Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 8 novembre 2023 par lequel le préfet du Var a rejeté sa demande d'admission au séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Par un jugement n° 2303878 du 4 avril 2024, le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté du 8 novembre 2023 et enjoint au préfet du Var de délivrer un titre de séjour à Mme B... dans un délai de deux mois.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 30 avril 2024, le préfet du Var demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 4 avril 2024.
Il soutient que :
- l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a émis un avis médical sur la situation de Mme B... et a estimé que l'intéressée pouvait bénéficier dans son pays d'origine d'un traitement adapté à son état de santé ;
- Mme B... peut effectivement bénéficier du traitement nécessaire à son état de santé dans son pays d'origine.
La procédure a été communiquée à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui, en sa qualité d'observateur, a produit des observations enregistrées le 6 mai 2024.
Par un mémoire, enregistré le 4 juin 2024, Mme C... B..., représentée par Me Lagardère, demande à la cour :
1°) de confirmer le jugement du tribunal administratif de Toulon du 4 avril 2024 ;
En conséquence :
2°) d'annuler l'arrêt du préfet du Var du 8 novembre 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Var de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ;
4°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil après avoir constaté qu'elle entend renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Elle fait valoir que :
- l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure dès lors que le préfet ne rapporte pas la preuve que le médecin-rapporteur ne siégeait pas au sein du collège de médecin ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle ne peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
Mme B... a été admise à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 juillet 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Rigaud ;
- et les observations de Me Dumaz, substituant Me Lagardère, représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Le préfet du Var relève appel du jugement du 4 avril 2024 par lequel le tribunal administratif de Toulon a annulé son arrêté du 8 novembre 2023 rejetant la demande de titre de séjour formée par Mme B..., ressortissante cubaine née en 1957, obligeant celle-ci à quitter le territoire français dans le délai de trente jours.
Sur les conclusions à fin d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 juillet 2024. Il n'y a dès lors pas lieu de statuer sur ses conclusions tendant à l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle.
Sur l'appel du préfet du Var :
3. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. / Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. "
4. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
5. Pour rejeter la demande de Mme B... tendant à la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet du Var s'est notamment fondé sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 16 mars 2023, qui a estimé que si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé à Cuba, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.
6. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... souffre d'une hypothyroïdie secondaire à la thyroïectomie complète qu'elle a subie en 1982 à Cuba. Son état de santé nécessite la prise d'hormone thyroïdienne, notamment le Levothyrox, le défaut de cette prise en charge médicale étant, ainsi que l'ont retenu le collège des médecins de l'OFII et le préfet du Var dans l'arrêté en litige, de nature à entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Le préfet du Var se prévaut de l'avis du collège des médecins de l'OFII en date du 16 mars 2023 ainsi que des observations produites par l'OFII en première instance pour soutenir que Mme B... peut bénéficier effectivement de ce traitement à Cuba. Dans ses observations formulées en appel, l'OFII se prévaut quant à lui de l'extrait de la fiche MedCOI n° AVA 17970 du 11 avril 2024 dont il résulte que la Lévothyroxine (ou L-Thyroxine) est disponible, par exemple, dans la pharmacie Farmabana située à la Havane.
7. Mme B... soutient d'une part que, compte tenu de l'organisation du système cubain des pharmacies communautaires, elle n'a juridiquement pas accès à la pharmacie citée par cette fiche MedCOI, cette organisation sanitaire imposant aux résidents cubains d'être titulaires d'une carte de contrôle pour se voir délivrer les médicaments dispensables uniquement sur prescription médicale, comme c'est le cas de la Lévothyroxine, et dans la pharmacie communautaire de leur lieu de résidence et d'autre part que son lieu de résidence, où vit son époux, est situé à plus de 200 km de la Havane. Toutefois, elle ne se prévaut d'aucune circonstance qui ferait obstacle, en cas de retour dans son pays d'origine, à ce qu'elle puisse résider dans un lieu relevant, dans le cadre de l'organisation sanitaire cubaine, d'une pharmacie approvisionnée en Lévothyroxine (ou L-Thyroxine) comme, par exemple, celle citée en exemple par la fiche MedCOI produite à l'instance par l'OFII. Les autres pièces produites par Mme B... ne contredisent par ailleurs pas utilement la disponibilité de ce traitement sur le territoire cubain et ne sont pas de nature à démontrer qu'elle ne pourrait effectivement bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé à Cuba. Enfin, Mme B... n'établit pas qu'ainsi qu'elle l'allègue elle n'aurait pas eu effectivement accès de manière continue à son traitement avant d'arriver en France en août 2022 compte tenu de la pénurie de médicaments existant à Cuba. Mme B... ne peut, dès lors, être regardée comme apportant suffisamment d'éléments permettant de remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'OFII et l'appréciation portée par le préfet du Var quant à la disponibilité de son traitement à Cuba. Il suit de là que le préfet du Var est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 4 avril 2024, le tribunal administratif de Toulon a, pour ce motif, annulé l'arrêté du 8 novembre 2023.
8. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... en première instance et en appel.
Sur les moyens présentés par Mme B... :
9. Aux termes de l'article R. 425-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. (...) ". Aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application de ces dispositions : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport. (... ) ".
10. Il ressort de l'avis du 16 mars 2023 du collège des médecins l'OFII ainsi que du bordereau de transmission établi par le directeur général de l'Office que le collège de médecins s'est prononcé sur la demande de Mme B... sur la base d'un rapport médical établi par le docteur A..., et que ce collège, composé des docteurs Giraud, Barennes et Baril, ne comprenait pas le médecin auteur du rapport. Il résulte de ces mêmes pièces que l'avis a été rendu, conformément aux dispositions précitées, après délibération collégiale des membres du collège de médecins.
11. Comme il a été dit au point 7, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté en litige méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur les conclusions accessoires :
12. Par voie de conséquence de ce qui vient d'être dit, les conclusions de Mme B... à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme B... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : Le jugement n° 2303878 du 4 avril 2024 du tribunal administratif de Toulon est annulé.
Article 3 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Toulon et le surplus de ses conclusions devant la cour sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., à Me Lagardère, au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Copie en sera adressée au préfet du Var.
Délibéré après l'audience du 5 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Cécile Fedi, présidente de chambre,
- Mme Lison Rigaud, présidente-assesseure,
- M. Jérôme Mahmouti, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 septembre 2024.
N° 24MA011222