Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... L..., M. B... N..., M. J... M..., M. et Mme E..., M. et Mme D... P..., M. et Mme G..., M. A... O..., Mme H... I... et M. K... F... ont demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 8 octobre 2019 par lequel le maire d'Antibes ne s'est pas opposé à la déclaration préalable n° DP 06004 19 A0368 déposée le 23 août 2019 par la société par actions simplifiée (SAS) Free Mobile en vue de la création d'une station relais de téléphonie mobile sur la parcelle cadastrée section HD n° 92 située 360 chemin des Vieux Brusquets sur le territoire communal.
Par un jugement n° 1905860 du 18 mai 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 18 juillet 2022, M. N..., Mme L..., M. M..., M. et Mme E..., M. et Mme D... P..., M. et Mme G..., M. O... et M. F..., représentés par Me Deldique, demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 18 mai 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du maire d'Antibes du 8 octobre 2019 ;
3°) de mettre à la charge de la SAS Free Mobile et de la commune d'Antibes la somme globale de 3 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le dossier de la déclaration préalable est insuffisant en ce qui concerne les modalités juridiques et matérielles de la desserte et de l'accès au projet ;
- le dossier est également insuffisant en ce qui concerne l'insertion paysagère ;
- le projet méconnaît les dispositions des articles UD 3, UD 7 et UD 8 du règlement du plan local d'urbanisme ;
- il méconnait également l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme au regard du risque sanitaire ;
- il méconnaît le principe de précaution.
Par un mémoire en défense enregistré le 2 novembre 2022, la commune d'Antibes, représentée par Me Pontier, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. N... et des autres requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- M. N... et les autres requérants ne justifient pas d'un intérêt leur donnant qualité pour demander l'annulation de l'arrêté attaqué ;
- les moyens soulevés par M. N... et les autres requérants ne sont pas fondés.
Un mémoire enregistré le 16 octobre 2023 pour les requérants n'a pas été communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution du 4 octobre 1958 et son préambule ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. d'Izarn de Villefort,
- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,
- et les observations de Me Mascaro, représentant M. N... et les autres requérants, et de Me Durand, représentant la commune d'Antibes.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 8 octobre 2019, le maire d'Antibes ne s'est pas opposé à la déclaration préalable déposée le 23 août 2019 par la société par actions simplifiée (SAS) Free Mobile en vue de la création d'une station relais de téléphonie mobile sur la parcelle cadastrée section HD n° 92 située 360 chemin des Vieux Brusquets sur le territoire communal. M. N... et les autres requérants relèvent appel du jugement du 18 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, aux termes aux termes de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme : " Les demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : / a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ; / b) Soit, en cas d'indivision, par un ou plusieurs co-indivisaires ou leur mandataire ; / c) Soit par une personne ayant qualité pour bénéficier de l'expropriation pour cause d'utilité publique ". Aux termes de l'article R. 431-35 du même code : " La déclaration préalable précise : (...) La déclaration comporte également l'attestation du ou des déclarants qu'ils remplissent les conditions définies à l'article R. 423-1 pour déposer une déclaration préalable. / Aucune autre information ou pièce ne peut être exigée par l'autorité compétente. ". L'article R. 431-36 de ce code dispose : " Le dossier joint à la déclaration comprend : / a) Un plan permettant de connaître la situation du terrain à l'intérieur de la commune ; / b) Un plan de masse coté dans les trois dimensions lorsque le projet a pour effet de créer une construction ou de modifier le volume d'une construction existante ; / c) Une représentation de l'aspect extérieur de la construction faisant apparaître les modifications projetées et si le projet a pour effet de modifier celui-ci ; (...) Il est complété, s'il y a lieu, par les documents mentionnés aux a et b de l'article R. 431-10 (...) Aucune autre information ou pièce ne peut être exigée par l'autorité compétente. ". Aux termes de l'article R. 431-10 du même code : " Le projet architectural comprend également : (...) / c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; (...) ".
