Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 2 novembre 2021 par laquelle la présidente du conseil départemental des Bouches-du-Rhône a suspendu son agrément d'assistante maternelle pour une durée de quatre mois.
Par un jugement n° 2110893 du 12 juillet 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 8 septembre 2023, Mme A..., représentée par Me Benita-Duponchelle, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 12 juillet 2023 ;
2°) d'annuler cette décision de la présidente du conseil départemental des Bouches-du-Rhône du 2 novembre 2021.
Elle soutient que :
- la décision contestée est dépourvue de motivation, en méconnaissance des dispositions des articles L. 211-2 et suivants du code des relations entre le public et l'administration, et de celles de l'article L. 421-6 du code de l'action sociale et des familles ;
- le principe du contradictoire n'a pas été respecté en méconnaissance des dispositions des articles L. 122-1 et L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration ;
- la procédure exigée par les dispositions de l'article R. 421-23 du code de l'action sociale et des familles n'a pas été respectée ;
- chaque accusation portée à son encontre est fausse et la décision contestée est entachée d'une erreur d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mai 2024, le département des Bouches-du-Rhône, représenté par Me Mendes Constante, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 13 mai 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 juin 2024, à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lombart,
- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,
- et les observations de Me Bezol, substituant Me Mendes Constante, représentant le département des Bouches-du-Rhône.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., titulaire d'un agrément d'assistante maternelle lui permettant, en dernier lieu, d'accueillir quatre enfants à son domicile (trois enfants à la journée et un enfant en périscolaire), a fait l'objet, par une décision de la présidente du conseil départemental des Bouches-du-Rhône du 2 novembre 2021, d'une suspension de son agrément pour une durée maximale de quatre mois à la suite d'une visite de contrôle, le 28 octobre 2021, par deux inspectrices du service Protection maternelle, infantile et de la santé publique (PMI). Par la présente requête, Mme A... relève appel du jugement du 12 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant principalement à l'annulation de cette décision.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la légalité externe de la décision contestée :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques (...) ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° (...) constituent une mesure de police (...) ". En outre, selon l'article L. 421-6 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction applicable au présent litige : " (...) Toute décision de retrait de l'agrément, de suspension de l'agrément ou de modification de son contenu doit être dûment motivée (...) ".
3. En l'espèce, dans sa décision contestée du 2 novembre 2021, la présidente du conseil départemental des Bouches-du-Rhône vise notamment les articles L. 421-3 et L. 421-6 du code de l'action sociale et des familles, dont elle cite des extraits. Après avoir rappelé que Mme A... bénéficiait d'un agrément d'assistante maternelle depuis le 5 mai 1998, elle lui indique les faits " graves " qui lui sont reprochés à savoir, d'une part, que son logement ne présente plus de conditions favorables à l'accueil de quatre enfants dès lors que l'espace y est réduit compte tenu du retour de l'un de ses enfants, qu'il est désordonné et que les mesures de sécurité ne sont plus respectées (absence d'entrebâilleurs, médicaments à portée des mains des enfants), d'autre part, qu'en l'absence d'espace de sommeil, un enfant dort dans une poussette et, enfin, qu'elle a des attitudes inadaptées vis-à-vis des enfants dont elle a la garde. Cette décision comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté comme manquant en fait.
4. En deuxième lieu, il résulte des articles L. 421-6 et L. 423-8 du code de l'action sociale et des familles que le législateur a entendu, par ces dispositions, déterminer entièrement les règles de procédure auxquelles sont soumises les mesures de suspension de l'agrément des assistants maternels, qui s'inscrivent dans le cadre de la modification ou du retrait éventuel de cet agrément, soumis à une procédure contradictoire préalable précisée à l'article R. 421-23 du même code. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de la procédure prévue par les articles L. 122-1 et L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration ne saurait utilement être invoqué à l'encontre d'une telle mesure. Ce moyen doit ainsi être écarté comme inopérant.
5. En troisième et dernier lieu, la décision par laquelle l'autorité administrative prononce la suspension de l'agrément d'un assistant maternel ou familial constitue une mesure provisoire prise dans l'intérêt des enfants accueillis, destinée à permettre de sauvegarder la santé, la sécurité et le bien-être de ces derniers, durant les délais nécessaires notamment à la consultation de la commission consultative paritaire départementale et au respect du caractère contradictoire de la procédure, en vue, le cas échéant, d'une mesure de retrait ou de modification du contenu de l'agrément. Le législateur a ainsi entendu, par l'article L. 421-6, déterminer entièrement les règles de procédure auxquelles sont soumises ces mesures de suspension de l'agrément des assistants maternels ou familiaux, qui s'inscrivent dans le cadre de la modification ou du retrait éventuel de cet agrément, soumis à une procédure contradictoire préalable précisée à l'article R. 421-23 du même code. Dès lors, une mesure de suspension d'agrément, compte tenu de son caractère conservatoire et de l'urgence qui s'y attache, n'a pas à être elle-même précédée d'une procédure contradictoire. Par suite, doit être écarté comme inopérant le moyen tiré de ce que la décision du 2 novembre 2021 portant suspension de l'agrément de Mme A..., pour une durée de quatre mois, n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire.
