Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile immobilière (SCI) Domaine de Corcone a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 26 mars 2021 par lequel le maire de Bonifacio a refusé de lui délivrer un permis de construire en vue de la rénovation et de l'agrandissement d'une villa avec piscine, sur la parcelle anciennement cadastrée section L n° 419, située au
lieu-dit Corcone, ensemble la décision implicite portant rejet de son recours gracieux.
Par un jugement n° 2100735 du 6 avril 2023, le tribunal administratif de Bastia a annulé cet arrêté du maire de Bonifacio du 26 mars 2021 en tant qu'il porte refus d'autoriser la surélévation et l'agrandissement de cette villa et, dans la même mesure, la décision portant rejet du recours gracieux présenté par la SCI Domaine de Corcone, avant de rejeter le surplus des conclusions de la demande de première instance.
Procédure devant la Cour :
Par un recours, enregistré le 7 juin 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires demande à la Cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 6 avril 2023 et de rejeter la demande de première instance présentée par la SCI Domaine de Corcone en son entier.
Il soutient que :
- son recours est recevable dès lors qu'il a qualité pour relever appel de ce jugement par application des articles R. 811-1 du code de justice administrative et L. 422-6 du code de l'urbanisme ;
- le projet porté par la SCI Domaine de Corcone constitue une extension de l'urbanisation et méconnaît ainsi les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, telles que précisées par le plan d'aménagement et de développement durable de Corse (PADDUC) ; en jugeant le contraire, le tribunal administratif de Bastia a commis une erreur d'appréciation.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 28 décembre 2023 et 12 mars 2024, la société civile immobilière (SCI) Domaine de Corcone, représentée par Me Poletti, conclut au rejet du recours et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que le moyen soulevé par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires n'est pas fondé et qu'elle entend se référer à l'intégralité des moyens qu'elle a invoqués et des pièces qu'elle a produites en première instance.
La procédure a été communiquée à la commune de Bonifacio qui n'a pas produit de mémoire.
Par une ordonnance du 1er mars 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 mars 2024, à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lombart,
- et les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique.
Une note en délibéré, présentée pour la SCI Domaine de Corcone, par Me Poletti, a été enregistrée le 23 mai 2024.
Considérant ce qui suit :
1. Le 13 janvier 2021, la société civile immobilière (SCI) Domaine de Corcone a déposé, auprès du service de l'urbanisme de la commune de Bonifacio, une demande de permis de construire en vue de la rénovation et de l'agrandissement d'une villa sise sur la parcelle anciennement cadastrée section L n° 419 et aujourd'hui cadastrée section L n° 1756, sur le territoire communal, avec la création d'une piscine. Après que le préfet de la Corse-du-Sud a émis, le 23 mars 2021, dans les conditions prévues à l'article L. 422-6 du code de l'urbanisme, un avis défavorable à ce projet, le maire de Bonifacio a, par un arrêté du 26 mars 2021, refusé de faire droit à cette demande. Par un jugement du 6 avril 2023, dont le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires relève appel, le tribunal administratif de Bastia a annulé cet arrêté en tant qu'il porte refus d'autoriser la surélévation et l'agrandissement de cette villa et, dans la même mesure, la décision portant rejet du recours gracieux présenté par la SCI Domaine de Corcone, avant de rejeter le surplus des conclusions de la demande de première instance.
