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04/07/2024 | FRANCE | N°22MA02124

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 3ème chambre, 04 juillet 2024, 22MA02124


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... C... et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2014 et de la cotisation foncière des entreprises au titre de l'année 2016, qui leur ont été réclamés en qualité de redevables subsidiaires des taxes dues par la SCI Maréchal Leclerc.



Par un jugement no 2111323 du 28 juin 2022, le tribunal administratif de Mars

eille a rejeté leur demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2014 et de la cotisation foncière des entreprises au titre de l'année 2016, qui leur ont été réclamés en qualité de redevables subsidiaires des taxes dues par la SCI Maréchal Leclerc.

Par un jugement no 2111323 du 28 juin 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 juillet 2022, M. et Mme C..., représentés par Me Andjerakian-Notari, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 28 juin 2022 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et des majorations en litige ;

3°) de mettre la somme de 2 000 euros à la charge de l'État en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le prix d'acquisition des parcelles par la SCI Maréchal Leclerc doit être majoré des frais correspondant aux charges exposées pour les opérations en question, à hauteur de 60 360 euros ;

- la SCI Maréchal Leclerc n'a pas récupéré la taxe sur la valeur ajoutée acquittée sur les factures en question ;

- elle ne dispose d'aucun local soumis à la taxe foncière ;

- son résultat pour l'année 2016 était négatif à hauteur de 27 149 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que les opérations concernées n'entraient pas dans le champ du régime de la taxation sur marge.

Un mémoire a été enregistré en réponse à cette mesure d'information le 7 juin 2024 pour le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, qui s'en remet à la sagesse de la cour, et demande à titre subsidiaire la taxation de la valeur ajoutée sur le prix total, dans la limite des rappels notifiés.

Un mémoire a été enregistré en réponse à cette mesure d'information le 11 juin 2024 pour M. C....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'arrêt C-299/20 de la Cour de justice de l'Union européenne du 30 septembre 2021 ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. Mérenne,

- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... est associé à hauteur de 10 % de la SCI Maréchal Leclerc, soumise au régime des sociétés de personnes. La SCI a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale, après avoir constaté que la taxe sur la valeur ajoutée collectée à l'occasion de la cession de trois parcelles de terrain à bâtir acquises en vue de leur revente le 19 mars 2014 n'avait pas été déclarée, lui a notifié un rappel de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014. Par un avis de mise en recouvrement du 20 février 2018, l'administration a réclamé à M. C..., en tant que redevable subsidiaire, le paiement de 10 % de ce rappel de taxe sur la valeur ajoutée et de la cotisation foncière des entreprises due par la société au titre de l'année 2016. M. et Mme C... font appel du jugement du 28 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions et des majorations correspondantes.

Sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

2. Le I de l'article 257 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige, prévoit que les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles, lesquelles comprennent les livraisons à titre onéreux de terrains à bâtir, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. En vertu du b. du 2 de l'article 266 du même code, l'assiette de la taxe est en principe constituée par le prix de cession.

3. L'article 392 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée dispose toutefois que : " Les États membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n'a pas eu droit à déduction à l'occasion de l'acquisition, la base d'imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d'achat ". Il résulte de ces dispositions telles qu'interprétées par la Cour de Justice de l'Union Européenne, dans son arrêt du 30 septembre 2021, Icade promotion SAS (C-299-20) que le régime de la taxation à la marge peut s'appliquer à des opérations de livraison de terrains à bâtir aussi bien lorsque leur acquisition a été soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, sans que l'assujetti qui les revend ait eu le droit de déduire cette taxe, que lorsque leur acquisition n'a pas été soumise à la taxe sur la valeur ajoutée alors que le prix auquel l'assujetti-revendeur a acquis ces biens incorpore un montant de taxe sur la valeur ajoutée qui a été acquitté en amont par le vendeur initial. Toutefois, en dehors de cette hypothèse, cette disposition ne s'applique pas à des opérations de livraison de terrains à bâtir dont l'acquisition initiale n'a pas été soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, soit qu'elle se trouve en dehors de son champ d'application, soit qu'elle s'en trouve exonérée.

