Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) 3S Promotions a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la délibération du 6 juillet 2022 par laquelle le conseil municipal de la commune du Cannet-des-Maures a approuvé la révision n° 1 de son plan local d'urbanisme.
Par un jugement n° 2202372 du 7 juillet 2023, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 31 août 2023, et un mémoire, enregistré le 13 mai 2024, la société par actions simplifiée (SAS) 3S Promotions, représentée par Me Hoffmann, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 7 juillet 2023 ;
2°) d'annuler la délibération du 6 juillet 2022 approuvant la révision n° 1 du plan local d'urbanisme de la commune du Cannet-des-Maures ;
3°) de mettre à la charge de la commune du Cannet-des-Maures la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est entaché d'irrégularité, le tribunal ayant méconnu le principe du contradictoire en prononçant la clôture de l'instruction le 11 avril 2023, soit le jour même où elle produisait un mémoire en réponse qui n'a pas été communiqué, alors en outre qu'il a été procédé à une mesure d'instruction le 15 mai suivant à l'égard de la commune et que les pièces qu'elle a produites en conséquence ont été communiquées ;
- la délibération qui a engagé la procédure d'élaboration du plan local d'urbanisme (PLU) est irrégulière faute de fixer des objectifs suffisamment précis ;
- l'avis du commissaire-enquêteur est insuffisamment motivé, notamment quant aux inconvénients d'un classement en zone agricole de ses parcelles ;
- le classement en zone agricole de ses parcelles, qui résulte uniquement d'un risque d'inondation inexistant, est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, alors qu'elles n'ont aucun potentiel agronomique et qu'elles étaient auparavant classées en zone à urbaniser ; la réduction de ce secteur à urbaniser est incohérent avec l'objectif fixé par le plan d'aménagement et de développement durables (PADD) d'absorber la croissance démographique importante qu'il prévoit.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mars 2024, la commune du Cannet-des-Maures, représentée par Me Faure-Bonaccorsi, conclut au rejet de la requête, et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la SAS 3S Promotions en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Un mémoire présenté pour la SAS 3S Promotions et un mémoire présenté pour la commune du Cannet-des-Maures ont été enregistrés le 5 juin 2024 et n'ont pas été communiqués en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Claudé-Mougel,
- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,
- et les observations de Me Hoffmann, représentant la SAS 3S Promotions, et celles de Me Gonzalez-Lopez, représentant la commune du Cannet-des-Maures.
Une note en délibéré présentée pour la SAS 3S Promotions a été enregistrée le 20 juin 2024 et n'a pas été communiquée.
Une note en délibéré présentée pour la commune du Cannet-des-Maures a été enregistrée le 1er juillet 2024 et n'a pas été communiquée.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 6 juillet 2022, le conseil municipal de la commune du Cannet-des-Maures a approuvé la révision n° 1 de son plan local d'urbanisme (PLU). La société par actions simplifiée (SAS) 3S Promotions, propriétaire de quatre parcelles cadastrées section G n ° 409, 410, 312 et 2527 sur le territoire de la commune, dans le quartier de Saint-Andrieux, relève appel du jugement du 7 juillet 2023 par lequel tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette délibération.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence, du secret de la défense nationale et de la protection de la sécurité des personnes. " Aux termes de l'article R. 611-1 du même code : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe./ La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-2 à R. 611-6./ Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux. " L'article R. 611-1-1 dispose : " Lorsque l'affaire est en état d'être jugée, les parties peuvent être informées de la date ou de la période à laquelle il est envisagé de l'appeler à l'audience. Cette information précise alors la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2. Elle ne tient pas lieu de l'avertissement prévu à l'article R. 711-2. " D'autre part, aux termes de l'article R. 613-1 de ce code : " Le président de la formation de jugement peut, par une ordonnance, fixer la date à partir de laquelle l'instruction sera close. Cette ordonnance n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours. / (...) L'instruction peut également être close à la date d'émission de l'ordonnance prévue au premier alinéa lorsque la date prévue par l'article R. 611-11-1 est échue. " Enfin, l'article R. 613-1-1 dispose que " Postérieurement à la clôture de l'instruction ordonnée en application de l'article précédent, le président de la formation de jugement peut inviter une partie à produire des éléments ou pièces en vue de compléter l'instruction. Cette demande, de même que la communication éventuelle aux autres parties des éléments et pièces produits, n'a pour effet de rouvrir l'instruction qu'en ce qui concerne ces éléments ou pièces. " et l'article R. 613-3 dispose que " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication, sauf réouverture de l'instruction. "
