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11/07/2024 | FRANCE | N°23MA03090

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 3ème chambre, 11 juillet 2024, 23MA03090


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 27 juin 2023 par lequel le préfet du Var l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et a procédé au signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.



Par un jugement n° 2302053 du 23 novembre 202

3, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 27 juin 2023 par lequel le préfet du Var l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et a procédé au signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.

Par un jugement n° 2302053 du 23 novembre 2023, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 20 décembre 2023, M. B..., représenté par Me Lagardère, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 23 novembre 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Var du 27 juin 2023 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français, interdiction de retour pour une durée d'un an et signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;

3°) d'enjoindre au préfet du Var de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que son conseil renonce à la part contributive de l'Etat versée au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- le préfet ne pouvait légalement décider de l'obliger à quitter le territoire français, dès lors qu'il devait se voir attribuer un titre de séjour sur le fondement des articles L. 435-1 et L. 435-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- la décision lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire a été prise en méconnaissance de l'article L. 612-6 et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;

- le préfet lui a interdit de retourner en France en méconnaissant son droit à être entendu ;

- la décision portant interdiction de retour est insuffisamment motivée ;

- la décision prononçant l'interdiction de retour a été prise en méconnaissance de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision d'interdiction de retour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.

La requête a été communiquée au préfet du Var qui n'a pas produit de mémoire.

Par décision du 29 mars 2024, le bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. B....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Mastrantuono a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 27 juin 2023, le préfet du Var a obligé M. B..., ressortissant ivoirien, à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, et a prononcé à son encontre une interdiction de retour pour une durée d'un an assortie d'un signalement dans le système d'information Schengen. M. B... relève appel du jugement du 23 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur l'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire :

2. Par une décision du 29 mars 2024, le bureau d'aide juridictionnelle a statué sur la demande de M. B.... Il n'y a donc pas lieu de statuer sur sa demande d'admission à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée (...) ".

4. La décision contestée vise le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et notamment son article L. 611-1-3° ainsi que les stipulations conventionnelles dont elle fait application et notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle indique les motifs justifiant l'application d'une mesure d'éloignement et tenant notamment à ce que M. B..., qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour et se trouve en situation irrégulière. Elle fait également état de la situation personnelle et familiale de l'intéressé. Ainsi, la décision contestée, qui fait apparaître de façon suffisamment circonstanciée les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée.

5. En deuxième lieu, les dispositions des articles L. 435-1 et L. 435-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoient pas la délivrance de plein droit d'un titre de séjour. Ainsi, M. B... ne peut s'en prévaloir pour soutenir qu'il ne pouvait pas faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) ".

7. M. B... soutient qu'il réside en France depuis 2016, qu'il y a des attaches personnelles intenses et stables, et qu'il a des perspectives d'intégration professionnelle. Toutefois, si le requérant a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance du département du Var le 12 décembre 2016 et a obtenu le 5 juillet 2019 un certificat d'aptitude professionnelle spécialité installateur en froid et conditionnement d'air, il ne produit aucun document de nature à justifier de sa présence en France au cours des années 2020 et 2021. Par ailleurs, il ne justifie d'aucune attache familiale en France, alors qu'il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine. Enfin, il ne justifie pas d'une intégration professionnelle par la seule production de promesses d'embauche. Dès lors, le préfet du Var n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a pris l'arrêté contesté. Par suite, il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, il ne peut être regardé comme ayant entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de M. B....

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision (...) ". Aux termes de l'article L. 612-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; / 2° L'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était manifestement infondée ou frauduleuse ; / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 de ce code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; / 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) ".

9. Le requérant a déclaré lors de son audition par les services de police son intention de ne pas se conformer à une éventuelle obligation de quitter le territoire français et a précédemment fait l'objet d'une mesure d'éloignement, le 30 juillet 2018, qu'il ne justifie pas avoir exécutée. Ainsi, à supposer que M. B..., en soutenant que le préfet a méconnu l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ait entendu viser l'article L. 612-2 du code, le préfet du Var a pu légalement estimer qu'il existait un risque que l'intéressé se soustraie à nouveau à l'obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre et lui refuser l'octroi d'un délai de départ volontaire sur le fondement des dispositions du 3° de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, il ne peut être regardé comme ayant entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de M. B....

10. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal d'audition établi par les services de la police nationale le 27 juin 2023, avant que ne soit pris l'arrêté contesté, que M. B... a été interrogé sur sa situation personnelle, sur sa nationalité, sur les conditions d'entrée et de son séjour en France, ses conditions d'hébergement, sa situation familiale et ses moyens d'existence. A cette occasion, il a pu notamment préciser qu'il voulait rester vivre en France et y travailler. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé disposait d'informations tenant à sa situation personnelle qu'il aurait été empêché de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise à son encontre la mesure d'interdiction de retour qu'il conteste et qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à l'édiction de cette décision. Par suite, le requérant n'a pas été privé du droit d'être entendu que garantissent les principes généraux du droit de l'Union européenne.

11. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

12. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que, lorsque le préfet prend à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, il lui appartient d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés à l'article L. 612-10, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire français.

13. L'interdiction de retour en litige indique que M. B... est entré en France irrégulièrement à une date indéterminée, qu'il se trouve depuis lors en situation irrégulière sur le territoire français, qu'il s'est vu opposer un refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français le 30 juillet 2018 mais s'est maintenu en France, qu'il est célibataire et sans charge de famille, qu'il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a passé l'essentiel de son existence et qu'il ne représente pas une menace à l'ordre public. Les motifs mentionnés dans cette décision attestent ainsi de la prise en compte par le préfet de l'ensemble des critères prévus par la loi. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision prononçant une interdiction de retour à l'encontre de M. B... serait insuffisamment motivée doit être écarté.

14. En septième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B..., auquel aucun délai de départ volontaire n'a été accordé, justifierait de circonstances humanitaires faisant obstacle à l'édition de la décision d'interdiction de retour prévue par l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le requérant, auquel le préfet a pu ainsi légalement interdire le retour en France sur le fondement de cet article, ne saurait utilement soutenir que la décision lui interdisant le retour sur le territoire français aurait été prise en méconnaissance de l'article L. 612-10 du même code, relatif non au principe mais à la durée de l'interdiction de retour.

15. En huitième et dernier lieu, eu égard à ce qui a été dit au point 7 quant à la durée de la présence de M. B... sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France, le préfet du Var, en lui interdisant de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an, n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, il n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de l'intéressé.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent par voie de conséquence être rejetées. Il en va de même de ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Lagardère et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Var.

Délibéré après l'audience du 4 juillet2024, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- M. Platillero, président assesseur,

- Mme Mastrantuono, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 juillet 2024.

2

N° 23MA03090


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA03090
Date de la décision : 11/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Florence MASTRANTUONO
Rapporteur public ?: M. URY
Avocat(s) : LAGARDERE CAROLE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-11;23ma03090 ?
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