Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner la commune de Lorgues à lui payer la somme de 30 000 euros en réparation du harcèlement moral dont elle estime avoir été l'objet.
Par un jugement n° 2001514 du 17 mars 2023, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 15 mai 2023, Mme B..., représentée par Me Hoffman, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 17 mars 2023 ;
2°) de condamner la commune de Lorgues à lui verser la somme de 30 000 euros ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Lorgues la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'elle a été victime d'un harcèlement moral de la part de la commune de Lorgues qui est établi au regard des faits suivants :
- en 2014, elle a été victime d'une mutation d'office qui revêt le caractère d'une mesure disciplinaire déguisée de la part de la commune et qui est illégale pour les raisons suivantes : aucune raison objective ne justifie cette mutation d'office ; si la commune invoque à cet égard un avertissement du 20 octobre 2014, celui-ci n'a toutefois pas procédé d'une procédure contradictoire ; c'est en raison des faits mentionnés dans cet avertissement que la mesure contestée a été prise ; cette mutation d'office est illégale dès lors qu'elle constitue une double-sanction ;
- sa carrière est émaillée de nombreux incidents administratifs qui révèlent un exercice anormal du pouvoir hiérarchique ;
- sa prime de fin d'année pour l'année 2019 a été réduite ;
- aucune mesure préventive n'a été mise en place par la commune de Lorgues et, par conséquent, les faits dont elle a été victime n'auraient jamais pu se produire si cette commune avait respecté les obligations qui lui incombent au titre de la prévention des risques professionnels.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 septembre 2023, la commune de Lorgues, représentée par la SELARL LLC et Associés, agissant par Me Marchesini, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête est irrecevable dès lors qu'elle ne comporte aucune critique du jugement attaqué ;
- les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés ;
- Mme B... ne justifie pas l'existence de son préjudice moral ;
- le comportement de Mme B... est de nature à exonérer la commune de toute responsabilité.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mahmouti,
- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,
- et les observations de Me Hoffman, représentant Mme B..., et de Me Gonzalez-Perez, représentant la commune de Lorgues.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... relève appel du jugement du 17 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Lorgues à lui payer la somme 30 000 euros en réparation du harcèlement moral dont elle estime avoir été l'objet.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors en vigueur : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (...) ".
3. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
4. En l'espèce, Mme B... invoque de nouveau en appel le fait que le changement d'affectation dont elle a fait l'objet au cours de l'année 2014 du poste d'animatrice au centre aéré à celui de secrétaire à l'accueil de la police municipale revêt le caractère d'une mesure disciplinaire déguisée. Toutefois, si cette modification, dont elle a été informée par courrier du 19 novembre 2014, fait immédiatement suite à l'avertissement du 20 octobre 2014 qui lui a été infligé en raison de ses propos tenus sur les réseaux sociaux, il ne ressort pas pour autant des pièces du dossier que ce changement aurait également emporté une dégradation de ses conditions de travail, une perte de revenus ou de responsabilités. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que ce changement de poste traduirait l'intention de son autorité hiérarchique de la sanctionner alors que l'intérêt du service l'ayant motivé, tenant à son comportement au service " jeunesse " et aux propos qu'elle a tenus sur les réseaux sociaux, n'est pas sérieusement contesté. Il s'en suit que cette mutation, survenue d'ailleurs cinq ans avant les autres faits que la requérante invoque à la cause, n'est pas susceptible d'être regardée comme une sanction déguisée, peu important à cet égard les critiques faites par la requérante quant à la légalité de cet acte devenu définitif puisque non contesté dans les délais requis. Par ailleurs, si Mme B... s'étonne de ce que, suite à un accident de service survenu le 7 mars 2019 à l'occasion duquel elle s'est tordue la cheville gauche, la commune de Lorgues ait sollicité, dans le cadre des diverses périodes de congés maladie dont l'intéressée a bénéficié, deux contre-visites qui ont été effectuées les 25 avril et le 3 octobre 2019 et lui a adressé deux mises en demeure de reprendre le travail à l'issue de ces différentes périodes, il ressort toutefois des pièces du dossier, et il n'est pas contesté, que la commune a légalement usé de sa faculté de diligenter de tels procédés et s'est à chaque fois conformée aux certificats médicaux prolongeant ses arrêts maladie ainsi qu'aux avis de la commission de réforme. En outre, il ressort des pièces du dossier, et notamment d'un courrier du 5 juin 2019 adressé par la commune à Mme B..., que les contre-visites constituent pour cette commune un mode commun de vérification des congés maladie des agents communaux et que l'intéressée avait publié sur les réseaux sociaux des photographies d'elle la montrant assister au festival de Cannes alors même qu'elle était censée se trouver en congé maladie. Enfin, si Mme B... affirme de manière lapidaire et pas plus développée en appel qu'en première instance que la commune de Lorgues ne pouvait pas diminuer sa prime de fin d'année au titre de l'année 2019, il ressort des termes du courrier du 11 décembre 2019 qui lui a été adressé par le maire de la commune, que sa baisse de prime en 2019 s'explique par la durée de ses congés maladie qui ont dépassé 30 jours cette année-là. De même, si Mme B... soutient que, selon elle, aucune mesure préventive n'a été mise en place par la commune de Lorgues et que, par conséquent, les faits dont elle a été victime n'auraient jamais pu se produire si cette commune avait respecté les obligations qui lui incombent au titre de la prévention des risques professionnels, ce fait, à le supposer même établi, ne concerne pas uniquement sa situation personnelle et n'est pas susceptible d'être regardé comme un agissement spécifiquement dirigé à son encontre. Par conséquent, l'ensemble des éléments de faits soumis à la cour par Mme B..., pris isolément ou cumulativement, ne sauraient être regardé comme étant de nature à faire présumer l'existence d'agissements de harcèlement moral dont elle aurait été victime de la part de la commune de Lorgues. Par suite et ainsi que l'a jugé à juste titre le tribunal, elle n'est pas fondée à demander la condamnation de cette commune à l'indemniser du préjudice moral qu'elle estime avoir subi à ce titre.
5. Il résulte de ce qui vient d'être dit, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande.
Sur les frais de procédure :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Lorgues, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, supporte la charge des frais exposés par la requérante et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... le versement à la commune de Lorgues de la somme de 2 000 euros en application de ces mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Mme B... versera à la commune de Lorgues la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à la commune de Lorgues.
Délibéré après l'audience du 5 septembre 2024 où siégeaient :
- Mme Fedi, présidente de chambre,
- Mme Rigaud, présidente-assesseure,
- M. Mahmouti, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 septembre 2024.
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N° 23MA01177
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