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04/07/2024 | FRANCE | N°23MA00389

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 1ère chambre, 04 juillet 2024, 23MA00389


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Les consorts F... ont demandé au tribunal administratif de Marseille, à titre principal, d'annuler la délibération du 16 septembre 2019 par laquelle le conseil municipal de Saint-Sauveur a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune, à titre subsidiaire, d'annuler le classement des parcelles cadastrées section C n° 89 et 2857 en zone N du plan local d'urbanisme de la commune par cette délibération.



Par un jugement n° 1909875 du 28 décembre 2022, l

e tribunal administratif de Marseille a rejeté leur requête.



Procédure devant la Cour :
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les consorts F... ont demandé au tribunal administratif de Marseille, à titre principal, d'annuler la délibération du 16 septembre 2019 par laquelle le conseil municipal de Saint-Sauveur a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune, à titre subsidiaire, d'annuler le classement des parcelles cadastrées section C n° 89 et 2857 en zone N du plan local d'urbanisme de la commune par cette délibération.

Par un jugement n° 1909875 du 28 décembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires en réplique enregistrés 17 février 2023, le 15 février et le 9 avril 2024, M. D... F..., Mme H... E... épouse F..., M. G... F..., M. A... F... et Mme B... F... épouse C..., représentés par Me Broc, demandent à la Cour :

1°) de réformer et ou annuler le jugement n° 1909875 du 28 décembre 2022 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler la délibération du 16 septembre 2019 par laquelle le conseil municipal de Saint-Sauveur a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune, à titre subsidiaire d'annuler le classement des parcelles cadastrées section C n° 89 et 2857 en zone N du plan local d'urbanisme de la commune par cette délibération ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Sauveur la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la délibération attaquée méconnaît les dispositions de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales, plusieurs conseillers municipaux intéressés à l'affaire ayant pris part au vote ;

- la procédure d'enquête publique méconnait les dispositions des articles R. 123-11 et L. 123-10 du code de l'environnement;

- la délibération attaquée méconnait les objectifs du PADD ;

- le classement des parcelles cadastrées section C n° 89 et 2857 en zone N procède d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que leur moyen tiré de la méconnaissance de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 n'était pas assortie d'éléments permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

- l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme a été méconnu, les parcelles litigieuses se situant dans un hameau.

Par des mémoires en défense enregistrés le 29 janvier et le 26 mars 2024 la commune de Saint-Sauveur représentée par Me Loiseau conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des consorts F... de la somme de 3 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Angéniol,

- les conclusions de M. Quenette,

- et les observations de Me Loiseau, représentant la commune de Saint-Sauveur, et de Me C..., représentant les consorts F....

Considérant ce qui suit :

1. Les consorts F... relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Marseille du 28 décembre 2022 qui a rejeté leur demande tendant, à titre principal, à l'annulation de la délibération du 16 septembre 2019 par laquelle le conseil municipal de Saint-Sauveur a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune et, à titre subsidiaire, à l'annulation dudit PLU en tant seulement qu'il classe leurs parcelles cadastrées section C n° 89 et 2857 en zone N.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction applicable : " Sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l'affaire qui en fait l'objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires ".

3. Il résulte de ces dispositions que la participation au vote permettant l'adoption d'une délibération d'un conseiller municipal intéressé à l'affaire qui fait l'objet de cette délibération, c'est-à-dire y ayant un intérêt qui ne se confond pas avec ceux de la généralité des habitants de la commune, est de nature à en entraîner l'illégalité ; que, de même, sa participation aux travaux préparatoires et aux débats précédant l'adoption d'une telle délibération est susceptible de vicier sa légalité, alors même que cette participation préalable ne serait pas suivie d'une participation à son vote, si le conseiller municipal intéressé a été en mesure d'exercer une influence sur la délibération ; que, cependant, s'agissant d'une délibération déterminant des prévisions et règles d'urbanisme applicables dans l'ensemble d'une commune, la circonstance qu'un conseiller municipal intéressé au classement d'une parcelle ait participé aux travaux préparatoires et aux débats précédant son adoption ou à son vote n'est de nature à entraîner son illégalité que s'il ressort des pièces du dossier que, du fait de l'influence que ce conseiller a exercée, la délibération prend en compte son intérêt personnel.

