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16/07/2024 | FRANCE | N°22MA01561

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 4ème chambre, 16 juillet 2024, 22MA01561


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision du 11 octobre 2018 par laquelle le président de l'Institut de recherche pour le développement l'a admise sur sa demande à faire valoir ses droits à la retraite et l'a radiée des cadres de l'administration, ensemble la décision implicite de rejet née du silence gardé sur son recours gracieux du 1er décembre 2018, d'autre part, d'enjoindre à l'Institut de recherche pour le dével

oppement de procéder à sa réintégration et de lui délivrer une attestation lui permetta...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision du 11 octobre 2018 par laquelle le président de l'Institut de recherche pour le développement l'a admise sur sa demande à faire valoir ses droits à la retraite et l'a radiée des cadres de l'administration, ensemble la décision implicite de rejet née du silence gardé sur son recours gracieux du 1er décembre 2018, d'autre part, d'enjoindre à l'Institut de recherche pour le développement de procéder à sa réintégration et de lui délivrer une attestation lui permettant de faire valoir ses droits à l'allocation chômage, et, enfin, de condamner l'Institut de recherche pour le développement à lui verser des dommages et intérêts au titre des préjudices subis.

Par un jugement n° 1902081 du 21 octobre 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de Mme C....

Procédure devant la Cour :

Par un arrêt avant dire droit du 27 juin 2023, la Cour, saisie d'une demande d'annulation de ce jugement, après avoir écarté les moyens de la requête de Mme C... tirés de l'irrégularité du jugement du tribunal administratif de Marseille, du vice de procédure et de l'erreur de fait, a sursis à statuer sur les conclusions de la requête et ordonné une expertise confiée à un psychiatre aux fins de déterminer si, le 10 mars 2018, l'intéressée était totalement et définitivement inapte à l'exercice de ses fonctions.

Par ordonnance du 3 octobre 2023, la présidente de la Cour a désigné le docteur A... en qualité d'expert.

L'expert a remis son rapport le 5 février 2024. Ce rapport a été communiqué aux parties, qui ont été invitées à produire leurs observations par courrier du 13 février 2024.

Par ordonnance du 15 février 2024, la présidente de la Cour a liquidé et taxé les frais de l'expertise à la somme de 960 euros toutes taxes comprises.

Par un mémoire complémentaire, enregistré le 13 mars 2024, l'Institut de recherche pour le développement, représenté par Me Journault, persiste dans ses précédentes écritures tendant au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de la requérante, outre les dépens, la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que l'expert de justice confirme que l'altération de l'état de santé de Mme C... la rendait définitivement inapte à tout poste dans la fonction publique à la date de sa mise à la retraite.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

La présidente de la Cour a désigné M. Revert, président assesseur, pour présider la formation de jugement de la 4ème chambre, en application des dispositions de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Martin,

- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,

- et les observations de Me Journault, représentant l'Institut de recherche pour le développement.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... a été recrutée par contrat conclu avec l'Institut de recherche pour le développement, établissement public d'Etat à caractère scientifique et technologique le 15 juillet 2002, et intégrée dans le corps des assistants ingénieurs le 1er janvier 2004. Elle a été placée en position de congé longue maladie, d'abord pour la période du 23 mai 2012 au 22 février 2013, puis, après une reprise d'activité en temps partiel thérapeutique, pour la période du 10 mars 2015 au 9 mars 2018. Par décision du 11 octobre 2018, le président directeur général de l'Institut de recherche pour le développement a admis Mme C... à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité à compter du 10 mars 2018. Sur appel de Mme C... contre le jugement du 21 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux, la Cour a ordonné, avant dire droit, une expertise aux fins de déterminer si, le 10 mars 2018, l'intéressée était totalement et définitivement inapte à l'exercice de ses fonctions. L'expert désigné par ordonnance de la présidente de la Cour le 3 octobre 2023 a remis son rapport le 5 février 2024.

2. En premier lieu, il appartient au requérant, tant en première instance qu'en appel, d'assortir ses moyens des précisions nécessaires à l'appréciation de leur bien-fondé. Il suit de là que le juge d'appel n'est pas tenu d'examiner un moyen que l'appelant se borne à déclarer reprendre en appel, sans l'assortir des précisions nécessaires. En se bornant à soutenir qu'elle entend se prévaloir de ses écritures de première instance, sans même énoncer sommairement les moyens qu'elle entendrait reprendre en appel ni joindre ses écritures de première instance, Mme C... ne met pas la Cour à même de se prononcer sur les moyens qu'elle aurait développés en première instance et qui ne sont pas expressément repris dans ses écritures d'appel.

3. En second lieu et d'une part, il ressort du rapport de l'expertise médicale diligentée à la suite de l'arrêt avant dire droit du 27 juin 2023, dont les conclusions ne sont pas contestées par Mme C..., que l'intéressée présente un trouble de la personnalité de type sensitif qui se manifeste par une attitude parfois assez sthénique, agressive et hostile, avec des ruminations anxieuses et revendications portant sur son activité professionnelle ainsi qu'une très nette tendance interprétative dans un contexte de méfiance et de suspicion. L'expert ajoute que l'intéressée est très rancunière, sans aucune capacité d'autocritique, et qu'elle adopte un mode de fonctionnement associant une surestimation d'elle-même, une psychorigidité, et un sentiment d'injustice. Cet expert précise que Mme C... se retrouve au centre d'un fonctionnement interprétatif et persécutoire centripète, paralogique avec une explication des dysfonctionnements dont elle est victime de façon peu claire et comportant des éléments factuels sans rapport avec son emploi. Il en conclut que, quelles que soient les conditions de travail et les éventuelles adaptations de poste, celles-ci donneront nécessairement lieu, à un moment ou à un autre, à une nouvelle quérulence, de sorte qu'un tel mode de fonctionnement est incompatible avec un exercice professionnel s'inscrivant dans un rapport hiérarchique. Ainsi, et dès lors qu'il n'est ni établi ni allégué que Mme C... pourrait occuper, notamment au sein de l'Institut de recherche pour le développement, un emploi la soustrayant quotidiennement à l'exercice du pouvoir hiérarchique, il résulte de ce rapport que celle-ci est inapte de manière totale et définitive à l'exercice de tout emploi dans la fonction publique dès le 10 mars 2018.

