Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SCI Anghjulina a demandé au tribunal administratif de Bastia, d'une part, d'annuler la décision du 4 mars 2021 par laquelle le maire de Biguglia a statué sur sa demande de certificat d'urbanisme n° CU 02B 037 20 N 0099 portant sur un terrain situé dans le lotissement Bevinco (lot n° 208), sur la parcelle cadastrée section D n° 1133, et, d'autre part, d'enjoindre à la commune de Biguglia, dans le délai d'un mois suivant la notification du jugement, de lui délivrer un certificat d'urbanisme opérationnel mentionnant que la réalisation d'une maison individuelle est possible sur sa parcelle, ou, à défaut, de procéder à une nouvelle instruction de sa demande de certificat d'urbanisme.
Par un jugement n° 2100530 du 7 juillet 2023, le tribunal administratif de Bastia a annulé la décision du 4 mars 2021 et enjoint au maire de Biguglia de délivrer à la SCI Anghjulina un certificat d'urbanisme opérationnel dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 7 septembre 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires demande à la Cour d'annuler le jugement n° 2100530 du 7 juillet 2023 du tribunal administratif de Bastia.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal a omis de répondre au moyen, qui n'était pas inopérant, soulevé par la société intimée, selon lequel le signataire du certificat d'urbanisme n'avait pas reçu délégation de signature du maire à cette fin, et que c'est en raison d'une analyse erronée du moyen que le tribunal a omis d'y répondre ;
- le jugement est entaché d'une erreur de droit dès lors que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, c'est bien au nom de la commune et non au nom de l'Etat que le certificat d'urbanisme en litige a été délivré.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 avril 2024, la SCI Anghjulina, représentée par Me Poli, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- l'appelant ne justifie d'aucun intérêt à agir ;
- subsidiairement, les moyens d'appel soulevés par le ministre ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mai 2024, la commune de Biguglia, représentée par Me Peres, conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.
Un courrier du 15 avril 2024, adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code.
Par une ordonnance du 3 juin 2024, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Martin,
- et les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La SCI Anghjulina a déposé le 20 novembre 2020 en mairie de Biguglia une demande de certificat d'urbanisme opérationnel, enregistrée sous le n° CU 02B 037 20 N 0099, portant sur un projet situé sur la parcelle cadastrée section D n° 1133. Par décision du 4 mars 2021, le maire de la commune a émis un certificat d'urbanisme négatif indiquant, notamment, que le terrain étant situé en zone B0 du plan de prévention du risque incendies de forêt, toute nouvelle construction à usage d'habitation y était interdite. Par jugement n° 2100530 du 7 juillet 2023, le tribunal administratif de Bastia a annulé la décision du 4 mars 2021 et enjoint au maire de Biguglia de délivrer à la SCI Anghjulina un certificat d'urbanisme opérationnel dans un délai de deux mois. Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires relève appel de ce jugement dans la présente instance.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier ". En application de ces dispositions, il appartient au juge, saisi d'une demande tendant à l'annulation ou au retrait d'une autorisation d'urbanisme, de se prononcer sur les différents motifs d'annulation retenus.
En revanche, le juge n'est pas tenu de rejeter expressément les moyens qu'il n'estime pas susceptibles de fonder l'annulation de la décision contestée.
3. Il ressort des termes du jugement attaqué, qui vise, notamment, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte attaqué, que les premiers juges se sont prononcés, dans ce litige relatif à une autorisation d'urbanisme, d'une manière explicite sur le moyen d'annulation retenu, tiré de ce que le classement de la parcelle de la SCI Anghjulina en secteur B0 à risque sévère d'incendie est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, de sorte que le maire ne pouvait légalement se fonder sur les dispositions du plan de prévention des risques d'incendie de forêt ayant procédé à ce classement pour prendre la décision en litige. Ils ont ensuite expressément indiqué, au point 7 du jugement attaqué, qu'en application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen de la requête de la SCI Anghjulina n'était susceptible d'être retenu pour faire droit à sa demande d'annulation. Par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait omis de statuer sur le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte en raison de l'absence de délégation de signature consentie par le maire ne peut qu'être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Dans ses écritures en appel, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires se borne à soutenir que le jugement qu'il conteste est entaché d'une erreur de droit en ce qu'il a retenu que le certificat d'urbanisme attaqué a été signé par le maire au nom de l'Etat, alors qu'en application des dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'urbanisme, cet acte a été pris par le maire au nom de la commune. Toutefois, en se bornant à procéder à une telle affirmation, le ministre ne critique pas le seul motif retenu par les premiers juges pour annuler la décision en litige, tiré de ce que le classement du terrain du projet en zone B0 du plan de prévention du risque incendies de forêt est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, et dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait erroné.
5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que la requête d'appel du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ne peut qu'être rejetée.
Sur les frais liés au litige :
6. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. (...). ".
7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à la SCI Anghjulina au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera une somme de 2 000 euros à la SCI Anghjulina en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, à la commune de Biguglia et à la SCI Anghjulina.
Délibéré après l'audience du 3 septembre 2024, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Martin, premier conseiller,
- M. Lombart, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition du greffe, le 17 septembre 2024.
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N° 23MA02320