3. D'une part, il ne résulte d'aucune disposition du code de l'urbanisme régissant la composition du dossier accompagnant une déclaration préalable que celle-ci doive préciser, notamment sur le plan de masse, l'emplacement et les caractéristiques de la servitude de passage permettant le cas échéant d'y accéder, les autorisations d'urbanisme étant d'ailleurs accordées sous réserve du droit des tiers. Alors même que, ni le plan de situation, ni le plan de masse n'ont à indiquer les conditions de desserte du projet, le plan de situation, le plan cadastral, le plan de ville et une vue aérienne font apparaître le maillage viaire aux alentours du projet. D'autre part, le dossier de déclaration, qui porte sur l'installation d'un pylône de 12 m de hauteur intégré dans un faux arbre, dont la hauteur totale atteint 13 m avec les deux antennes dissimulées, comporte deux photographies de l'état existant et quatre photomontages de nature à permettre au service instructeur d'apprécier en particulier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages ainsi que son impact visuel. Par suite, le moyen tiré de la composition irrégulière du dossier doit être écarté en toutes ses branches.
4. En deuxième lieu, les requérants reprennent en appel les moyens qu'ils avaient invoqués en première instance et tirés de ce que le projet méconnaît les dispositions des articles UD 3, UD 7 et UD 8 du règlement du plan local d'urbanisme. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Nice aux points 9 à 17 de son jugement.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ".
6. Il appartient à l'autorité d'urbanisme compétente et au juge de l'excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d'atteintes à la salubrité ou à la sécurité publique permettent d'octroyer un permis de construire sur le fondement de ces dispositions, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent.
7. D'une part, il est constant que le terrain d'assiette du projet est situé en secteur B2 du plan de prévention des risques naturels prévisibles d'incendie de forêt de la commune d'Antibes, qui correspond à une zone de danger faible. L'article 3 du règlement de ce plan applicable à ce secteur prescrit, s'agissant des voies d'accès nouvellement créées dans le cadre de la réalisation d'une opération d'urbanisme individuelle, une bande de roulement d'une largeur minimum de 3 mètres et précise que, en cas d'accès en cul-de-sac, celui-ci doit être de longueur inférieure à 60 m ou être équipé en bout d'une aire ou d'un triangle de retournement. Si les requérants soutiennent que la largeur de la voie d'accès au projet existante est inférieure à 5 m et que cette largeur ne permet pas le retournement des engins de lutte contre l'incendie, il résulte des différents plans et des photographies joints à la déclaration préalable en litige que la voie d'accès présente un virage à angle droit au niveau du fond de parcelle et que les engins peuvent y manœuvrer. Par ailleurs, l'article 7 du règlement du secteur B2 du plan de prévention des risques naturels prévisibles d'incendie de forêt rappelle que " pour lutter efficacement contre les incendies de forêt et en limiter les conséquences, il est nécessaire, à proximité des constructions, de réduire la biomasse facilement combustible par débroussaillement, de disposer d'eau en quantité et pression suffisantes et de pouvoir circuler sans risque sur les voies d'accès " et dispose que le débroussaillement et le maintien en état débroussaillé sont obligatoires notamment aux abords des installations de toute nature, sur une profondeur de 50 m, ainsi que des voies privées y donnant accès, sur une profondeur de 10 m de part et d'autre de la voie. L'article 7 de l'arrêté préfectoral n° 2014-452 du 10 juin 2014 portant règlement permanent du débroussaillement obligatoire et du maintien en état débroussaillé dans le département des Alpes-Maritimes prescrit une obligation de portée identique. Alors même que le maire d'Antibes aurait pu rappeler ces dispositions dans son arrêté, en s'abstenant de procéder à un simple rappel de ces obligations légales, il n'a entaché sa décision d'aucune erreur manifeste d'appréciation en n'opposant pas à la SAS Free Mobile les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.
