Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler la décision du 26 décembre 2019 par laquelle le président de la métropole Nice Côte d'Azur a rejeté sa demande tendant à considérer comme public le point eau incendie (PEI) sis 194 Chemin Lou Plan à Carros, référencé n° 338, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux notifié le 24 février 2020, d'autre part, d'annuler la décision du 5 août 2020 par laquelle le président de la métropole Nice Côte d'Azur a expressément rejeté son recours gracieux, et, enfin, d'enjoindre à la métropole Nice Côte d'Azur de référencer le point d'eau incendie en cause comme relevant du service public de la défense extérieure contre l'incendie.
Par un jugement n° 2003773 du 1er juin 2023, le tribunal administratif de Nice a annulé les décisions des 26 décembre 2019 et 5 août 2020 et enjoint à la métropole Nice Côte d'Azur, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, de référencer le point eau incendie n° 333 (338), situé 194 Chemin Lou Plan à Carros, parmi les points eau incendie publics de la commune de Carros.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 26 juillet 2023 et le 28 mars 2024, la métropole Nice Côte d'Azur, représentée par la SELARL Landot et associés, demande à la Cour d'annuler le jugement n° 2003773 du 1er juin 2023 du tribunal administratif de Nice et de mettre à la charge de M. A... la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête d'appel est recevable ;
- le jugement attaqué, qui se borne à mentionner des visas sans pour autant détailler précisément les articles sur lesquels il se fonde, est entaché d'irrégularité au regard des dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;
- elle a justifié en première instance de ce que les décisions des 26 décembre 2019 et 5 août 2020 ont été signées par des autorités titulaires d'une délégation de signature qui visent spécifiquement les problématiques liées aux réseaux ;
- le point eau incendie litigieux constitue un équipement propre destiné à assurer la défense de l'ensemble immobilier édifié par la SCI Carros Emigra Nord, sur le fondement de permis de construire imposant l'installation de poteaux d'incendie, au sens de l'article L. 332-15 du code de l'urbanisme ; par conséquent, il s'agit d'un équipement privé qui ne peut faire l'objet d'un classement dans le réseau public de défense extérieure contre l'incendie ;
- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif de Nice, il n'existe aucune carence du réseau public de défense extérieure contre l'incendie, de sorte que les dispositions du paragraphe 3.2 du règlement départemental n'étaient pas applicables ;
- à titre subsidiaire, à considérer que l'installation du point eau incendie litigieux constituerait une extension du réseau public de défense extérieure contre l'incendie, cette extension ne peut être intégrée dans le réseau public qu'avec l'accord de l'autorité responsable, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;
- enfin, si le paragraphe 3.1 du règlement départemental prévoit que des points eau incendie publics peuvent être financés par des tiers, notamment dans le cadre d'un projet urbain partenarial, le point eau incendie en litige n'a pas fait l'objet d'un financement dans le cadre de la convention conclue par la SCI Carros Emigra Nord, l'Etat, la métropole Nice Côte d'Azur et la commune de Carros.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 8 mars 2024 et 9 avril 2024, M. A..., représenté par Me Willm, conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint à la métropole Nice Côte d'Azur, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir, de référencer le point eau incendie n° 333 (338) parmi les points eau incendie publics de la commune de Carros, et ce, sous astreinte de 200 euros par jour de retard qui commencera à courir dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir et qui sera liquidée directement à son profit, et à ce que soit mis à la charge de la métropole Nice Côte d'Azur le versement de la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- la requête est irrecevable, faute pour la métropole de produire une autorisation pour son président d'introduire une requête en appel ;
- les moyens d'appel soulevés par la métropole Nice Côte d'Azur ne sont pas fondés.
Un courrier du 12 avril 2024, adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code.
Par une ordonnance du 11 juin 2024, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- l'arrêté NOR : INTE1522200A du 15 décembre 2015 fixant le référentiel national de la défense extérieure contre l'incendie ;
- le règlement départemental de défense extérieure contre l'incendie des Alpes-Maritimes entré en vigueur le 21 décembre 2018 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Martin,
- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,
- et les observations de Me Baumgartner, substituant Me Landot, représentant la métropole Nice Côte d'Azur.
Considérant ce qui suit :
1. Par une demande formulée conjointement le 1er juin 2019 avec le président de l'association syndicale libre Les Vergers des Pesquiers, M. A..., qui réside au n° 65 du chemin Lou Plan sur le territoire de la commune de Carros, a sollicité de la métropole Nice Côte d'Azur qu'elle procède à l'intégration et au référencement, au titre du service public de défense extérieure contre l'incendie, de deux poteaux d'incendie, dont celui référencé au titre des points eau incendie (PEI) sous le n° 333 ou 338, situé 194 Chemin Lou Plan à Carros. La métropole ayant rejeté cette demande, ainsi que le recours gracieux formé par M. A..., celui-ci a saisi le tribunal administratif de Nice d'une demande tendant à l'annulation de ces décisions en tant qu'elles portent sur le point eau incendie n° 333 ou 338. Par la présente requête, la métropole Nice Côte d'Azur relève appel du jugement du 1er juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Nice a annulé ces décisions et lui a enjoint de référencer le PEI n° 333 (338) parmi les PEI publics de la commune de Carros.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient (...) les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) ".
