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02/07/2024 | FRANCE | N°23MA03072

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 4ème chambre, 02 juillet 2024, 23MA03072


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 13 octobre 2023 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de titre de séjour en qualité de protégé international, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination.



Par un jugement n° 2305571 du 12 décembre 2023, la magistrate désignée du tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de

M. A....



Procédure devant la Cour :



Par une requête, enregistrée le 20 décembre 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 13 octobre 2023 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de titre de séjour en qualité de protégé international, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination.

Par un jugement n° 2305571 du 12 décembre 2023, la magistrate désignée du tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de M. A....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 décembre 2023, M. A..., représenté par Me Sarwary, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2305571 du 12 décembre 2023 du tribunal administratif de Nice ainsi que l'arrêté du 13 octobre 2023 du préfet des Alpes-Maritimes ;

2°) d'enjoindre au préfet des Alpes Maritimes de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", conformément aux dispositions de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et, sur le fondement de l'article L. 911-1 et 2 du code de justice administrative, de lui délivrer une carte de séjour " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois suivant la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'expiration de ce délai ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen sérieux des circonstances de l'espèce ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, à la date de l'arrêté en litige, il avait formulé une demande d'aide juridictionnelle qui a suspendu le délai de recours contre la décision du 30 mars 2023 par laquelle l'office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'asile ;

- la décision qui fixe le pays de retour méconnaît l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation compte tenu des risques auxquels les kurdes ayant refusé d'effectuer leur service militaire sont exposés en Turquie ;

- la décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides méconnaît les articles L. 711-1 et L. 712-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'un défaut de motivation dès lors que le préfet ne mentionne pas qu'il est d'ethnie kurde ;

- les décisions contestées méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le préfet a méconnu la particularité de sa situation de demandeur d'asile ;

- le refus de séjour est entaché d'un défaut de base légale dès lors qu'il est demandeur d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée des mêmes illégalités et est de surcroît illégale à raison de l'illégalité du refus de séjour.

La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par ordonnance du 26 février 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 mars 2024 à 12 heures.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 26 avril 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. Martin.

Considérant ce qui suit :

1. Entré en France au cours du mois de novembre 2022, M. A..., ressortissant turc né le 4 octobre 1990, a sollicité l'asile le 15 décembre 2022. A la suite de la décision du 30 mars 2023 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté cette demande, le préfet des Alpes-Maritimes a pris le 13 octobre 2023 un arrêté refusant l'admission au séjour au titre de l'asile de M. A.... Par ce même arrêté, le préfet lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays destination. Par un jugement n° 2305571 du 12 décembre 2023, la magistrate désignée du tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de cet arrêté. Il s'agit du jugement dont M. A... relève appel dans la présente instance.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 541-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français ". Aux termes de l'article L. 541-2 du même code : " L'attestation délivrée en application de l'article L. 521-7, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la Cour nationale du droit d'asile statuent ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " (...) Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci. ". Aux termes de l'article L. 532-1 du même code : " La Cour nationale du droit d'asile (...) statue sur les recours formés contre les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (...). / A peine d'irrecevabilité, ces recours doivent être exercés dans le délai d'un mois à compter de

la notification de la décision de l'office, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. ". Aux termes de l'article 9-4 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique :

" Devant la Cour nationale du droit d'asile, le bénéfice de l'aide juridictionnelle est de plein droit, sauf si le recours est manifestement irrecevable. / L'aide juridictionnelle est sollicitée dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Lorsqu'une demande d'aide juridictionnelle est adressée au bureau d'aide juridictionnelle de la cour, le délai prévu au premier alinéa de l'article L. 731-2 [repris à l'article L. 532-1] du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est suspendu et un nouveau délai court, pour la durée restante, à compter de la notification de la décision relative à l'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle

(...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier, notamment du relevé des informations de la base de données " TelemOfpra " produit en première instance par le préfet des Alpes-Maritimes, dont les mentions font foi jusqu'à preuve du contraire, ainsi que des autres documents produits par le requérant, qu'à la suite du rejet de sa demande d'asile par une décision du 30 mars 2023 du directeur général de l'OFPRA, qui lui a été notifiée le 11 juin 2023, M. A... a, dès le 13 juin 2023, soit dans le délai de quinze jours prévu à l'article 9-4 précité de la loi du 10 juillet 1991, déposé une demande d'aide juridictionnelle qui a eu pour effet de suspendre le délai de recours d'un mois prévu par l'article L. 532-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auprès du bureau d'aide juridictionnelle près de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) lequel, par une décision du 2 octobre 2023, l'a admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. A la suite de cette décision et dans le délai restant à courir, l'intéressé a formé le 31 octobre 2023 un recours devant la CNDA contre la décision du 30 mars 2023 du directeur général de l'OFPRA. Par ailleurs, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier et il n'est d'ailleurs pas soutenu par le préfet des Alpes-Maritimes, qui n'a pas produit d'observations en défense, que M. A... aurait relevé de l'un des cas où, en application de l'article L. 542-2 du même code, son droit de se maintenir sur le territoire français aurait pris fin dès l'intervention de la décision de l'OFPRA. Dans ces conditions, à la date de l'arrêté contesté, soit le 13 octobre 2023, M. A... bénéficiait encore du droit au maintien sur le territoire. Par suite, le requérant est fondé à soutenir qu'en l'obligeant, par cet arrêté, à quitter le territoire français, le préfet des Alpes-Maritimes a méconnu son droit au maintien sur le territoire français qu'il tient des dispositions précitées de l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, pour ce motif, à en demander l'annulation ainsi que, par voie de conséquence, celle de la décision fixant le pays de destination.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement ni sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 octobre 2023 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé son admission au séjour au titre de l'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays destination.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. L'annulation de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes implique la délivrance d'une attestation de demande d'asile à l'intéressé dans la mesure où la CNDA n'aurait pas statué sur sa demande d'asile, ce dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, ou, dans le cas inverse, que l'autorité préfectorale le munisse d'une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours et se prononce à nouveau sur sa situation dans un délai de deux mois à compter de cette notification. Par conséquent, il y a lieu d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de procéder à ces mesures, sans qu'il soit nécessaire d'assortir une telle injonction de l'astreinte sollicitée par l'appelant.

Sur les frais liés au litige :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Me Sarwary, conseil de M. A..., sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2305571 du 12 décembre 2023 du tribunal administratif de Nice et l'arrêté du 13 octobre 2023 du préfet des Alpes-Maritimes sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer une attestation de demandeur d'asile à M. A... dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt si la Cour nationale du droit d'asile n'a pas statué sur son recours du

31 octobre 2023 ou, dans le cas inverse, de le mettre en possession d'une autorisation provisoire de séjour dans ce même délai de quinze jours et de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois.

Article 3 : L'Etat versera à Me Sarwary la somme de 1 500 euros sur le fondement de dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Sarwary et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nice.

Délibéré après l'audience du 18 juin 2024, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Martin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition du greffe, le 2 juillet 2024.

N° 23MA03072 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA03072
Date de la décision : 02/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Stéphen MARTIN
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : SARWARY

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-02;23ma03072 ?
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