Sur l'étendue des conclusions du recours du ministre :
2. Quoique le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires demande à la Cour l'annulation de l'entier jugement rendu le 6 avril 2023 par le tribunal administratif de Bastia, il ne conteste pas, dans ses écritures, le rejet des conclusions présentées par la SCI Domaine de Corcone devant les premiers juges tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Bonifacio du 26 mars 2021 en tant qu'il porte refus d'autoriser les travaux relatifs à la création d'une piscine et de sa terrasse et, dans cette même mesure, de la décision portant rejet du recours gracieux. Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires doit donc être regardé comme demandant l'annulation de ce jugement uniquement en ce qu'il annule cet arrêté en tant qu'il porte refus d'autoriser la surélévation et l'agrandissement de la villa existante ainsi que cette décision portant rejet du recours gracieux dans la même mesure.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. D'une part, aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi susvisée du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique : " L'extension de l'urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants. (...) ". En adoptant ces dispositions, le législateur a entendu interdire en principe toute opération de construction isolée dans les communes du littoral. Toutefois, le simple agrandissement d'une construction existante, c'est-à-dire une extension présentant un caractère limité au regard de sa taille propre, de sa proportion par rapport à la construction et de la nature de la modification apportée, ne peut être regardé comme une extension de l'urbanisation prohibée par ces dispositions. Le caractère de l'agrandissement envisagé s'apprécie par comparaison avec l'état de la construction initiale, sans qu'il y ait lieu de tenir compte des éventuels agrandissements intervenus ultérieurement. S'agissant toutefois des constructions antérieures à la loi du 3 janvier 1986, le caractère de l'agrandissement envisagé s'apprécie par comparaison avec l'état de la construction à la date d'entrée en vigueur de cette loi.
4. D'autre part, si le plan d'aménagement et de développement durable de Corse (PADDUC) prévoit notamment que, sur l'ensemble du territoire communal, l'extension des constructions existantes doit demeurer limitée, ces précisions, apportées conformément au I de l'article L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales, ne sont pas incompatibles avec les dispositions précitées de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme telles qu'interprétées au point précédent du présent arrêt.
5. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, et en particulier des documents cartographiques et photographiques qui y sont joints, complétés par les données publiques de référence produites par l'Institut géographique national (IGN) et librement accessibles au public sur le site Internet geoportail.gouv.fr., que la parcelle anciennement cadastrée section L n° 419, qui constitue le terrain d'assiette du projet porté par la SCI Domaine de Corcone et sur laquelle est déjà implantée une villa, présente une superficie de 5 745 m2 et s'inscrit dans un secteur caractérisé par une urbanisation diffuse. Comme la SCI Domaine de Corcone l'a d'ailleurs reconnu dans sa demande de première instance, ce terrain d'assiette ne se trouve ainsi pas en continuité avec les agglomérations et villages existants au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, telles que précisées par le PADDUC. Toutefois, le projet litigieux, pour sa partie déférée à la Cour, consiste en la rénovation de cette villa, qui constitue une maison d'habitation à usage de résidence secondaire et qui présente une surface de plancher de 208,47 m2, et en son agrandissement par surélévation aboutissant à une surface de plancher supplémentaire de 166,31 m2. Au regard de sa taille propre, de sa proportion par rapport à la construction et de sa nature consistant en une surélévation par superposition, sans constitution d'un logement autonome, ce projet doit être regardé, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif de Bastia, comme un simple agrandissement de la construction existante et une extension limitée de celle-ci au sens du PADDUC. Il s'ensuit que ce projet ne constitue pas une extension de l'urbanisation au sens des dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme précité, telles que précisées par le PADDUC. Par suite, le motif de refus opposé par le maire de Bonifacio, à la suite de l'avis émis par le préfet de la Corse-du-Sud, tenant à la méconnaissance de ces dispositions est entaché d'illégalité.
6. Il résulte de ce qui précède que le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué,
le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté du maire de Bonifacio du 26 mars 2021 en tant qu'il porte refus d'autoriser la surélévation et l'agrandissement de la villa existante ainsi que, dans cette même mesure, la décision implicite portant rejet du recours gracieux présenté par la SCI Domaine de Corcone.
Sur les frais liés au litige :
7. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. "
8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur le fondement de ces dispositions par la SCI Domaine de Corcone.
D E C I D E :
Article 1er : Le recours du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires est rejeté.
Article 2 : Les conclusions présentées par la SCI Domaine de Corcone tendant au bénéfice de l'article L. 761-1du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, à la commune de Bonifacio et à la société civile immobilière (SCI) Domaine de Corcone.
Copie en sera adressé au préfet de la Corse-du-Sud.
Délibéré après l'audience du 22 mai 2024, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Lombart, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juillet 2024.
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No 23MA01424
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