Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2016 et 2017, et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 2201047 du 29 septembre 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 29 novembre 2023 et le 30 août 2024, M. et Mme A..., représentés par Me Gaydon, demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 29 septembre 2023 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- ils n'ont pas obtenu de réponse à leurs observations du 25 septembre 2019 relatives à la proposition de rectification du 22 juillet 2019, en méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;
- l'absence de réponse de l'administration à ces observations les a privés du recours hiérarchique qu'ils pouvaient exercer sur le fondement de l'article L. 54 C du livre des procédures fiscales ;
- l'administration a ainsi méconnu les énonciations de la doctrine administrative référencée BOI-CF-PGR-30-10 n° 520 ;
- les dépenses de la société à responsabilité limitée (SARL) Alpes Camping Car relatives au bateau Sessa C35 ne constituent pas des revenus distribués, dès lors qu'en raison de différents désordres l'utilisation du bateau a été rendue impossible et que l'administration ne démontre pas l'appréhension de tels revenus ;
- les dépenses de la D...au robot de cuisine " thermomix " ne constituent pas des revenus distribués dès lors qu'elles ont été engagées dans l'intérêt des salariés de la société.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juin 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que le jugement attaqué est irrégulier en tant qu'il a omis de prononcer un non-lieu à statuer sur les intérêts de retard dont ont été assortis les impositions en litige, qui ont fait l'objet d'un dégrèvement le 13 juillet 2022 à concurrence de la somme globale de 971 euros.
Par un mémoire, enregistré le 25 juin 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a indiqué à la Cour s'en remettre à ses écritures devant le tribunal administratif et la Cour au sujet de ce moyen relevé d'office.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mastrantuono,
- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... est dirigeant de la SARL Alpes Camping Car, dont il détient le capital à hauteur de 99 %, le surplus étant détenu par Mme A.... A l'issue de vérifications de comptabilité de cette société et d'un contrôle sur pièces des déclarations de M. et Mme A..., ces derniers ont été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2016 et 2017, à raison des revenus considérés comme distribués par la société au bénéfice de M. A.... M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 29 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces suppléments d'impôt et des pénalités correspondantes.
Sur la régularité du jugement :
2. Il résulte de l'instruction que, par une décision du 13 juillet 2022, postérieure à l'introduction de la demande devant le tribunal administratif, l'administration a prononcé le dégrèvement des intérêts de retard dont ont été assortis les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. et Mme A... ont été assujettis au titre des années 2016 et 2017 à hauteur du montant global de 971 euros. Le jugement attaqué n'a toutefois pas prononcé un non-lieu à statuer du fait de ce dégrèvement. Dès lors, il doit, dans cette mesure, être annulé. Il y a lieu, d'une part, d'évoquer les conclusions de la demande ainsi devenues sans objet au cours de la procédure de première instance et de constater qu'il n'y a pas lieu d'y statuer et, d'autre part, de statuer, par l'effet dévolutif de l'appel, sur le surplus des conclusions de M. et Mme A....
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée ".
4. L'administration a notifié à M. et Mme M. A... une proposition de rectification datée du 22 juillet 2019 à laquelle M. A..., auquel un délai de réponse complémentaire de trente jours a été accordé, a répondu par des observations datées du 25 septembre 2019. L'administration a adressé par pli recommandé au domicile de M. et Mme A... une réponse à ces observations datée du 22 octobre 2019. Ce pli a été effectivement distribué le 28 octobre 2019, ainsi qu'il ressort de l'attestation du service postal produite par le ministre et du suivi de l'envoi, et l'avis de réception a été retourné au service, revêtu d'une signature manuscrite. Les requérants se bornent à faire valoir que cette signature n'est pas celle de M. A..., sans d'ailleurs faire valoir qu'elle ne serait pas celle de Mme A..., et sans pour autant apporter la moindre indication sur les personnes qui, en l'absence de toute habilitation, auraient néanmoins eu qualité pour signer de tels avis. Dès lors, à supposer même que cette signature ne soit ni celle de M. A..., ni celle de Mme A..., les requérants ne démontrent pas que le signataire de l'avis de réception n'était pas habilité pour réceptionner le pli. Ainsi, la réponse aux observations du contribuable doit être regardée comme ayant été régulièrement notifiée à M. et Mme A..., les circonstances que l'adresse mentionnée sur l'avis de réception serait peu lisible, que la date de vaine présentation ne serait pas certaine et que le point de retrait du pli serait dédié aux clients professionnels de la Poste étant sans incidence à cet égard. Par suite, doit être écarté comme manquant en fait le moyen tiré de ce que l'administration n'aurait pas répondu aux observations du 25 septembre 2019 formulées en réponse à la proposition de rectification.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 54 C du livre des procédures fiscales : " Hormis lorsqu'elle est adressée dans le cadre des procédures mentionnées aux articles L. 12, L. 13 et L. 13 G et aux I et II de la section V du présent chapitre, la proposition de rectification peut faire l'objet, dans le délai imparti pour l'introduction d'un recours contentieux, d'un recours hiérarchique qui suspend le cours de ce délai ".
