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20/09/2024 | FRANCE | N°23MA02760

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 2ème chambre, 20 septembre 2024, 23MA02760


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'avis des sommes à payer émis le 16 octobre 2020 par le centre hospitalier d'Arles pour un montant de 2 349,48 euros et d'enjoindre au centre hospitalier d'Arles de lui restituer la somme mise à sa charge par le titre exécutoire, assortie des intérêts légaux.



Par un jugement n° 2102970 du 5 juin 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la requête de M. B....

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Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 21 novembre 2023, M. B...,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'avis des sommes à payer émis le 16 octobre 2020 par le centre hospitalier d'Arles pour un montant de 2 349,48 euros et d'enjoindre au centre hospitalier d'Arles de lui restituer la somme mise à sa charge par le titre exécutoire, assortie des intérêts légaux.

Par un jugement n° 2102970 du 5 juin 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la requête de M. B....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 novembre 2023, M. B..., représenté par Me Taguelmint, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 5 juin 2023 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'avis des sommes à payer émis et rendu exécutoire le 16 octobre 2020 pour un montant de 2 349,48 euros ;

3°) d'enjoindre au centre hospitalier d'Arles de restituer la somme versée assortie des intérêts légaux et de la capitalisation des intérêts.

Il soutient que :

- les premiers juges ont fait à tort peser la charge de la preuve sur le requérant et n'ont pas fait usage de leurs pouvoirs d'instruction ;

- le jugement comporte une motivation incohérente et contradictoire ;

- il est entaché d'une dénaturation des faits ;

- le centre hospitalier a commis une faute lors de sa prise en charge, de nature à l'exonérer de toute responsabilité ; il ne pouvait ignorer l'existence d'un risque grave pour l'intégrité du patient et de son environnement, alors qu'il a fait l'objet d'une hospitalisation sous contrainte ;

- aucun élément précis n'est apporté sur le montant des sommes réclamées ;

- si la cour l'estime utile, une expertise pourra être ordonnée afin de déterminer la prévisibilité des crises dont il souffre et les mesures prises par le service hospitalier pour éviter ces crises et les dommages qui en ont résulté.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 janvier 2024, le centre hospitalier d'Arles, représenté par Me Zandotti, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que la contestation de la nature de la saisie sur le compte du requérant ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative et que les moyens soulevés par ce dernier ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 29 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Danveau,

- les conclusions de M.Gautron, rapporteur public,

- et les observations de Me Bellanger représentant le centre hospitalier d'Arles.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., admis au sein du pavillon psychiatrique du centre hospitalier d'Arles, a commis au cours de son hospitalisation, les 19 et 20 septembre 2020, des dégradations dans la chambre qu'il occupait. Par un titre de recette émis le 16 octobre 2020 et notifié sous la forme d'un avis des sommes à payer, le centre hospitalier d'Arles a ordonné le paiement par l'intéressé d'une somme de 2 349,48 euros, correspondant aux frais de réparation engagés, et qui a fait l'objet d'un recouvrement par saisie sur son compte bancaire. Suite au rejet de son recours gracieux, M. B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler ce titre exécutoire et d'enjoindre au centre hospitalier de lui restituer la somme saisie. Par un jugement n° 2102970 du 5 juin 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. M. B... relève appel de ce jugement.

Sur l'exception d'incompétence partielle :

2. Aux termes de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités : " Les dispositions du présent article s'appliquent également aux établissements publics de santé. / 1° En l'absence de contestation, le titre de recettes individuel ou collectif émis par la collectivité territoriale ou l'établissement public local permet l'exécution forcée d'office contre le débiteur. / (...) / L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois à compter de la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite. / 2° La contestation qui porte sur la régularité d'un acte de poursuite est présentée selon les modalités prévues à l'article L. 281 du livre des procédures fiscales. (...) ".

3. Aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances, amendes, condamnations pécuniaires et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. / (...) / Les contestations relatives au recouvrement ne peuvent pas remettre en cause le bien-fondé de la créance. Elles peuvent porter : / 1° Sur la régularité en la forme de l'acte ; / 2° A l'exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, sur l'obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de la somme réclamée. / Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés dans le cas prévu au 1° devant le juge de l'exécution. Dans les cas prévus au 2°, ils sont portés : / (...) c) Pour les créances non fiscales des collectivités territoriales, des établissements publics locaux et des établissements publics de santé, devant le juge de l'exécution ".

4. Il résulte de ces dispositions que l'ensemble du contentieux du recouvrement des créances non fiscales des collectivités territoriales est de la compétence du juge de l'exécution, tandis que le contentieux du bien-fondé de ces créances est de celle du juge compétent pour en connaître sur le fond.

5. Les conclusions présentées par M. B... tant devant le tribunal que devant la cour tendent à l'annulation de l'avis des sommes à payer valant titre exécutoire, émis le 16 octobre 2020 par le centre hospitalier d'Arles, ainsi qu'à la restitution des sommes prélevées pour le recouvrement du titre. Une telle demande, qui n'est pas dirigée contre un acte de poursuite procédant des titres exécutoires, vise à contester le bien-fondé d'une créance détenue par un établissement public de santé sur une personne privée. Par suite, l'exception d'incompétence soulevée par le centre hospitalier d'Arles doit être écartée.

Sur la régularité du jugement :

6. Le tribunal, qui dirige seul l'instruction des affaires dont il est saisi, n'était pas tenu de faire droit à la demande du requérant tendant à obtenir, auprès du centre hospitalier d'Arles, la production de pièces médicales relatives à son hospitalisation, une telle mesure relevant des pouvoirs propres du juge. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier.

