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16/07/2024 | FRANCE | N°24MA00335

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 4ème chambre, 16 juillet 2024, 24MA00335


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler l'arrêté du 19 septembre 2023 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée à l'issue de ce délai, d'autre part, d'enjoindre au préfet, à titre principal, de lui délivrer, sous astreinte de 100 euros par j

our de retard à compter de l'expiration du délai d'un mois suivant la notification du j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler l'arrêté du 19 septembre 2023 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée à l'issue de ce délai, d'autre part, d'enjoindre au préfet, à titre principal, de lui délivrer, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'expiration du délai d'un mois suivant la notification du jugement à intervenir, une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et, à titre subsidiaire, de procéder, dans le même délai, au réexamen de sa demande et, enfin, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 2304989 du 8 février 2024, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 15 février 2024, Mme B..., représentée par Me Traversini, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 8 février 2024 ;

2°) d'annuler cet arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 19 septembre 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et, à titre subsidiaire, de réexaminer, dans le même délai, sa demande de délivrance d'un titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, la somme de 2 000 euros à verser à son conseil, lequel renonce, dans ce cas et par avance, à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- l'arrêté préfectoral contesté est, en méconnaissance des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, entaché d'une insuffisance de motivation ;

- il est entaché d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;

- il a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, faute pour le préfet d'avoir saisi la commission du titre de séjour et alors qu'elle justifiait de motifs exceptionnels d'admission au séjour ; à cet égard, en relevant que l'emploi pour lequel elle bénéficie d'une promesse d'embauche étant hors de France, l'autorité française n'avait ni vocation ni la compétence pour instruire des demandes d'autorisation de travail, le préfet des Alpes-Maritimes a ajouté une condition à la loi ;

- cet arrêté a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est, du fait de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour, illégale.

La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit d'observations.

Par une ordonnance du 15 avril 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 mai 2024, à 12 heures.

Un mémoire, présenté pour Mme B..., par Me Traversini, a été enregistré le 20 juin 2024, soit postérieurement à la clôture de l'instruction, et n'a pas été communiqué.

Par une décision du 31 mai 2024, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille a refusé d'admettre Mme B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Revert, président assesseur, pour présider la formation de jugement de la 4ème chambre, en application des dispositions de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Lombart a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Née le 1er octobre 1980 et de nationalité philippine, Mme B... expose être entrée sur le territoire français le 1er juillet 2012. Elle a sollicité, le 1er février 2023, auprès des services de la préfecture des Alpes-Maritimes, son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 19 septembre 2023, le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de faire droit à cette demande. Il lui a également fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Mme B... relève appel du jugement du 8 février 2024 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. (...) ".

3. Mme B... soutient résider habituellement en France depuis plus de dix ans à la date d'édiction de l'arrêté préfectoral contesté. Pour en justifier, elle produit, s'agissant de l'année 2013, plusieurs pièces médicales, dont la première est datée du 21 janvier 2013, attestant du suivi de sa grossesse ainsi qu'une copie de l'acte de naissance de sa fille qui est née le 14 juillet 2013, à Nice. En outre, pour chaque année entre 2014 et 2023, l'appelante produit des pièces constituées principalement par des contrats de location signés les 1er mars 2014 et 1er septembre 2017, accompagnés de quittances de loyer et d'attestations d'assurance habitation, mais aussi des factures d'électricité de France (EDF), des relevés de compte bancaire, des documents fiscaux à compter de l'année 2016, tous ces documents mentionnant, depuis l'été 2013, la même adresse, à Nice. L'appelante verse également aux débats ses trois passeports délivrés respectivement en 2009, 2013, 2018 et ne faisant apparaître aucun déplacement, les deux derniers titres ayant été délivrés par les autorités philippines à Paris, ainsi que les attestations de scolarité, en France, de sa fille à compter de l'année scolaire 2017/2018. L'ensemble de ces éléments constitue un faisceau d'indices suffisamment probant pour démontrer que Mme B... réside habituellement en France depuis plus de dix ans à la date d'édiction de l'arrêté préfectoral contesté. Ainsi, l'appelante est fondée à soutenir qu'en application des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet des Alpes-Maritimes était tenu, avant de statuer sur sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, de saisir la commission du titre de séjour.

En s'abstenant d'accomplir cette formalité, le représentant de l'Etat a privé Mme B... du bénéfice effectif de cette garantie et a méconnu ces dispositions. Pour ce motif, aucun des autres moyens de la requête n'étant mieux à même de régler le litige, l'appelante est fondée à demander l'annulation non seulement du jugement attaqué mais encore de la décision portant refus de titre de séjour ainsi que, par voie de conséquence, celle de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

4. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. (...) ". Selon l'article L. 911-3 du même code : " La juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet ".

5. L'exécution du présent arrêt implique seulement que le préfet des Alpes-Maritimes statue à nouveau sur la demande de titre de séjour présentée par Mme B..., après l'avoir soumise pour avis à la commission du titre de séjour. Il y a donc lieu d'enjoindre au représentant de l'Etat de procéder à cette consultation et à ce réexamen, et de prendre une nouvelle décision dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

6. Mme B... n'ayant pas été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle, son conseil ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a cependant lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à l'appelante au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2304989 du tribunal administratif de Nice du 8 février 2024 et l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 19 septembre 2023 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de réexaminer la demande de titre de séjour de Mme B... après avoir saisi la commission du titre de séjour, et de prendre une nouvelle décision, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Magali Traversini et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nice.

Délibéré après l'audience du 2 juillet 2024, où siégeaient :

- M. Revert, président,

- M. Martin, premier conseiller,

- M. Lombart, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 juillet 2024.

2

No 24MA00335


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24MA00335
Date de la décision : 16/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REVERT
Rapporteur ?: M. Laurent LOMBART
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : TRAVERSINI

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-16;24ma00335 ?
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