4. Il ressort des pièces du dossier que certains membres du conseil municipal qui ont pris part au vote de la délibération attaquée sont propriétaires de parcelles, devenues par l'effet de cette même délibération, constructibles. Il ne ressort toutefois pas de ces mêmes pièces du dossier, comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, que les membres concernés du conseil municipal auraient exercé une influence sur l'adoption d'une modification qui leur aurait été favorable ou sur les débats qui ont eu lieu, alors que, d'une part, il est constant que la délibération attaquée a été prise à l'unanimité des onze membres de ce conseil dans une commune d'à peine plus de 500 habitants et que la maire, et non les conseillers municipaux, a été en charge de la préparation de cette délibération. D'autre part, si le PADD identifie des quartiers à urbaniser en priorité où ne se trouvent pas implantées les parcelles rendues constructibles appartenant à des membres du conseil municipal ou leur proche, il est constant que les parcelles en question s'inscrivent en continuité de zone déjà partiellement urbanisées dont l'extension était également recherchée par les auteurs du plan local d'urbanisme répondant en cela à l'intérêt communal et non à l'intérêt personnel des membres concernés du conseil municipal. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 123-10 du code de l'environnement : " I.- Quinze jours au moins avant l'ouverture de l'enquête et durant celle-ci, l'autorité compétente pour ouvrir et organiser l'enquête informe le public. L'information du public est assurée par voie dématérialisée et par voie d'affichage sur le ou les lieux concernés par l'enquête, ainsi que, selon l'importance et la nature du projet, plan ou programme, par voie de publication locale (...) ". Aux termes de l'article R. 123-11 du même code : " I.- Un avis portant les indications mentionnées à l'article R. 123-9 à la connaissance du public est publié en caractères apparents quinze jours au moins avant le début de l'enquête et rappelé dans les huit premiers jours de celle-ci dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le ou les départements concernés (...) ".

6. Les appelants soutiennent de nouveau que les dispositions précitées du code de l'environnement ont été méconnues au motif que la publication par voie de presse de l'avis d'enquête public était tardive, qu'il n'y avait pas, parmi les 14 panneaux d'affichage au sein du territoire communal, d'affichage dans leur quartier et que leurs parcelles n'apparaissaient pas clairement dans les documents mis à la disposition du public. Toutefois en se contentant en cause d'appel d'indiquer que c'est la somme de ces irrégularités qui les a privés d'une garantie ils ne contestent pas, par une telle argumentation, utilement les motifs retenus par les premiers juges pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du code de l'environnement qu'il convient d'adopter pour rejeter ce moyen en toutes ses branches.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme dans sa rédaction en vigueur : " Dans le respect des objectifs du développement durable, l'action des collectivités publiques en matière d'urbanisme vise à atteindre les objectifs suivants : 1° L'équilibre entre : a) Les populations résidant dans les zones urbaines et rurales ; b) Le renouvellement urbain, le développement urbain maîtrisé, la restructuration des espaces urbanisés, la revitalisation des centres urbains et ruraux ; c) Une utilisation économe des espaces naturels, la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières et la protection des sites, des milieux et paysages naturels (...) ". Il résulte de ces dispositions que le juge exerce un contrôle de compatibilité du plan local d'urbanisme au regard des objectifs de l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme précité en se plaçant au niveau de l'ensemble du territoire de la commune et non pas à l'échelle d'un seul secteur.

8. Il ressort des pièces du dossier, et plus particulièrement des orientations du PAAD du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Sauveur, que cette dernière s'est fixée pour objectif de " poursuivre le développement communal et économique afin de favoriser une vie à l'année et de permettre le bon accueil des populations touristiques ". L'objectif de " dynamiser la croissance démographique " fixe deux actions : " augmenter la population d'environ 150 habitants d'ici 12 ans et favoriser l'accueil d'une population permettant le renouvellement des ménages nécessaires au maintien des équipements publics et au brassage intergénérationnel ". Celui de " garantir une possibilité de développement à l'ensemble des hameaux de la commune ", celles de " prioriser le développement autour des quartiers de la Madeleine, du village, des Fachins, et du Coin " et d'" encourager le secteur du Gabion à vocation économique ". L'objectif de " conforter l'activité touristique " détermine l'action de " développer le camping de la Madeleine ". Enfin, l'orientation n° 4 fixe l'objectif de " modérer la consommation d'espace et de lutter contre l'étalement urbain dans le respect de la réglementation nationale " par trois actions : " combler prioritairement les dents creuses des parties actuellement urbanisées ; ouvrir des secteurs à l'urbanisation uniquement en continuité des enveloppes urbaines existantes, limiter la consommation d'espace qui s'impose à la commune en application des lois ENE et ALUR à environ 7 hectares ". Si tant est que le camping situé à proximité des parcelles des appelants soit bien celui visé par le règlement du plan local d'urbanisme, la création d'une vaste zone N en limite du camping de la Madeleine, où se trouvent notamment implantées les parcelles des appelants, n'est en rien en contradiction avec les objectifs précités du PADD qui sont pleinement compatibles avec ceux prévus par l'article L. 102-1 du code de l'urbanisme. Un tel classement participe d'une modération de la consommation des espaces naturels tout en permettant au camping limitrophe de la Madeleine de se développer du fait de son classement en zone UT. Par ailleurs, les secteurs de la commune ayant fait l'objet d'un classement en zone à urbaniser sont cohérents avec les objectifs du PADD qui n'imposaient en rien une consommation d'espace pour l'urbanisation à hauteur d'au moins 7 hectares, impliquant nécessairement le classement en zone à urbaniser du quartier où se trouve implantées les parcelles des appelants. Par suite, le moyen tiré de ce que le classement en zone N de ce quartier et des deux parcelles des appelants s'y trouvant implantées serait incompatibles avec les objectifs précités de l'article L. 101 2 du code de l'urbanisme ne peut qu'être écarté.

