Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 29 décembre 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2304619 du 13 juillet 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 12 janvier 2024 sous le n° 24MA00082, M. A..., représenté par Me Bruggiamosca, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 13 juillet 2023 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler l'arrêté du 29 décembre 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sous astreinte de 100 euros par jour de retard dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande et de lui délivrer dans l'attente un récépissé assorti d'une autorisation de travail dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil, lequel renonce à percevoir le cas échéant, la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que le tribunal n'a visé ni même communiqué ses pièces produites le 22 juin 2023 ;
s'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle et d'une erreur de fait dès lors que le préfet s'est mépris sur sa nationalité en estimant qu'il était turc ;
- la décision contestée viole l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît l'article 2 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
s'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle est entachée d'une erreur de fait ;
- elle viole l'article 3 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 novembre 2023.
La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné Mme Aurélia Vincent, présidente assesseure, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marchessaux ;
- et les observations de Me Bruggiamosca, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., né le 16 décembre 1969 et de nationalité arménienne, déclare être entré en France le 6 avril 2000. Il a bénéficié d'un titre de séjour mention " étranger malade " valable du 22 juillet 2021 au 21 juillet 2022. Par un arrêté du 29 décembre 2022, le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 13 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 29 décembre 2022.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. / Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. ".
3. Alors qu'il est constant que M. A..., qui a produit un passeport arménien dont il n'est pas allégué qu'il serait un faux, est de nationalité arménienne, il résulte de la lecture même de l'arrêté contesté du 29 décembre 2022 que le préfet des Bouches-du-Rhône s'est mépris sur la nationalité de l'intéressé qu'il a estimé de nationalité turque. Il suit de là que la demande présentée par M. A... en qualité d'étranger malade, qui impliquait que soit examinée l'offre de soins dans son pays d'origine, soit en Arménie et non en Turquie, n'a pas fait l'objet d'un examen suffisamment attentif.
4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué et de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 décembre 2022.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
5. Le présent arrêt implique nécessairement qu'il soit procédé par le préfet des Bouches-du-Rhône au réexamen de la demande de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et qu'il lui soit délivré, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
6. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Bruggiamosca, avocate de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Bruggiamosca, de la somme de 1 500 euros.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 13 juillet 2023 et l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 29 décembre 2022 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder au réexamen de la demande de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à Me Bruggiamosca une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Bruggiamosca renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Bruggiamosca et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au procureur de la république près le tribunal judiciaire de Marseille.
Délibéré après l'audience du 28 juin 2024, où siégeaient :
- Mme Vincent, présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Marchessaux, première conseillère,
- Mme Poullain, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 juillet 2024.
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N° 24MA00082
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