Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 25 juillet 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours.
Par un jugement n° 2307940 du 27 novembre 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 25 avril 2024, Mme B... A..., représentée par Me Chartier, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 27 novembre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 25 juillet 2023 du préfet des Bouches-du-Rhône ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois suivant la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la contribution de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;
- le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet des Bouches-du-Rhône a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône, qui n'a pas produit de mémoire.
Mme A... a été admise à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 mars 2024 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Claudé-Mougel,
- et les observations de Me Chartier, représentant Mme A..., et celles de Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., de nationalité arménienne, demande l'annulation du jugement du 27 novembre 2023 du tribunal administratif de Marseille qui a rejeté sa requête dirigée contre l'arrêté du 25 juillet 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. "
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est arrivée en France en avril 2019, à l'âge de 14 ans. Immédiatement scolarisée et bien qu'allophone, elle a, dès l'année suivante, obtenu le brevet des collèges avec mention, puis le premier niveau B1 du diplôme d'études en langue française (DELF B1) en août 2021 et le second niveau (DELF B2) en avril 2022. Compte tenu de ce parcours, et alors qu'elle parle couramment quatre langues, elle a été admise en juin 2023 au campus d'Aix-en-Provence de l'école supérieure de sciences commerciales d'Angers (ESSCA), où elle est inscrite depuis septembre 2023, en bénéficiant d'une bourse sur critères sociaux, en vue de l'obtention d'un diplôme de management international, et obtenu le baccalauréat au mois de juillet 2023, peu avant l'arrêté attaqué. Elle produit de nombreuses attestations émanant de la principale du collège Jacques Monod et du proviseur du lycée Saint Exupéry à Marseille où elle a suivi sa scolarité, ainsi que de ses professeurs, lesquelles sont particulièrement élogieuses quant à son assiduité, son sérieux, sa volonté d'intégration qu'elle a confirmée à l'audience, ainsi que ses relations et son comportement avec la communauté éducative comme avec ses camarades. Dans les circonstances particulières de l'espèce, Mme A... est fondée à soutenir que ce parcours d'intégration exemplaire en France où elle réside depuis son arrivée constitue un motif exceptionnel justifiant que lui soit délivré un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et que le préfet des Bouches-du-Rhône, en lui refusant la délivrance de ce titre, a commis une erreur manifeste d'appréciation.
4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande et à demander l'annulation de ce jugement, ainsi que celle de l'arrêté du 25 juillet 2023 rejetant sa demande de titre de séjour.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Eu égard au motif d'annulation retenu, et dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'un changement dans les circonstances de droit ou de fait y ferait obstacle, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que le préfet des Bouches-du-Rhône délivre à Mme A... la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " qu'elle a sollicitée dans le délai d'un mois à compter de sa notification, sans qu'il y ait lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais d'instance :
6. Mme A... ayant été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, son conseil peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Chartier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cette avocate d'une somme de 1 500 euros.
D É C I D E
Article 1er : Le jugement du 27 novembre 2023 du tribunal administratif de Marseille et l'arrêté du 25 juillet 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté la demande d'admission au séjour de Mme A... sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à Mme A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Chartier une somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Mme B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer ainsi qu'à Me Chartier.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille.
Délibéré après l'audience du 20 juin 2024, où siégeaient :
- M. Portail, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président-assesseur,
- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 juillet 2024
N° 24MA01081 2