3. Il résulte du jugement attaqué que ce dernier comporte dans ses visas ainsi que ses motifs la mention précise des dispositions législatives ou réglementaires dont il fait application. Dès lors, ce jugement n'est pas entaché d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. D'une part, aux termes de l'article L. 2225-2 du code général des collectivités territoriales : " Les communes sont chargées du service public de défense extérieure contre l'incendie et sont compétentes à ce titre pour la création, l'aménagement et la gestion des points d'eau nécessaires à l'alimentation en eau des moyens des services d'incendie et de secours. Elles peuvent également intervenir en amont de ces points d'eau pour garantir leur approvisionnement. ". En application du I de l'article L. 5217-2 du même code, la compétence relative au service public de défense extérieure contre l'incendie a été transférée de plein droit à la métropole Nice Côte d'Azur.
5. D'autre part, l'article R. 2225-1 du code général des collectivités territoriales dispose que : " Les points d'eau incendie sont constitués d'ouvrages publics ou privés utilisables en permanence par les services d'incendie et de secours. " L'article R. 2225-2 du même code dispose que : " Un référentiel national définit les principes de conception et d'organisation de la défense extérieure contre l'incendie et les dispositions générales relatives à l'implantation et à l'utilisation des points d'eau incendie. / Il traite notamment : / 1° Des différentes modalités de création, d'aménagement, de gestion et d'accessibilité des points d'eau incendie identifiés ;
/ 2° Des caractéristiques techniques des points d'eau incendie ainsi que des modalités de leur signalisation ; / 3° Des conditions de mise en service et de maintien en condition opérationnelle de ces points d'eau incendie ; / 4° De l'objet des contrôles techniques, des actions de maintenance et des reconnaissances opérationnelles ; (...) ". Selon le chapitre 4 du référentiel national de la défense extérieure contre l'incendie (DECI), approuvé par arrêté ministériel du 15 décembre 2015, le service public de DECI porte principalement sur la création, la maintenance ou l'entretien, l'apposition de signalisation, le remplacement, l'organisation des contrôles techniques des points eau incendie, parmi lesquels figurent, notamment, les poteaux incendie. En outre, selon le point 4.3 du référentiel : " Le service public de la DECI est réalisé dans l'intérêt général. Il est financé par l'impôt. Ce financement public couvre la création, l'approvisionnement en eau, la maintenance ou le remplacement des point eau incendie. / Dans la majorité des situations locales, les point eau incendie appartiennent à ce service public. / Exceptionnellement, des tiers, personnes publiques ou personnes privées peuvent participer à la DECI. Cette participation prend des formes variées. Ces formes peuvent être liées à des usages locaux qui (...) doivent être maintenus et, au mieux mentionnés dans le règlement départemental de DECI (...) ". Ce même référentiel précise en outre que des situations locales d'usage ou de droit peuvent inciter les communes et les établissements publics de coopération intercommunale à assimiler aux points eau incendie publics des points eau incendie qui n'appartiennent pas clairement à la commune ou à l'établissement public de coopération intercommunale.
6. Enfin, aux termes du I de l'article R. 2225-3 du code général des collectivités territoriales : " Un règlement départemental fixe pour chaque département les règles, dispositifs et procédures de défense extérieure contre l'incendie. / Ce règlement a notamment pour objet de : / (...) 5° Fixer les modalités d'exécution et la périodicité des contrôles techniques, des actions de maintenance et des reconnaissances opérationnelles des points d'eau incendie ; (...) ". L'article R. 2225-7 du même code dispose que : " I. - Relèvent du service public de défense extérieure contre l'incendie (...) : / 1° Les travaux nécessaires à la création et à l'aménagement des points d'eau incendie identifiés ; / 2° L'accessibilité, la numérotation et la signalisation de ces points d'eau ; / 3° En amont de ceux-ci, la réalisation d'ouvrages, aménagements et travaux nécessaires pour garantir la pérennité et le volume de leur approvisionnement ; / 4° Toute mesure nécessaire à leur gestion ; / 5° Les actions de maintenance destinées à préserver les capacités opérationnelles des points d'eau incendie. /
II. - Par dérogation au I, les charges afférentes aux différents objets du service sont supportées, pour tout ou partie, par d'autres personnes publiques ou des personnes privées en application des lois et règlements relatifs à la sécurité ou aux équipements publics, notamment pour les établissements recevant du public mentionnés aux articles L. 123-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation ainsi que pour les points d'eau incendie propres aux installations classées pour la protection de l'environnement prévues aux articles L. 511-1 et L. 511-2 du code de l'environnement. / III. - En dehors des cas mentionnés au II, la mise à disposition du service public de la défense extérieure contre l'incendie d'un point d'eau pour l'intégrer aux points d'eau incendie fait l'objet d'une convention conclue entre le propriétaire du point d'eau et la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale. (...) ". Aux termes de l'article 3 du règlement départemental de défense extérieure contre l'incendie des Alpes-Maritimes :
