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17/09/2024 | FRANCE | N°23MA02632

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 4ème chambre, 17 septembre 2024, 23MA02632


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " en tant que parent d'enfant français, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée à l'issue de ce délai, d'aut

re part, d'enjoindre audit préfet, à titre principal, de lui délivrer un certificat de r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " en tant que parent d'enfant français, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée à l'issue de ce délai, d'autre part, d'enjoindre audit préfet, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, et, enfin, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 2301764 du 25 mai 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 7 novembre 2023, Mme B..., représentée par Me Carmier, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 25 mai 2023 ;

2°) d'annuler cet arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 9 décembre 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, par application des dispositions des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, de lui délivrer un certificat de résidence, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil qui renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle conformément aux dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

Sur la recevabilité de la requête :

- sa requête n'est pas tardive et elle est donc recevable.

Sur l'irrégularité du jugement attaqué :

- ce jugement a été rendu en méconnaissance des dispositions de l'alinéa 2 de l'article R. 741-2 du code de justice administrative.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

- en ce qui concerne les moyens communs à l'arrêté pris dans son ensemble : le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;

- en ce qui concerne la légalité interne de la décision portant refus de séjour :

. cette décision est entachée d'erreurs de fait et de droit dès lors que son enfant est français en vertu des dispositions de l'article 21-12 du code civil ;

. elle a été prise en méconnaissance des stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

. elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

. en ne prenant pas en considération la réalité de la relation qui existe avec son fils, le tribunal administratif de Marseille a entaché son jugement d'une erreur manifeste d'appréciation ;

. cette décision a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant de New York ;

- en ce qui concerne la légalité interne de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

. cette décision est illégale dès lors qu'elle se fonde sur une décision portant refus de séjour elle-même illégale ;

. elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

. elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

. elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant de New York ;

- en ce qui concerne la légalité interne de la décision fixant le pays de destination :

. cette décision est illégale par voie exception, dès lors qu'elle se fonde sur une décision portant obligation de quitter le territoire elle-même illégale ;

. elle n'a plus aucune attache familiale en Algérie depuis son divorce.

La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire.

Par une ordonnance du 21 mai 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 juin 2024, à 12 heures.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille du 29 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Lombart a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Née le 12 février 1989 et de nationalité algérienne, Mme B... expose être entrée sur le territoire français en 2017 et s'y être maintenue continuellement depuis.

Le 28 décembre 2020, elle a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " en tant que parent d'enfant français, sur le fondement du 4) de

l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par un arrêté du 9 décembre 2022, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de faire droit à cette demande. Il lui a également fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée à l'issue de ce délai. Mme B... relève appel du jugement du 25 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant principalement à l'annulation de cet arrêté préfectoral.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué et la légalité de l'arrêté préfectoral contesté :

2. L'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990, stipule que : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. (...) ".

3. Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... est la mère d'un enfant né, à Marseille, le 14 juillet 2018. Cet enfant a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance (ASE) par une ordonnance du juge des enfants du 19 juillet 2018 aux motifs que Mme B... avait une attitude incohérente et parfois inadaptée dans ses rapports avec lui et que la santé et la sécurité de celui-ci, qui avait un traitement médical, imposaient de lui offrir un cadre éducatif adapté à ses besoins. Si cette mesure de placement a été reconduite et n'était au demeurant pas levée à la date d'édiction de l'arrêté préfectoral contesté, Mme B... s'est néanmoins vue accorder un droit de visite médiatisée dont, d'après les pièces versées aux débats, qui ne sont pas contestées en défense, elle a usé régulièrement. A cet égard, dans son ordonnance du 2 juin 2020, le juge des enfants, qui, dans sa précédente ordonnance du 23 avril 2023 avait noté que " Mme B... s'investie pleinement dans son rôle de mère ", observe que " Mme B... est toujours régulière auprès du service et ne rate aucune visite ou sortie médiatisée ". Ces pièces démontrent l'intensité et la qualité des relations que l'appelante entretient avec son fils. Dans ces conditions, Mme B... est fondée à soutenir que l'arrêté litigieux, qui lui refuse le droit au séjour et lui fait obligation de quitter le territoire français, alors même que son enfant fait l'objet d'une mesure de placement, affecte de manière directe et certaine la situation personnelle de celui-ci et, partant, méconnaît les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, dont celui tiré de l'irrégularité du jugement attaqué, Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 9 décembre 2022. Il y a dès lors lieu d'annuler tant ce jugement que cet arrêté.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. (...) ".

7. Compte tenu du motif qui la fonde, l'annulation de l'arrêté préfectoral contesté implique nécessairement, sous réserve d'un changement de circonstances de droit ou de fait, qu'un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " soit délivré à Mme B.... Il y a dès lors lieu d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

8. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Carmier, avocat de l'appelante la somme de 2 000 euros, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2301764 du tribunal administratif de Marseille du 25 mai 2023 et l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 9 décembre 2022 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à Mme B... un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Carmier, avocat de Mme B..., une somme de 2 000 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Sylvain Carmier et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille.

Délibéré après l'audience du 3 septembre 2024, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Martin, premier conseiller,

- M. Lombart, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 septembre 2024.

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No 23MA02632

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA02632
Date de la décision : 17/09/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Laurent LOMBART
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : CARMIER

Origine de la décision
Date de l'import : 22/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-17;23ma02632 ?
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