En ce qui concerne la légalité interne de la décision contestée :
6. Aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'action sociale et des familles : " L'assistant maternel est la personne qui, moyennant rémunération, accueille habituellement et de façon non permanente des mineurs à son domicile (...) ". Aux termes de l'article L. 421-3 de ce code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " L'agrément nécessaire pour exercer la profession d'assistant maternel (...) est délivré par le président du conseil départemental du département où le demandeur réside. (...) / L'agrément est accordé (...) si les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des mineurs et majeurs de moins de vingt et un ans accueillis, en tenant compte des aptitudes éducatives de la personne, et, pour l'assistant maternel uniquement, si celui-ci autorise la publication de son identité et de ses coordonnées, dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat strictement nécessaires à la connaissance par les familles de la localisation des professionnels et à leur mise en relation avec eux, par les organismes chargés d'une mission de service public mentionnés par arrêté des ministres chargés de la famille et de la sécurité sociale. (...) ". L'article R. 421-3 du même code, précise, dans sa rédaction applicable au présent litige, que : " Pour obtenir l'agrément d'assistant maternel ou d'assistant familial, le candidat doit : / 1° Présenter les garanties nécessaires pour accueillir des mineurs dans des conditions propres à assurer leur développement physique, intellectuel et affectif ; / (...) / 3° Disposer d'un logement dont l'état, les dimensions, les conditions d'accès et l'environnement permettent d'assurer le bien-être et la sécurité des mineurs compte tenu du nombre et, s'agissant d'un candidat à l'agrément d'assistant maternel, de l'âge de ceux pour lesquels l'agrément est demandé. " Enfin, selon l'article L. 421-6 dudit code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " (...) Si les conditions de l'agrément cessent d'être remplies, le président du conseil départemental peut, après avis d'une commission consultative paritaire départementale, modifier le contenu de l'agrément ou procéder à son retrait. En cas d'urgence, le président du conseil départemental peut suspendre l'agrément. Tant que l'agrément reste suspendu, aucun enfant ne peut être confié. (...) ".
7. Il résulte de ces dispositions qu'il incombe au président du conseil départemental de s'assurer que les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des enfants accueillis. Dans l'hypothèse où il est informé de suspicions de comportements susceptibles de compromettre la santé, la sécurité ou l'épanouissement d'un enfant, de la part du bénéficiaire de l'agrément ou de son entourage, il lui appartient, dans l'intérêt qui s'attache à la protection de l'enfance, de tenir compte de tous les éléments portés à la connaissance des services compétents du département ou recueillis par eux. Il peut procéder à la suspension de l'agrément lorsque ces éléments revêtent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité et révèlent une situation d'urgence, ce dont il lui appartient, le cas échéant, de justifier en cas de contestation de cette mesure de suspension devant le juge administratif, sans que puisse y faire obstacle la circonstance qu'une procédure pénale serait engagée, à laquelle s'appliquent les dispositions de l'article 11 du code de procédure pénale.
8. En l'espèce, ainsi qu'il a été dit ci-dessus au point 3 du présent arrêt, la décision du 2 novembre 2021 suspendant l'agrément d'assistante maternelle de Mme A... est fondée sur l'inadaptation de son logement pour assurer l'accueil dans des conditions favorables de quatre enfants, du désordre dans ce logement, du non-respect de plusieurs règles de sécurité ainsi que d'attitudes inadaptées de sa part vis-à-vis des enfants accueillis. Or, pour contester la matérialité de ces griefs, Mme A... reprend l'argumentation qu'elle avait tenue devant le tribunal administratif de Marseille sans apporter d'éléments nouveaux de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par les premiers juges aux points 7 à 9 de leur jugement attaqué qu'il convient d'adopter. Dans ces conditions, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'inexactitude matérielle de ces griefs et de l'inexacte application des dispositions de l'article L. 421-6 du code de l'action sociale et des familles.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 2 novembre 2021 par laquelle la présidente du conseil départemental des Bouches-du-Rhône a suspendu son agrément d'assistante maternelle pour une durée de quatre mois.
Sur les frais liés au litige :
10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
11. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, sur le fondement de ces dispositions, de mettre à la charge de Mme A... une somme de 1 000 euros à verser au département des Bouches-du-Rhône.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Mme A... versera une somme de 1 000 euros au département des Bouches-du-Rhône au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... épouse A... et au département des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 3 septembre 2024, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Martin, premier conseiller,
- M. Lombart, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 septembre 2024.
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No 23MA02350
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