3. Il ressort du dossier de première instance que la SAS 3S Promotions a, à la suite de sa requête, produit un mémoire en réplique qui a été communiqué à la partie adverse. Le 14 novembre 2022, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-1-1 du code de justice administrative, de ce qu'il était envisagé d'inscrire le dossier à une audience qui pourrait avoir lieu dans la période comprise entre mai et septembre 2023 et qu'alors que le tribunal n'attendait pas de nouvelles écritures de leur part, un nouveau mémoire devrait être produit avant le 1er avril 2023. Le 30 mars 2023 était enregistré un mémoire en défense produit par la commune du Cannet-des-Maures, lequel a été communiqué le jour même au conseil de la SAS 3S Promotions. Ce dernier a été destinataire, le 11 avril 2023, d'une ordonnance de clôture immédiate de l'instruction prise en application de l'article R. 613-1 du même code et a donc bénéficié d'un délai de 11 jours, dont 7 jours ouvrés, pour répondre à ces écritures de la commune. Le conseil de la requérante a accusé réception du courrier de notification de l'ordonnance de clôture à 11 h12. Son mémoire en réplique, enregistré le même jour à 16h51, et donc après la clôture de l'instruction, n'a pas été communiqué, conformément à l'article R. 613-3 du code. Ce mémoire ne contenant l'exposé d'aucune circonstance de fait ou d'un élément de droit dont sa cliente n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui était susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, celle-ci n'est pas fondée à soutenir que le tribunal aurait méconnu le principe du contradictoire rappelé par les dispositions de l'article L. 5 du code de justice administrative en s'abstenant de le communiquer. A cet égard, est sans incidence la circonstance que le tribunal a sollicité de la commune du Cannet-des-Maures, le 15 mai 2023, des pièces pour compléter l'instruction en application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative et les a communiquées le 25 mai suivant au conseil de la société appelante, ce qui n'a pas eu pour effet, aux termes de ces dispositions, de rouvrir l'instruction.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 103-2 du code de l'urbanisme : " Font l'objet d'une concertation associant, pendant toute la durée de l'élaboration du projet, les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées : 1° L'élaboration ou la révision du schéma de cohérence territoriale ou du plan local d'urbanisme (...) ". Aux termes de l'article L. 103-3 du même code : " Les objectifs poursuivis et les modalités de la concertation sont précisés par : 1° L'autorité administrative compétente de l'Etat lorsque la révision du document d'urbanisme ou l'opération sont à l'initiative de l'Etat ; 2° L'organe délibérant de la collectivité ou de l'établissement public dans les autres cas (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 600-11 de ce code : " Les documents d'urbanisme et les opérations mentionnées aux articles L. 103-2 et L. 300-2 ne sont pas illégaux du seul fait des vices susceptibles d'entacher la concertation, dès lors que les modalités définies aux articles L. 103-1 à L. 103-6 et par la décision ou la délibération prévue à l'article L. 103-3 ont été respectées. Les autorisations d'occuper ou d'utiliser le sol ne sont pas illégales du seul fait des vices susceptibles d'entacher cette délibération ou les modalités de son exécution ".
5. Il résulte de ces dispositions que l'adoption ou la révision du plan local d'urbanisme doit être précédée d'une concertation associant les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées. L'organe délibérant de la collectivité ou de l'établissement public doit, avant que ne soit engagée la concertation, délibérer, d'une part, et au moins dans leurs grandes lignes, sur les objectifs poursuivis par la commune ou l'intercommunalité en projetant d'élaborer ou de réviser ce document d'urbanisme, et, d'autre part, sur les modalités de la concertation. Si cette délibération est susceptible de recours devant le juge de l'excès de pouvoir, son illégalité ne peut, en revanche, eu égard à son objet et à sa portée, être utilement invoquée contre la délibération approuvant le plan local d'urbanisme. Le moyen tiré de ce que la délibération du 3 juillet 2019 prescrivant la révision litigieuse aurait fixé des objectifs insuffisamment précis doit donc en tout état de cause être écarté.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 153-19 du code de l'urbanisme : " Le projet de plan local d'urbanisme arrêté est soumis à enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement par le président de l'établissement public de coopération intercommunale ou le maire ". Aux termes de l'article R. 123-19 du code de l'environnement : " Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies. / Le rapport comporte le rappel de l'objet du projet, plan ou programme, la liste de l'ensemble des pièces figurant dans le dossier d'enquête, une synthèse des observations du public, une analyse des propositions produites durant l'enquête et, le cas échéant, les observations du responsable du projet, plan ou programme en réponse aux observations du public. / Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête consigne, dans une présentation séparée, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet. (...) ". Il résulte de ces dispositions que les conclusions émises par le commissaire-enquêteur à l'issue de l'enquête publique doivent être motivées. Elles imposent au commissaire enquêteur d'indiquer au moins sommairement, en donnant son avis personnel, les raisons qui déterminent le sens de cet avis, mais ne l'obligent pas à répondre à chacune des observations présentées lors de l'enquête et ses réponses peuvent revêtir une forme synthétique.
