Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société AM Environnement a demandé au tribunal administratif de Bastia de prononcer la restitution de crédits d'impôt sur les investissements en Corse au titre des exercices clos le 31 décembre 2016 et le 31 décembre 2017.
Par un jugement no 2000720 du 8 juillet 2022, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 7 septembre 2022, le 17 février et le 12 juin 2023, la société AM Environnement, représentée par la SCP O. Renault et associés, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 8 juillet 2022 du tribunal administratif de Bastia ;
2°) de prononcer la restitution du crédit d'impôt à hauteur de 579 283 euros au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2016 et de 242 321 euros au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2017 ;
3°) de mettre la somme de 8 000 euros à la charge de l'État en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les investissements entrent dans le champ d'application du règlement 651/2014 du 17 juin 2014 et de l'article 22 de l'annexe II du code général des impôts ;
- ils ont été réalisés en 2016 et en 2017 ;
- ils relèvent des agencements et installations de locaux habituellement ouverts à la clientèle ;
- aucune aide n'a été reçue pour la construction du centre de tri des déchets industriels et banals.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 19 décembre 2022, le 11 mai et le 10 juillet 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société AM Environnement ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Mérenne,
- les conclusions de M. Ury, rapporteur public,
- et les observations de Me Noirot, représentant la société AM Environnement.
Considérant ce qui suit :
1. Le 17 octobre 2018 et le 1er avril 2019, la société AM Environnement a demandé le remboursement de crédits d'impôt pour investissements réalisés en Corse à hauteur de 579 283 euros au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2016 et de 421 107 euros au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2017. L'administration fiscale a refusé d'y faire droit par une décision du 26 mai 2020. La société AM Environnement fait appel du jugement du 8 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant au remboursement des crédits d'impôt en cause.
2. D'une part, l'article 244 quater E du code général des impôts dispose que : " I.-1° Les petites et moyennes entreprises relevant d'un régime réel d'imposition peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des investissements, autres que de remplacement, financés sans aide publique pour 25 % au moins de leur montant, réalisés jusqu'au 31 décembre 2020 et exploités en Corse pour les besoins d'une activité industrielle, commerciale, artisanale, libérale ou agricole (...) / 3° Le crédit d'impôt prévu au 1° est égal à 20 % du prix de revient hors taxes : / a. Des biens d'équipement amortissables selon le mode dégressif en vertu des 1 et 2 de l'article 39 A et des agencements et installations de locaux commerciaux habituellement ouverts à la clientèle créés ou acquis à l'état neuf (...) ". L'article 39 A, dont le 1. exclut en principe de l'amortissement dégressif des biens d'équipement " les immeubles d'habitation, les chantiers et les locaux servant à l'exercice de la profession ", y inclut par exception, au 2° du 2., les " bâtiments industriels dont la durée normale d'utilisation n'excède pas quinze années et dont la construction est achevée postérieurement à la date de la publication de la loi n° 62-873 du 31 juillet 1962 ".
3. D'autre part, le 3. de l'article 14 du règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014, auquel renvoie le V. de l'article 244 quater E du code général des impôts, prévoit que dans les " zones assistées " telles que la Corse, " les aides peuvent être octroyées aux PME pour un investissement initial, quelle qu'en soit la forme. " Le 49. de l'article 2 du règlement définit un investissement initial comme " tout investissement dans des actifs corporels et incorporels se rapportant à la création d'un établissement, à l'extension des capacités d'un établissement existant, à la diversification de la production d'un établissement vers des produits qu'il ne produisait pas auparavant ou à un changement fondamental de l'ensemble du processus de production d'un établissement existant ", ou comme " toute acquisition d'actifs appartenant à un établissement qui a fermé, ou aurait fermé sans cette acquisition, et qui est racheté par un investisseur non lié au vendeur, à l'exclusion de la simple acquisition des parts d'une entreprise ".
4. En premier lieu, la société AM Environnement, qui exerce une activité de transport, de collecte, de tri, de traitement, de revalorisation et de conditionnement des déchets en Corse, fait valoir qu'elle a fait construire sur son B..., en faisant notamment appel à la A..., un hangar destiné à accueillir un centre de tri des déchets industriels et banals, selon un calendrier et des modalités que les pièces du dossier ne permettent pas de déterminer avec précision. Ce hangar est composé d'une structure de poutres métalliques ancrées dans un sol en béton, d'une toiture en tôle, et de cloisons en parpaings, tôles et autres matériaux. Il résulte de l'instruction que la durée normale d'utilisation de ce hangar, qui constitue un investissement nouveau au sens du règlement n° 651/2014 du 17 juin 2014, excède quinze années. Par suite, cette construction n'ouvre pas droit à l'amortissement dégressif. Par ailleurs, la construction d'un bâtiment ne peut pas par elle-même relever des agencements et installations de locaux commerciaux au sens du a. du 3° de l'article 244 quater E du code général des impôts.
5. En deuxième lieu, la société AM Environnement produit de nombreuses factures qu'elle présente comme étant relatives à des agencements et installations du hangar en question, et plus généralement à son B.... Cependant, ces factures ne permettent pas, selon les cas, soit de rattacher ces dépenses au hangar nouvellement construit, soit de considérer qu'elles relèvent des agencements et installations de ce hangar, et non de sa construction elle-même, qui, ainsi qu'il a été dit, ne relève pas du a. du 3° de l'article 244 quater E du code général des impôts. En outre, et à supposer que ces factures soient toutes relatives au B..., il ne résulte pas de l'instruction qu'un investissement nouveau différent du hangar en question y ait été réalisé.
6. En dernier lieu, s'agissant des autres dépenses, relatives notamment à l'acquisition de véhicules et de machines en crédit-bail et de matériels industriels, il ne résulte pas davantage de l'instruction qu'elles se rapportent à un investissement nouveau au sens du règlement n° 651/2014 du 17 juin 2014. En outre, la facture Coparm d'un montant de 1 600 000 euros du 2 février 2016, rédigée dans un mélange d'italien, de français et d'anglais, comporte de nombreuses rubriques non renseignées, en particulier concernant les prix et quantités unitaires et la taxe sur la valeur ajoutée, et ne correspond pas aux factures émises et acquittées selon l'attestation établie le 3 février 2022 par le gérant de cette société.
7. Il n'est donc pas établi que les dépenses invoquées par la société AM Environnement entrent dans le champ de l'article 244 quater E du code général des impôts.
8. Il résulte de ce qui précède que la société AM Environnement n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande. Sa requête doit donc être rejetée, y compris ses conclusions relatives aux frais non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société AM Environnement est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société AM Environnement et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée pour information à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 5 septembre 2024, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente,
- M. Platillero, président-assesseur,
- M. Mérenne, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2024.
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No 22MA02441