7. Il résulte de l'instruction que le tribunal administratif de Marseille, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments des parties, a répondu aux moyens dont il était saisi et a suffisamment motivé son jugement. En précisant que M. B... a commis des dégradations dans sa chambre au cours de son séjour en service psychiatrique au centre hospitalier d'Arles, tout en indiquant que l'état de démence allégué et la prévisibilité de ses crises n'étaient établis par aucune pièce, le tribunal n'a pas entaché son jugement d'une insuffisance de motivation. Par suite, le moyen ainsi soulevé par M. B... doit être écarté.

8. Hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Le requérant ne peut donc utilement se prévaloir de la méconnaissance de la répartition de la charge de la preuve, d'une contradiction dans les motifs et de la dénaturation des faits du dossier qui entacheraient le jugement attaqué du tribunal administratif pour en demander l'annulation pour irrégularité.

Sur le bien-fondé du titre exécutoire :

9. Pour établir l'existence d'une faute dans l'organisation du service hospitalier au titre du défaut de surveillance d'un patient atteint d'une pathologie psychiatrique, le juge doit notamment tenir compte, lorsque l'état de santé de ce patient fait courir le risque qu'il commette un acte agressif à son égard ou à l'égard d'autrui, non seulement de la pathologie en cause et du caractère effectivement prévisible d'un tel passage à l'acte, mais également du régime d'hospitalisation, libre ou sous contrainte, ainsi que des mesures que devait prendre le service, compte tenu de ses caractéristiques et des moyens dont il disposait.

10. Il résulte de l'instruction que M. B..., atteint de troubles psychiatriques, a fait l'objet d'une mesure d'hospitalisation sous contrainte à la demande de sa mère, au sein du pavillon psychiatrique du centre hospitalier d'Arles, à compter du 18 septembre 2020. Il est constant que celui-ci a commis des dégradations dans la chambre qu'il occupait, concernant les boitiers de commande d'un volet, des porte-étiquettes, la peinture et la protection d'angle des murs, une patère et le thermostat de sa chambre. Le requérant soutient que le centre hospitalier d'Arles ne pouvait ignorer les risques de dégradations qu'il était susceptible de commettre compte tenu de ses antécédents psychiatriques, de ses hospitalisations précédentes et des crises de démence ayant précédé son admission au service psychiatrique de l'hôpital. Cependant, les dégradations matérielles commises par un patient hospitalisé dans un service de soins ne révèle pas, par elle-même, l'existence d'un défaut de surveillance constitutif d'une faute dans l'organisation ou le fonctionnement duservice. En l'espèce, l'intéressé avait été placé, ainsi qu'il le reconnaît, dans une chambre adaptée sans équipement particulier susceptible d'être dégradé ou dangereux pour le patient, en dehors du matériel nécessaire à son hospitalisation. De surcroît, aucun des éléments produits par le requérant, tels que les témoignages d'un proche et de sa mère sur les faits ayant précédé son hospitalisation, rédigés au demeurant tardivement les 1er juillet et 7 novembre 2023, une attestation des sapeurs-pompiers d'Arles sur son transport le 15 septembre 2020 au service des urgences du centre hospitalier d'Arles et une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Tarascon du 29 septembre 2020 décidant de son maintien en hospitalisation complète, n'est de nature à établir qu'il manifestait des velléités particulières de dégrader son environnement et donc un manquement fautif de l'établissement hospitalier dans sa surveillance et les soins dispensés au moment des faits commis les 19 et 20 septembre 2020. Il ne résulte pas davantage de l'instruction que le traitement médicamenteux dont il a bénéficié à partir de son admission à l'hôpital aurait été inadapté, alors que l'intéressé fait valoir que sa décompensation psychotique du 15 septembre 2020 résultait d'une modification inappropriée de celui qu'il suivait avec succès depuis plusieurs années. Enfin, la seule carence du centre hospitalier d'Arles à produire le dossier médical de M. B... n'est pas, en tant que telle, de nature à établir l'existence d'un manquement fautif dans la prise en charge du patient. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin de demander la communication des pièces médicales sollicitées par M. B... ou d'ordonner une expertise médicale, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que le titre exécutoire en litige serait entaché d'illégalité.

11. Il résulte de l'instruction que le centre hospitalier d'Arles établit, par la production d'une facture portant sur les dégradations commises les 19 et 20 septembre 2020 et de quatre devis détaillés, le montant des réparations s'élevant à la somme totale de 2 349,48 euros et ayant donné lieu au titre exécutoire litigieux. Le requérant, qui a reconnu la matérialité des faits reprochés, ne conteste pas sérieusement le montant du titre exécutoire en se bornant à soutenir que le centre hospitalier n'opère aucune distinction entre les montants réclamés au titre de chacune des crises de démence dont il a été victime. Il suit de là que ce dernier n'est pas fondé à soutenir que le centre hospitalier d'Arles aurait fixé le montant du titre exécutoire de manière erronée.

12. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre exécutoire et à la restitution des sommes versées.

Sur les frais liés au litige :

13. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du centre hospitalier d'Arles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier d'Arles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au centre hospitalier d'Arles.

Délibéré après l'audience du 5 septembre 2024, où siégeaient :

- Mme Fedi, présidente de chambre,

- Mme Rigaud, présidente assesseure,

- M. Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 septembre 2024.

N° 23MA02760


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA02760
Date de la décision : 20/09/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Comptabilité publique et budget - Créances des collectivités publiques - Recouvrement.

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service public de santé - Établissements publics d'hospitalisation - Responsabilité pour faute simple : organisation et fonctionnement du service hospitalier.


Composition du Tribunal
Président : Mme FEDI
Rapporteur ?: M. Nicolas DANVEAU
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : TAGUELMINT

Origine de la décision
Date de l'import : 29/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-20;23ma02760 ?
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