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16/07/2024 | FRANCE | N°24MA00440

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 4ème chambre, 16 juillet 2024, 24MA00440


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 13 janvier 2022 par laquelle le directeur interrégional de la protection judiciaire de la jeunesse sud-est a rejeté sa demande d'attribution de la nouvelle bonification indiciaire à compter du 1er septembre 2021.



Par un jugement n° 2201883 du 22 décembre 2023, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du 13 janvier 2022 et enjoint au garde des sceaux,

ministre de la justice, d'attribuer le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire à Mme B...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 13 janvier 2022 par laquelle le directeur interrégional de la protection judiciaire de la jeunesse sud-est a rejeté sa demande d'attribution de la nouvelle bonification indiciaire à compter du 1er septembre 2021.

Par un jugement n° 2201883 du 22 décembre 2023, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du 13 janvier 2022 et enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice, d'attribuer le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire à Mme B... à compter du 1er septembre 2019 et de lui verser les sommes correspondantes, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 février 2024, le garde des sceaux, ministre de la justice, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2201883 du 22 décembre 2023 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de rejeter la demande de première instance de Mme B....

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularités dès lors que les premiers juges n'ont pas invité Mme B... à régulariser sa requête en produisant la décision attaquée du 13 janvier 2022 et que les premiers juges ont méconnu le principe du contradictoire ainsi que l'étendue de leur pouvoir juridictionnel en annulant une décision qui ne lui a pas été communiquée et dont l'existence même est affectée d'un doute sérieux ;

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, Mme B... n'établit pas exercer son activité de psychologue sur un territoire couvert par un contrat local de sécurité ;

- Mme B... ne remplit aucune des conditions fixées par le décret n° 2001-1061 du 14 novembre 2001 et son annexe pour obtenir le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 avril 2024, Mme B..., représentée par Me Wathle, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 17 mai 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 juin 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 91-73 du 18 janvier 1991 ;

- le décret n° 2001-1061 du 14 novembre 2001 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Revert, président assesseur, pour présider la formation de jugement de la 4ème chambre, en application des dispositions de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Martin,

- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,

- et les observations de Me Wathle, représentant Mme B....

Une note en délibéré présentée par Me Wathle, pour Mme B..., a été enregistrée le 4 juillet 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... est affectée depuis le 1er septembre 2019 au sein de de l'unité éducative en milieu ouvert (UEMO) d'Arles, où elle exerce les fonctions de psychologue. Par courrier du 28 octobre 2021, elle a sollicité au directeur interrégional de la protection judiciaire de la jeunesse sud-est le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire (NBI) à compter du 1er septembre 2021. Par lettre du 13 janvier 2022, cette demande a été rejetée, au motif que l'unité d'affectation de Mme B... n'est pas située dans un quartier prioritaire de la politique de la ville, condition fixée par le 2 de l'annexe au décret du 14 novembre 2001 relatif à la nouvelle bonification indiciaire au titre de la mise en œuvre de la politique de la ville dans les services du ministère de la justice. Saisi par Mme B..., le tribunal administratif de Marseille, par jugement du 22 décembre 2023 dont le garde des sceaux, ministre de la justice relève appel, a annulé la décision du 13 janvier 2022 du directeur interrégional de la protection judiciaire de la jeunesse sud-est, après avoir estimé que l'intéressée remplissait les conditions fixées par le 3 de cette même annexe, à savoir l'exercice de son activité professionnelle sur un territoire intégralement couvert par un contrat local de sécurité.