" La qualification de PEI privé ou de PEI public n'est pas systématiquement liée : à sa localisation : un PEI public peut être localisé sur un terrain privé, / à son propriétaire : des ouvrages privés peuvent être intégrés aux PEI publics sans perdre la qualification de leur propriété. Ils sont pris en charge par le service public de la DECI pour ce qui relève de l'utilisation de ce point d'eau à cette fin. ". L'article 3.1. de ce règlement, relatif aux PEI couvrant des besoins propres, prévoit notamment que : " Les PEI propres de certains ensembles immobiliers (...) / lotissements (habitations) ; / les copropriétés horizontales ou verticales (...) ont la qualité de PEI privés. Leur maintenance et la charge de leur contrôle sont supportées par les propriétaires sauf convention contraire passée avec le maire ou le président de l'EPCI (...) ". Enfin, aux termes du point 3.2 du même règlement, relatif aux PEI pour carence du réseau public : " (...) L'insuffisance du réseau public peut aussi conduire à son extension du fait du pétitionnaire dans une procédure d'urbanisme. L'opération consiste alors à prolonger le réseau existant et implanter un P.E.I., aux frais du pétitionnaire, en accord avec la commune et le concessionnaire le cas échéant. / Le P.E.I. mis en place selon les modalités définies à cet effet, constitue une extension du réseau public et doit demeurer réservé à cet usage exclusif, dans le cadre de l'intérêt général. Il est rétrocédé à cette fin. ".
7. Il ressort des pièces du dossier que le point eau incendie situé 194 Chemin Lou Plan à Carros a été implanté et financé par la SCI Carros Emigra Nord en exécution du permis de construire qui lui a été délivré par arrêté du maire de la commune de Carros, pris au nom de l'Etat le 16 janvier 2019, en vue de l'édification de quatre bâtiments portant création de trente-deux logements, conformément aux prescriptions formulées par le service départemental d'incendie et de secours des Alpes-Maritimes le 26 décembre 2018. Par ailleurs, et ainsi que l'ont relevé les premiers juges, des refus de permis de construire en date des 6 octobre 2016 et 6 juillet 2017 ont été opposés par l'autorité compétente s'agissant de projets également situés Chemin Lou Plan à Carros, à proximité du terrain d'assiette du projet de la SCI Carros Emigra Nord, en l'absence de défense incendie normalisée à moins de 200 mètres par voie carrossable. Dans ces conditions, si, ainsi que le soutient la métropole, le point eau incendie dont il est question dans la présente instance a été réalisé pour assurer la défense des bâtiments projetés par la SCI Carros Emigra Nord, cet ouvrage, bien que financé par celle-ci et ayant pour objet d'assurer la protection du bâtiment dont l'édification a été autorisée, doit néanmoins être regardé comme procédant d'une extension du réseau public existant dont il est établi par les pièces du dossier qu'il était insuffisant au sens du point 3.2 du règlement départemental de la défense extérieure contre l'incendie des Alpes-Maritimes. Dès lors, en application de ces mêmes dispositions, il devait être rétrocédé à l'autorité compétente en matière de défense extérieure contre l'incendie, cette rétrocession n'étant nullement conditionnée à l'accord de la commune ou du concessionnaire, et pas davantage à celui de la métropole, lequel intervient uniquement au stade de la prolongation du réseau existant dans le cadre d'une autorisation d'urbanisme.
8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que la métropole Nice Côte d'Azur n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a annulé les décisions du 26 décembre 2019 et du 5 août 2020 par lesquelles le président de la métropole Nice Côte d'Azur a rejeté la demande de M. A... tendant à considérer comme public le PEI sis 194 Chemin Lou Plan à Carros, et expressément rejeté son recours gracieux. Par suite, ses conclusions aux fins d'annulation de ce jugement doivent être rejetées.
Sur les conclusions à fin d'injonction de M. A... :
9. Le tribunal administratif a enjoint à la métropole Nice Côte d'Azur, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, de référencer le point eau incendie n° 333 (338), situé 194 Chemin Lou Plan à Carros, parmi les points eau incendie publics de la commune de Carros. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande de M. A... du prononcé d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. (...). ".
11. M. A... n'étant pas la partie perdante, les conclusions présentées par la métropole Nice Côte d'Azur en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la métropole Nice Côte d'Azur une somme de 2 000 euros à verser à M. A... au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la métropole Nice Côte d'Azur est rejetée.
Article 2 : La métropole Nice Côte d'Azur versera une somme de 2 000 euros à M. A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la métropole Nice Côte d'Azur et à M. B... A....
Délibéré après l'audience du 3 septembre 2024, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Martin, premier conseiller,
- M. Lombart, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition du greffe, le 17 septembre 2024.
N° 23MA01942 2