4. D'autre part, de telles conclusions viennent corroborer celles de l'expertise médicale du 16 février 2018, décrites au point 12 de l'arrêt avant dire droit du 27 juin 2023, dont Mme C... n'établit d'ailleurs nullement, par la seule production d'un courriel rédigé le 8 septembre 2021 par un psychologue clinicien qu'elle a consulté, qu'il constituerait la reprise à l'identique d'un précédent rapport rédigé dans le cadre d'une expertise distincte concernant un autre agent public. En outre, contrairement à ce qui est soutenu, cet expert, alors désigné par l'administration, a expressément pris en compte le contexte professionnel dans lequel Mme C... a évolué pour apprécier sa situation. Par ailleurs, les certificats médicaux qu'elle produit, en date des 1er octobre 2014, 7 octobre 2014, 25 octobre 2017 et 3 janvier 2018 sont peu circonstanciés et ne permettent ainsi pas davantage d'infirmer les conclusions du médecin psychiatre agréé et de l'expert désigné par la présidente de la Cour. De plus, ce dernier expose que l'expertise conduite par un médecin généraliste ayant conclu, le 29 mai 2018, à l'existence d'une aptitude à l'exercice des fonctions, ne peut être retenue en l'absence de tout éclairage clinique de la part du praticien. Au demeurant, il ressort de ce document que ce médecin sollicitait la réalisation d'une nouvelle expertise psychiatrique, sur la base des seules contestations de l'intéressée, sans procéder à une analyse médicale critique des constatations et conclusions de l'expert psychiatre désigné par l'administration. Enfin, il ressort du rapport de l'expertise médicale du 5 février 2024 qu'en ce qui concerne le compte rendu de l'examen psychiatrique établi à la suite d'une visite réalisée le 18 septembre 2021 à l'initiative de Mme C..., selon lequel son état psychologique permet la reprise d'une activité professionnelle, celui-ci ne peut être pris en compte dès lors qu'il ne comporte aucune indication sur les éléments portés à la connaissance du psychiatre par l'intéressée, et qu'il a été rédigé sur demande de celle-ci dans un contexte de trouble de la personnalité sensitive mentionné à de multiples reprises par différents psychiatres. Du reste, il ressort des termes mêmes de ce document, qui ne procède pas à une analyse médicale critique du rapport de l'expert psychiatre désigné par l'administration, que Mme C... est triste, angoissée, et en situation de souffrance morale dès qu'est évoquée sa période d'activité professionnelle. Le médecin y ajoute que le tableau clinique présente tout à la fois des symptômes spécifiques avec un débordement émotionnel et ruminations conscientes, des symptômes non spécifiques avec l'existence de troubles fonctionnels, et un état dépressif. Si ce médecin mentionne une amélioration de l'état psychiatrique, un tel constat repose sur les seules déclarations de la patiente, qui a évoqué une prise en charge régulière et rigoureuse pour expliquer cette amélioration, sans que cette prise en charge ne soit toutefois précisée ni d'ailleurs établie par l'ensemble des pièces médicales produites, le certificat établi le 3 janvier 2018 par un psychothérapeute mentionnant seulement deux consultations entre décembre 2016 et janvier 2017.

5. Par suite, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que, par la décision en litige, qui n'est pas entachée d'un défaut d'examen particulier, le président directeur général de l'Institut de recherche pour le développement a mis d'office à la retraite Mme C... en raison de son inaptitude définitive à l'exercice de toute fonction.

6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'annulation et d'injonction sous astreinte doivent être rejetées.

Sur la charge des frais d'expertise :

7. Mme C... ayant été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 24 mars 2022, il y a lieu de mettre à la charge définitive de l'Etat les frais de l'expertise qui ont été liquidés et taxés à la somme de 960 euros par ordonnance de la présidente de la Cour du 15 février 2024.

Sur les frais de l'instance :

8. L'Institut de recherche pour le développement n'étant pas la partie perdante, les conclusions présentées par Mme C... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées. Il n'y a par ailleurs pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l'Institut de recherche pour le développement sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 960 euros sont mis à la charge définitive de l'Etat.

Article 3 : Les conclusions présentées par l'Institut de recherche pour le développement en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C..., à Me Puigrenier et à l'Institut de recherche pour le développement.

Copie en sera adressée au docteur B... A... et au Trésorier payeur général de Marseille.

Délibéré après l'audience du 2 juillet 2024 où siégeaient :

- M. Revert, président,

- M. Martin, premier conseiller,

- M. Lombart, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition du greffe, le 16 juillet 2024.

N° 22MA01561 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA01561
Date de la décision : 16/07/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-10-03 Fonctionnaires et agents publics. - Cessation de fonctions. - Mise à la retraite d'office.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Stéphen MARTIN
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : PUIGRENIER

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-16;22ma01561 ?
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