Sur le bien-fondé du motif d'annulation retenu par le jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. Les indemnités peuvent tenir compte des fonctions et des résultats professionnels des agents ainsi que des résultats collectifs des services (...) ". Aux termes de l'article 27 de la loi du 18 janvier 1991 portant dispositions relatives à la santé publique et aux assurances sociales : " La nouvelle bonification indiciaire des fonctionnaires et des militaires instituée à compter du 1er août 1990 est attribuée pour certains emplois comportant une responsabilité ou une technicité particulières dans des conditions fixées par décret. ". Aux termes de l'article 1er du décret du 14 novembre 2001 relatif à la nouvelle bonification indiciaire au titre de la mise en œuvre de la politique de la ville dans les services du ministère de la justice : " Une nouvelle bonification indiciaire au titre de la mise en œuvre de la politique de la ville (...) peut être versée mensuellement (...) aux fonctionnaires titulaires du ministère de la justice exerçant, dans le cadre de la politique de la ville, une des fonctions figurant en annexe au présent décret. ". Ces fonctions comprennent, selon l'annexe à ce décret en vigueur à compter du 1er janvier 2015 : " (...) Fonctions de catégories A, B, C de la protection judiciaire de la jeunesse : / 1. En centre de placement immédiat, en centre éducatif renforcé ou en foyer accueillant principalement des jeunes issus des quartiers prioritaires de la politique de la ville ; / 2. En centre d'action éducative situé dans un quartier prioritaire de la politique de la ville ; / 3. Intervenant dans le ressort territorial d'un contrat local de sécurité ".

3. Il résulte des dispositions de la loi du 18 janvier 1991 et du décret du 14 novembre 2001, citées au point précédent, que le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire n'est pas lié au corps d'appartenance ou au grade des fonctionnaires, mais aux emplois qu'ils occupent, compte tenu de la nature des fonctions attachées à ces emplois.

4. En outre, les contrats locaux de sécurité, définis par la circulaire du 28 octobre 1997 NOR : INTK9700174, sont des outils d'une politique de sécurité s'appliquant en priorité aux quartiers sensibles, conclus sous l'impulsion du maire d'une ou plusieurs communes et du représentant de l'Etat dans le département, lorsque la délinquance est particulièrement sensible sur un territoire donné.

5. Enfin, selon les dispositions de l'article L. 132-4 du code de sécurité intérieure, dans leur version alors applicable, le maire ou son représentant préside un conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) dans les communes de plus de 10 000 habitants et dans les communes comprenant un quartier prioritaire de la politique de la ville. Et aux termes de l'article D. 132-7 de ce même code : " Le conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance constitue le cadre de concertation sur les priorités de la lutte contre l'insécurité et de la prévention de la délinquance dans la commune. / (...) / Il assure l'animation et le suivi du contrat local de sécurité lorsque le maire et le préfet de département, après consultation du procureur de la République et avis du conseil, ont estimé que l'intensité des problèmes de délinquance sur le territoire de la commune justifiait sa conclusion. ".

6. Pour bénéficier de la nouvelle bonification indiciaire prévue par l'article 1er du décret du 14 novembre 2001, les fonctionnaires titulaires du ministère de la justice figurant en annexe à ce décret entendant se prévaloir de la condition prévue au point 3 de cette annexe doivent apporter la preuve, par tout moyen, qu'ils accomplissent la majeure partie de leur activité dans le ressort territorial d'un ou plusieurs contrats locaux de sécurité, quel que soit par ailleurs leur lieu d'affectation.

7. Pour annuler la décision du 13 janvier 2022 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a refusé d'octroyer le bénéfice de la NBI à Mme B..., le tribunal administratif de Marseille a jugé que l'intéressée entrait dans le champ d'application du 3 de l'annexe au décret du 14 novembre 2001 relatif à la nouvelle bonification indiciaire au titre de la mise en œuvre de la politique de la ville dans les services du ministère de la justice, dès lors qu'elle établissait intervenir dans le ressort territorial d'un contrat local de sécurité. Toutefois et d'une part, il résulte des dispositions du code de la sécurité intérieure citées au point 5 que les seules circonstances qu'il existerait, dans l'ensemble des communes où Mme B... exerce son activité professionnelle, soit un conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance, soit des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, n'impliquent pas nécessairement, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, que ces mêmes communes sont couvertes par un contrat local de sécurité. D'autre part, l'existence d'un contrat local de sécurité sur les territoires des communes d'intervention de l'UEMO d'affectation de Mme B..., autres que la commune d'Arles, n'est pas démontrée par les pièces du dossier, constituées du bulletin départemental des Bouches-du-Rhône du 2 avril 2007, du contrat de ville 2015-2020 de la communauté d'agglomération Arles Crau Camargue Montagnette, des extraits du rapport d'observations définitives sur la gestion de cet établissement public de coopération intercommunale réalisé par la chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d'Azur, et du journal municipal Tarasc'Info n° 14 faisant état du bilan mi-mandat 2014-2018 à Tarascon. Enfin, à supposer même que la commune d'Arles soit, quant à elle, couverte par un contrat local de sécurité, Mme B... n'établit pas, par les seules pièces produites, notamment le rapport annuel d'activités 2020 de l'UEMO d'Arles, qu'elle exercerait la majeure partie de son activité dans cette commune alors que, selon les termes mêmes de la demande qu'elle a adressée le 28 octobre 2022 à l'administration, son champ géographique d'intervention s'étend également aux territoires des communes de Port-Saint-Louis-du-Rhône, Saint-Martin-de-Crau, Châteaurenard, Tarascon, et de la communauté d'agglomération Rhône Alpilles Durance.