7. Il ressort des conclusions de la commissaire-enquêtrice que celle-ci a émis un avis favorable assorti d'un certain nombre de réserves précises, que les observations du public ne sont pas de nature à remettre en cause, après avoir estimé que la commune avait présenté un projet répondant à l'intérêt général en tenant compte des spécificités, notamment environnementales, de son territoire, en permettant à ses habitants d'y vivre, de s'y loger et d'y travailler dans un cadre agréable tout en prenant en compte les enjeux d'une gestion économe de l'espace et de préservation des espaces naturels et des paysages remarquables, en portant l'effort d'urbanisation sur certains secteurs traduit par les orientations d'aménagement et de programmation (OAP), et en ayant intégré sa réponse aux recommandations de l'autorité environnementale (MRAe). Celle-ci a donc émis, conformément aux dispositions de l'article R. 123-19 du code de l'environnement, un avis personnel et motivé. A l'égard en particulier du classement des parcelles appartenant à la requérante, il ressort du rapport que la commissaire-enquêtrice a fait état des observations du conseil de la SAS 3S Promotions contestant le classement des parcelles de ces dernières et y a apporté une réponse, alors même qu'ainsi qu'il a été dit au point précédent, ces dispositions ne lui imposaient pas de le faire. La société requérante ne peut à cet égard utilement soutenir que ce rapport ne ferait pas état des inconvénients du classement de ses parcelles en zone agricole que, au demeurant, elle n'explicite pas.
8. En troisième lieu, en vertu de l'article L. 151-9 du code de l'urbanisme : " Le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger. / Il peut préciser l'affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être faits ou la nature des activités qui peuvent y être exercées et également prévoir l'interdiction de construire. / Il peut définir, en fonction des situations locales, les règles concernant la destination et la nature des constructions autorisées ". Aux termes de l'article R. 151-22 du code de l'urbanisme : " Les zones agricoles sont dites " zones A ". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles ".
9. Il résulte de ces dispositions qu'une zone agricole, dite " zone A ", du plan local d'urbanisme a vocation à couvrir, en cohérence avec les orientations générales et les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables (PADD), un secteur, équipé ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. S'ils ne sont pas liés, pour déterminer l'affectation future des différents secteurs, par les modalités existantes d'utilisation des sols, dont ils peuvent prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme, leur appréciation peut cependant être censurée par le juge administratif au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.
10. Il ressort du site géoportail de l'urbanisme, accessible tant au juge qu'aux parties, que si les parcelles litigieuses, qui forment un tènement et ne supportent aucune construction, sont bordées au nord par une zone à urbaniser et au nord-est ainsi qu'au nord-ouest, de zones urbanisées, elles se trouvent en limite de ces secteurs urbanisés de la commune et s'ouvrent au sud sur une vaste zone à vocation agricole, plantées notamment d'oliviers, appartenant à un domaine dédié à la production d'huile. Si la société appelante soutient que ses parcelles sont dépourvues de potentiel agronomique, elle ne conteste pas sérieusement qu'elles ont été cultivées jusqu'en 2007 et la seule circonstance qu'elles sont séparées de ce domaine par le chemin de Saint-Andrieux ne saurait, à elle seule, établir que le classement en litige serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. Si ladite société soutient par ailleurs que ses parcelles étaient classées en zone à urbaniser par le précédent document d'urbanisme, il n'existe aucun droit au maintien d'un classement précédent. De même, est sans incidence la circonstance que la commune du Cannet-des-Maures a mené une réflexion en 2014, soit 8 années avant l'adoption du PLU litigieux, sur l'urbanisation de ce secteur. En outre, contrairement à ce que soutient la société appelante, le parti de classer ses parcelles en zone agricole ne saurait révéler une incohérence avec le PADD du PLU litigieux qui fixe des objectifs qualitatifs et quantitatifs de modération de la consommation d'espaces et de lutte contre l'étalement urbain, en réduisant d'au moins 10 hectares les zones à urbaniser en extension de l'urbanisation existante, pour recentrer l'urbanisation autour du village. Enfin, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que le classement des parcelles de la requérante serait justifié par un risque d'inondation.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS 3S Promotions n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 6 juillet 2022 par laquelle le conseil municipal du Cannet-des-Maures a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune.
Sur les frais liés au litige :
12. La commune du Cannet-des-Maures n'étant pas, dans la présente instance, la partie perdante, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées par la SAS 3S Promotions sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la SAS 3S Promotions la somme de 2 000 euros à verser à la commune du Cannet-des-Maures sur ce même fondement.
D É C I D E
Article 1er : La requête de la SAS 3S Promotions est rejetée.
Article 2 : La SAS 3S Promotions versera à la commune du Cannet-des-Maures la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS 3S Promotions et à la commune du Cannet-des-Maures.
Délibéré après l'audience du 20 juin 2024, où siégeaient :
- M. Portail, président,
- M. A..., vice-président,
- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 juillet 2024.
N° 23MA02252 2