Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 24 avril 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de
trente jours, et d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 2304630 du 12 juillet 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de Mme B... épouse A....
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 15 novembre 2023, Mme B... épouse A..., représentée par Me Vincensini, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2304630 du 12 juillet 2023 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler l'arrêté du 24 avril 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer, dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, une carte de séjour temporaire ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à son conseil, qui s'engage, dans ce cas, à renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle peut se prévaloir d'une vie privée et familiale suffisamment stable, ancienne et intense en France ;
- cette décision méconnaît également l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant au regard de la situation de son fils mineur, scolarisé depuis l'année 2017 en France ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en tant qu'elle fixe un délai de départ de trente jours dès lors que sa situation personnelle justifie qu'un délai supérieur lui soit accordé.
La requête de Mme B... épouse A... a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit d'observation.
Par décision du 27 octobre 2023, Mme B... épouse A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Par ordonnance du 5 avril 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 22 avril 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. Martin.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 24 avril 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté la demande de titre de séjour présentée par Mme B... épouse A..., ressortissante albanaise née le 8 janvier 1974, sur le fondement de la vie privée et familiale. Par ce même arrêté, le préfet lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... épouse A... relève appel du jugement du 12 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Et aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... épouse A..., entrée en France à l'âge de quarante-trois ans, accompagnée de son époux et de leurs quatre enfants au cours de l'année 2017, a vu sa demande d'asile rejetée par l'office français de protection des réfugiés et apatrides par décision du 30 novembre 2017, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 28 août 2018. En dépit d'une première mesure d'éloignement du 7 décembre 2018, Mme B... épouse A... soutient s'être maintenue continuellement sur le territoire français. Toutefois, l'intéressée n'établit pas l'effectivité de son intégration dans la société française par les seuls documents produits, lesquels, à l'exception d'une attestation du 25 octobre 2022 de la responsable de structure au sein de l'association " Les Restos du Cœur " démontrant son inscription aux opérations de distribution alimentaire, sont essentiellement constitués de quittances de loyers, de relevés de comptes bancaires, de cartes familiales d'admission à l'aide médicale d'Etat ou d'avis d'imposition. Si Mme B... épouse A... soutient vivre en France aux côtés de son époux, celui-ci se trouve également en situation irrégulière et a fait l'objet, de ce fait, d'une mesure analogue d'éloignement prise par le préfet des Bouches-du-Rhône le 24 avril 2023. L'intéressée a, par ailleurs, vécu la grande majorité de son existence dans son pays d'origine où vit toujours, notamment, l'un de ses fils, également débouté du droit d'asile en France et ayant fait l'objet d'une mesure d'éloignement au cours de
l'année 2019 selon les affirmations du préfet des Bouches-du-Rhône en première instance, non contredites. Il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier que la scolarité de son plus jeune fils, inscrit en classe de première bac-professionnel MSPC à la date de l'arrêté en litige, dont les résultats étaient certes qualifiés d'encourageants au titre du premier semestre de l'année scolaire 2022-2023, ne pourrait néanmoins se poursuivre dans le pays d'origine. Dans ces conditions, eu égard aux conditions et à la durée du séjour en France de Mme B... épouse A..., et en dépit de la circonstance que l'une des deux filles de la requérante s'est vue accorder le bénéfice de la protection subsidiaire par la Cour nationale du droit d'asile en raison de l'implication de la famille de son époux dans une vendetta, c'est sans méconnaître les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et pas davantage les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le préfet a décidé de lui refuser l'admission au séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".
5. L'arrêté attaqué n'a ni pour objet ni pour effet de séparer Mme B... épouse A... de son plus jeune fils, la cellule familiale pouvant, ainsi qu'il a été dit au point 3 ci-dessus, se reconstituer en Albanie, pays dont son époux, en situation irrégulière en France, est également ressortissant. En outre, aucun élément ne fait obstacle à ce que cet enfant poursuive sa scolarité dans ce pays. Dans ces conditions, par l'arrêté attaqué, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas méconnu l'intérêt supérieur de l'enfant, tel que protégé par le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
6. En troisième et dernier lieu, il convient d'écarter le moyen tiré de ce que la situation personnelle de Mme B... épouse A... aurait justifié qu'un délai de départ supérieur au délai de trente jours lui soit accordé, qui a été précédemment invoqué dans les mêmes termes devant les juges de première instance, par adoption des motifs, non critiqués, retenus par le tribunal administratif au point 6 de son jugement.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... épouse A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par suite, ses demandes d'annulation, d'injonction sous astreinte, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... épouse A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... épouse A..., à Me Vincensini et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 3 septembre 2024, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Martin, premier conseiller,
- M. Lombart premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 septembre 2024.
N° 23MA02695 2