8. Il résulte de ce qui précède que le garde des sceaux, ministre de la justice, est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision en litige au motif de la méconnaissance des dispositions du 3 de l'annexe au décret du 14 novembre 2001 relatif à la nouvelle bonification indiciaire au titre de la mise en œuvre de la politique de la ville dans les services du ministère de la justice.

9. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par Mme B....

Sur l'autre moyen soulevé par Mme B... :

10. Mme B... peut être regardée comme ayant entendu soulever le moyen tiré de ce qu'elle peut bénéficier de la NBI en application du 2 de l'annexe au décret du 14 novembre 2001 relatif à la nouvelle bonification indiciaire au titre de la mise en œuvre de la politique de la ville dans les services du ministère de la justice, au motif qu'elle exerce ses missions dans un quartier prioritaire de la politique de la ville. Toutefois, si les différentes UEMO peuvent être assimilées à des centres d'action éducative, la condition pour prétendre au bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire, prévue par l'annexe du décret du 14 novembre 2001, tenant à l'exercice des fonctions de psychologue de la protection judiciaire de la jeunesse en centre d'action éducative situé, jusqu'au 1er janvier 2015, en zone urbaine sensible, et, après cette date, en quartier prioritaire de la politique de la ville, est d'application stricte. Si, pour justifier que l'UEMO d'affectation de Mme B... n'est pas située dans un quartier prioritaire de la politique de la ville, le garde des sceaux, ministre de la justice produit une capture d'écran du système d'information géographique de la politique de la ville qui s'avère non exploitable, dès lors qu'elle comporte une erreur sur l'adresse de l'UEMO en cause, Mme B..., qui se borne à relever cette erreur, n'apporte néanmoins aucun élément permettant d'établir l'implantation dans un tel quartier de son unité d'affectation. Par suite, le moyen tiré par Mme B... de la méconnaissance des dispositions du 2 de l'annexe au décret du 14 novembre 2001 relatif à la nouvelle bonification indiciaire au titre de la mise en œuvre de la politique de la ville dans les services du ministère de la justice ne peut être accueilli.

11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, que le garde des sceaux, ministre de la justice est fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du 13 janvier 2022, et lui a enjoint d'attribuer le bénéfice de la NBI à Mme B... à compter du 1er septembre 2019. Ce jugement doit donc être annulé, et la demande de Mme B... doit être rejetée, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions d'appel tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2201883 du 22 décembre 2023 du tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : La demande de première instance présentée par Mme B..., ainsi que ses conclusions d'appel tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au garde des sceaux, ministre de la justice, et à Mme A... B....

Délibéré après l'audience du 2 juillet 2024, où siégeaient :

- M. Revert, président,

- M. Martin, premier conseiller,

- M. Lombart, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition du greffe, le 16 juillet 2024.

N° 24MA00440 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24MA00440
Date de la décision : 16/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-08-03 Fonctionnaires et agents publics. - Rémunération. - Indemnités et avantages divers.


Composition du Tribunal
Président : M. REVERT
Rapporteur ?: M. Stéphen MARTIN
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : WATHLE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-16;24ma00440 ?
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