9. En quatrième lieu, en cause d'appel, comme ils l'avaient fait en première instance, les requérants invoquent une méconnaissance des dispositions de la loi du 7 janvier 1983, qui n'est pas assortie d'éléments permettant d'en apprécier le bien-fondé.

10. En cinquième lieu, les appelants, comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, ne sont pas fondés à invoquer une méconnaissance des dispositions de la loi montagne, telle qu'énoncée à l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme et qui vise à réduire les possibilités d'urbanisation, pour soutenir que ces dispositions imposeraient à la commune de classer leurs parcelles en zone à urbaniser au motif qu'elles s'inscriraient dans la continuité d'un hameau qui, en tout état de cause, ne peut être constitué par le camping de la Madeleine auquel se référent les appelants .

11. En sixième lieu aux termes de l'article R. 151-24 du code de l'urbanisme : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : 1° Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; 2° Soit de l'existence d'une exploitation forestière; 3° Soit de leur caractère d'espaces naturels ; 4° Soit de la nécessité de préserver ou restaurer les ressources naturelles ; 5° Soit de la nécessité de prévenir les risques notamment d'expansion des crues. ".

12. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Ils peuvent être amenés, à cet effet, à classer en zone naturelle, pour les motifs énoncés à l'article R. 123-8, un secteur qu'ils entendent soustraire, pour l'avenir, à l'urbanisation. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

13. Comme il a été dit plus avant au point 8 de l'arrêt, il ressort du PADD que si la commune s'est fixée pour objectif de développer l'urbanisation de la commune afin de permettre le développement de sa population et sa pérennisation notamment par le développement de l'activité touristique, cet objectif s'inscrit en cohérence avec une volonté de maitriser la consommation d'espace et de limiter l'étalement urbain en favorisant l'urbanisation en continuité des enveloppes urbaines existantes. Il ressort des pièces du dossier que les parcelles C2857, C 89 qui appartiennent aux appelants, sont pour l'une à l'état naturelle et pour la seconde implantée d'une seule maison. Ces parcelles s'inscrivent dans un vaste espace naturel qui longe le camping de la Madeleine dont les auteurs du règlement du plan local d'urbanisme ont entendu favoriser le développement en le classant en zone UT mais tout en en préservant les abords immédiats en les classant en zone N. Par suite, ce classement en zone N des parcelles concernées qui n'est par ailleurs pas utilement remis en question par une expertise tendant à démontrer qu'un classement en zone à urbaniser eut été plus judicieux, n'apparait entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation ;

14. Il résulte de tout ce qui précède que les consorts F... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur requête.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Saint-Sauveur qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser une quelconque somme aux consort F.... Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge des consorts F... la somme de 2 000 euros à verser à la commune à ce titre.

D É C I D E :

Article 1er : La requête des consorts F... est rejetée.

Article 2 : Les consorts F... verseront à la commune de Saint-Sauveur la somme globale de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... F..., premier requérant nommé, ainsi qu'à la commune de Saint-Sauveur.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2024, où siégeaient :

- M. Portail, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Angéniol, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024.

N° 23MA00389002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23MA00389
Date de la décision : 04/07/2024

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Patrice ANGENIOL
Rapporteur public ?: M. QUENETTE
Avocat(s) : LOISEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-04;23ma00389 ?
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