4. L'article 268 du code général des impôts, pris pour la transposition de ces dispositions, prévoit que : " S'agissant de la livraison d'un terrain à bâtir (...), si l'acquisition par le cédant n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d'imposition est constituée par la différence entre : / 1° D'une part, le prix exprimé et les charges qui s'y ajoutent ; / 2° D'autre part, selon le cas : / a) soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l'acquisition du terrain ou de l'immeuble ; / b) soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu'il a effectués (...) ".

5. Il résulte de l'instruction que la SCI Maréchal Leclerc a acquis des terrains à bâtir à La Miolane le 19 mars 2014 auprès d'un vendeur particulier n'ayant pas la qualité d'assujetti sans que cette opération ait été soumise à la taxe sur la valeur ajoutée. Par ailleurs, il n'est pas justifié que le prix d'acquisition aurait incorporé un montant de taxe acquittée en amont par le vendeur initial. Par suite, les opérations de revente des terrains à bâtir n'entraient pas dans le champ d'application des dispositions de l'article 268 du code général des impôts.

6. Il résulte de la combinaison des dispositions du a) du paragraphe 1 de l'article 2 et du k) du paragraphe 1 de l'article 135 de la directive 2006/112/CE que toute livraison de terrains à bâtir réalisée à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel doit, en principe, être soumise à la TVA. Le régime de taxation sur la marge, prévu à l'article 392 de cette directive, constitue une dérogation au régime de droit commun de l'article 73 de la même directive en vertu duquel la TVA est calculée sur la totalité du prix de vente. Dès lors que les dispositions combinées des 6° et 7° de l'article 257 et de l'article 268 du code général des impôts ne sont incompatibles avec la directive 2006/112/CE qu'en tant qu'elles soumettent les opérations décrites au point 5 à une TVA calculée sur la marge et non à la TVA calculée sur le prix total, M. C... ne peut utilement invoquer le régime de la taxation sur la marge pour demander la décharge du rappel mis à sa charge, calculés sur la seule marge.

7. L'administration est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, de justifier une imposition par un nouveau fondement juridique, à la condition qu'une telle substitution de base légale ne prive le contribuable d'aucune des garanties de procédure prévues par la loi.

8. Le ministre demande en appel que soit substituée la base légale constituée par l'article 267 du code général des impôts, constituée par la taxe sur la valeur ajoutée sur le prix total, à la base initialement retenue par l'administration fiscale, et ce dans la limite des redressements prononcés. Contrairement à ce que soutient le contribuable, cette substitution de base légale n'a privé la SCI d'aucune garantie, dès lors que le litige l'opposant à l'administration fiscale n'entrait pas dans le champ de la compétence de la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires. Il y a, par suite, lieu d'accepter la demande de substitution de base légale, dans la limite des redressements prononcés. La majoration du prix d'acquisition des terrains sollicitée par le contribuable, au demeurant injustifiée et infondée, est dans ces conditions sans incidence.

Sur la cotisation foncière des entreprises :

9. Le tribunal administratif a écarté les moyens dirigés contre la cotisation foncière des entreprises par des motifs appropriés, figurant au point 10 du jugement attaqué, qui ne sont pas contestés et qu'il convient d'adopter en appel.

10. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande. Leur requête doit donc être rejetée, y compris leurs conclusions relatives aux frais non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et à Mme B... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée pour information à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2024, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- M. Platillero, président-assesseur,

- M. Mérenne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024.

2

No 22MA02124


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA02124
Date de la décision : 04/07/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: M. Sylvain MERENNE
Rapporteur public ?: M. URY
Avocat(s) : CABINET ANDJERAKIAN - NOTARI

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-04;22ma02124 ?
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