8. D'autre part, l'antenne-relais en litige est soumise aux dispositions du décret n° 2002-775 du 3 mai 2002 pris en application du 12° de l'article L. 32 du code des postes et télécommunications et relatif aux valeurs limites d'exposition du public aux champs électromagnétiques émis par les équipements utilisés dans les réseaux de télécommunication ou par les installations radioélectriques. La circonstance que des valeurs limites d'exposition ont ainsi été définies, lesquelles devront être respectées par cette installation, ne révèle pas l'existence d'un risque sanitaire suffisamment grave pour justifier l'application de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. Les requérants se prévalent aussi de résolutions du Conseil de l'Europe et du Parlement Européen, de la classification des champs électromagnétiques de radiofréquences au sein de la catégorie " peut-être cancérogènes pour l'Homme " par le Centre International de recherche contre le cancer ainsi que d'un avis rendu le 20 juin 2016 par l'Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l'Alimentation, de l'Environnement et du Travail (ANSES) au vu d'une étude relative aux effets des radiofréquences sur la santé des enfants. Bien que cette agence ait ainsi recommandé de revoir ces valeurs limites précitées afin d'accroître les marges de sécurité pour protéger la santé et la sécurité de la population, particulièrement celles des enfants, elle insiste surtout sur les risques liés à l'exposition aux ondes électromagnétiques et aux radiofréquences émises par les téléphones portables. En conséquence, en l'état essentiellement des connaissances scientifiques, l'arrêté attaqué n'est pas sur ce point entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.
9. En quatrième lieu, il est énoncé à l'article 5 de la Charte de l'environnement, à laquelle le Préambule de la Constitution fait référence en vertu de la loi constitutionnelle du 1er mars 2005 que : " Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en œuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ".
10. S'il appartient à l'autorité administrative compétente de prendre en compte le principe de précaution, énoncé par l'article 5 de la Charte de l'environnement et auquel se réfère l'article L. 110-1 du code de l'environnement, lorsqu'elle se prononce sur l'octroi d'une autorisation délivrée en application de la législation sur l'urbanisme, les dispositions de l'article 5 de la Charte ne permettent pas, indépendamment des procédures d'évaluation des risques et des mesures provisoires et proportionnées susceptibles, le cas échéant, d'être mises en œuvre par les autres autorités publiques dans leur domaine de compétence, de refuser légalement la délivrance d'une autorisation d'urbanisme en l'absence d'éléments circonstanciés sur l'existence, en l'état des connaissances scientifiques, de risques, même incertains, de nature à justifier un tel refus d'autorisation.
12. En l'espèce, M. N... et les autres requérants, qui excipent des études et des éléments mentionnés au point précédent, font valoir que le projet est situé à moins de 10 m d'habitations et des jeux d'enfants et qu'il met la santé des riverains en danger. Ils se prévalent, en outre, d'un autre avis émis par l'ANSES daté du 12 avril 2021 relatif à l'exposition de la population aux champs électromagnétiques liée au déploiement de la technologie de communication " 5G " et effets sanitaires associés. Toutefois, ces documents, s'ils relèvent l'absence d'études scientifiques portant sur les effets éventuels sur la santé de l'exposition aux champs électromagnétiques, spécifiquement dans les nouvelles bandes de fréquences prévues pour la 5G, n'apportent aucun élément circonstancié de nature à établir l'existence, en l'état des connaissances scientifiques, d'un risque pouvant résulter, pour le public, de son exposition aux champs électromagnétiques émis par les antennes relais de téléphonie mobile et justifiant que, indépendamment des procédures d'évaluation des risques et des mesures provisoires et proportionnées susceptibles, le cas échéant, d'être mises en œuvre par les autorités compétentes, qu'il soit fait opposition à la déclaration préalable déposée par la SAS Free Mobile. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de précaution doit être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance par la commune d'Antibes, M. N... et les autres requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande.
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Antibes, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. N... et les autres requérants au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. N... et des autres requérants une somme de 2 000 euros au titre des frais de même nature exposés par la commune d'Antibes.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. N... et des autres requérants est rejetée.
Article 2 : M. N... et les autres requérants pris ensemble verseront à la commune d'Antibes une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... N..., Mme C... L..., M. J... M..., M. et Mme E..., M. et Mme D... P..., M. et Mme G..., M. A... O..., M. K... F... et à la commune d'Antibes.
Copie sera adressée à la SAS Free Mobile.
Délibéré après l'audience du 20 juin 2024, où siégeaient :
- M. Portail, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- M. Angéniol, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024.
N° 22MA02013 2