dont l'établissement a été prescrit par un arrêté pris postérieurement au dernier jour du premier mois suivant la publication du décret, soit à partir du 1er août 2011, ce que la SAS SERIP ne conteste d'ailleurs pas. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la procédure d'établissement du PPRIF de Sainte-Maxime aurait été abandonnée. Le préfet a d'ailleurs expliqué en première instance que la procédure avait été ralentie notamment par les contraintes pesant sur la tenue de réunions liées à la crise sanitaire intervenue en 2020 et par la nécessité de réexaminer les niveaux de risque en fonction des travaux d'aménagement exécutés. Dans ces conditions, l'importance du délai écoulé à ce jour depuis la date du 13 octobre 2003 à laquelle le préfet du Var a prescrit la réalisation d'un PPRIF sur le territoire de la commune de Sainte-Maxime et celle du 18 décembre 2013 à laquelle il a rendu immédiatement opposables certaines dispositions du projet de plan, ne rend pas illégal le maintien de l'arrêté du 18 décembre 2013.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : " La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité. ". Aux termes de l'article 544 du code civil : " La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. ". Aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour règlementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. ".
6. L'opposabilité anticipée des dispositions du projet de plan de prévention des risques naturels prévisibles répond à un objectif de sécurité publique. En vertu de l'article L. 562-2 du code de l'environnement, ces dispositions cessent d'être opposables si elles ne sont pas reprises dans le plan approuvé et sont donc provisoires. Elles ont uniquement pour effet d'interdire ou de restreindre, dans l'attente de la publication du plan, des constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations. Par ailleurs, le législateur n'a pas exclu toute indemnisation dans le cas exceptionnel où le propriétaire d'un bien supporterait une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi. Par suite, le maintien en vigueur de l'arrêté du 18 décembre 2013 ne méconnaît pas les conditions d'exercice du droit de propriété tel qu'il résulte des dispositions et stipulations précitées.
7. En dernier lieu, le règlement du PPRIF de Sainte-Maxime dont l'application anticipée a été décidée, sur ce point, par l'arrêté du 18 décembre 2013 délimite, outre des zones rouges en règle générale inconstructibles et des zones " non concernées par le risque " (NCR), des zones à enjeux (Enx) correspondant à un niveau d'aléa faible à très élevé et qui font l'objet d'une différenciation en fonction de l'intensité de l'aléa et de l'amélioration de la défendabilité envisageable ou non pour ces zones. Le règlement distingue en particulier, à ce titre, un zonage EN'1, exposé à un risque de niveau 2 fort à très fort recouvrant des " zones bâties ou non bâties pour lesquelles la constructibilité future est proscrite en raison d'un aléa le plus souvent élevé ou très élevé et d'une défendabilité actuelle insuffisante mais a priori améliorable ". Il prévoit aussi un zonage En2, exposé à un risque de niveau 3 modéré à fort et qui est appliqué à des " zones bâties ou non bâties sur lesquelles est admise une constructibilité future sous réserve de prise en compte d'un certain nombre de prescriptions ". La note de présentation du plan expose que la délimitation du zonage résulte de la prise en compte des enjeux d'urbanisme, de l'aléa et des équipements de défense existants. Elle comporte un tableau d'où il résulte que des espaces présentant un enjeu et exposés à un niveau d'aléa soit modéré, soit élevé ou très élevé sont classés en zone EN'1 lorsque leur défendabilité est insuffisante mais améliorable et, respectivement, en zone EN3 ou EN2 lorsqu'ils sont défendables en raison de la réalisation des travaux de défense contre l'incendie sur la totalité de la zone. Il précise néanmoins que la zone EN'1 peut comprendre des sous-zones à l'intérieur desquelles un zonage différent sera retenu (EN2 ou EN3) dès lors que des travaux d'amélioration de la défendabilité seront suffisamment avancés, cette délimitation prenant en compte " la cohérence de chaque sous-zone au regard des possibilités d'évacuation des habitants et d'intervention des services de secours ". Il liste les sous-zones concernées et les travaux de défense contre l'incendie dont la réalisation permet d'envisager le déclassement de ces espaces dans le PPRIF définitif et dont la localisation figure sur des cartes annexées.
8. Il ressort des pièces du dossier que les parcelles cadastrées section F n° 3319, 3320 et 3385, situées au lieu-dit B... sont exposées à un niveau d'aléa très fort. Elles ont été classées par le projet de PPRIF sur la commune de Sainte-Maxime en sous-zone EN'1p. La note de présentation mentionnée au point précédent envisage le déclassement de cette sous-zone en zone EN2 à condition de créer et d'entretenir, d'une part, deux zones de débroussaillement D10 et D11 et, d'autre part, deux voiries V16 et V17 d'une largeur de 6 mètres. En cause d'appel, la société SERIP qui n'apporte pas d'éléments supplémentaires relatifs à l'amélioration de la défendabilité des parcelles en cause, ne conteste pas le motif retenu par les premières juges tenant à ce qu'il n'était en rien établi que les voies V 16 et V17 aient été réceptionnées par la DDTM du Var et que les zones de débroussaillement susmentionnées aient été réalisées. Par suite, la SAS SERIP n'est pas fondée à soutenir que le maintien, même provisoire, d'un classement en zone EN'1 est entaché d'erreur manifeste d'appréciation et que l'autorité administrative aurait été tenue d'abroger même partiellement l'arrêté du 18 décembre 2013.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS SERIP n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
10. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par la société SERIP n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions à fin d'injonction de la SAS SERIP.
Sur les frais liés au litige :
11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
12. Ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse à la société SERIP quelque somme que ce soit au titre des frais que celle-ci a exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SAS SERIP est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée SERIP, à la commune de Sainte Maxime et au ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques.
Délibéré après l'audience du 12 septembre 2024, où siégeaient :
- M. Portail, président,
- Mme Courbon, présidente assesseure,
- Mme Dyèvre premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 septembre 2024.
N° 24MA00711 2
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