6. Ainsi qu'il a été dit au point 4, l'administration a répondu aux observations formulées par M. A... en réponse à la proposition de rectification. Les requérants ne sont par suite et en tout état de cause pas fondés à soutenir qu'en raison du défaut de réponse à leurs observations, ils auraient été privés de la possibilité d'exercer un recours hiérarchique sur le fondement de l'article L. 54 C du livre des procédures fiscales.
7. En troisième lieu, M. et Mme A... ne peuvent utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine administrative référencée BOI-CF-PGR-30-10, n° 520, qui est relative à la procédure d'imposition et ne comporte, ainsi, aucune interprétation d'un texte fiscal au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :
8. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) c. Les rémunérations et avantages occultes (...) ".
9. En premier lieu, à l'issue de la vérification de comptabilité de la SARL Alpes Camping Car, l'administration fiscale a constaté la comptabilisation de charges relatives à l'acquisition et à l'entretien d'un bateau Sessa C35 inscrit à l'actif de la société, pour des montants respectifs de 48 409 euros et 1 100 euros au cours des années 2016 et 2017. Estimant que ces dépenses, étrangères à l'activité de la société, avaient été exposées dans l'intérêt de M. A..., l'administration a regardé les sommes correspondantes comme des revenus distribués au bénéfice de l'intéressé sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts. Si la SARL Alpes Camping Car a notamment pour activité depuis la modification de ses statuts en 2011 la " location de tous engins à moteur, bateaux, charters et tentes ", les requérants se bornent à produire à l'appui de leurs affirmations selon lesquelles cette société aurait eu l'intention de louer le bateau une annonce parue dans un journal édité en août 2012 faisant état d'une location prochaine, alors qu'il n'est pas contesté que le contrat de location avec option d'achat souscrit par la société au titre du bateau interdisait toute sous-location et que les requérants ne justifient pas par leurs seules affirmations que la banque aurait toléré l'activité de sous-location. En outre, la persistance de divers désordres affectant le navire malgré les réparations réalisées le vendeur, pour un montant estimé par un expert à 5 129 euros en 2015, n'est pas suffisante pour expliquer l'absence de location effective du navire, cette circonstance étant par ailleurs sans incidence sur le litige opposant la SARL Alpes Camping Car au vendeur du bateau. Ainsi, les dépenses relatives au bateau ayant nécessairement été exposées à l'initiative et au bénéfice de M. A..., gérant et principal associé de la SARL Alpes Camping Car, l'administration a pu à bon droit regarder les sommes correspondantes comme constituant des avantages occultes consentis à l'intéressé au sens du c de l'article 111 du code général des impôts.
10. En second lieu, à l'issue de la vérification de comptabilité de la SARL Alpes Camping Car, l'administration fiscale a constaté la comptabilisation d'une dépense relative à l'acquisition d'un robot de cuisine " thermomix " pour un montant de 955 euros au cours de l'année 2016. Estimant que cette dépense, étrangère à l'activité de la société, avait été exposée dans l'intérêt de M. A..., l'administration a regardé la somme correspondante comme des revenus distribués au bénéfice de l'intéressé sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts. L'administration a relevé que l'utilisation d'un tel appareil pour la préparation des repas des salariés apparait peu adaptée eu égard à la petite taille de la cuisine de l'entreprise, ce qui est d'ailleurs confirmé par la photographie produite par les requérants, et à la nécessité de préparer les ingrédients nécessaires à la confection des recettes. Dans ces conditions, alors que la seule circonstance qu'aucun restaurant ou snack ne se trouve à proximité de l'entreprise ne fait pas obstacle à ce que les salariés puissent déjeuner dans le temps imparti, l'administration démontre que la dépense en cause n'a pas été réalisée dans l'intérêt de l'entreprise, et qu'elle a nécessairement été exposée à l'initiative et au bénéfice de M. A..., gérant et principal associé de la SARL Alpes Camping Car. Les requérants ne sont donc pas fondés à soutenir que c'est à tort que l'administration a regardé cet achat comme un avantage occulte distribué à M. A....
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 29 septembre 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté le surplus des conclusions à fin de décharge de leur demande.
Sur les frais liés au litige :
12. les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, une somme à verser à M. et Mme A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2201047 du 29 septembre 2023 du tribunal administratif de Marseille est annulé en tant qu'il a omis de se prononcer sur le dégrèvement prononcé en cours d'instance.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à la décharge des pénalités dont ont été assorties les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. et Mme A... ont été assujettis au titre des années 2016 et 2017, qui ont été dégrevées au cours de la première instance à hauteur du montant global de 971 euros.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme A... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à Mme C... A..., et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 5 septembre 2024, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente,
- M. Platillero, président assesseur,
- Mme Mastrantuono, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 septembre 2024.
La rapporteure,
signé
F. MASTRANTUONOLa présidente de la 3ème chambre,
signé
E. PAIXLa greffière,
signé
C. PONS
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N° 23MA028582