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02/07/2024 | FRANCE | N°23MA01339

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 4ème chambre, 02 juillet 2024, 23MA01339


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2019 par lequel le maire de Gignac-la-Nerthe lui a infligé la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire des fonctions pour une durée de dix-sept mois, assortie d'un sursis de six mois, et de mettre à la charge de la commune de Gignac-la-Nerthe une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Par un juge

ment n° 2001786 du 22 mars 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa dem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2019 par lequel le maire de Gignac-la-Nerthe lui a infligé la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire des fonctions pour une durée de dix-sept mois, assortie d'un sursis de six mois, et de mettre à la charge de la commune de Gignac-la-Nerthe une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2001786 du 22 mars 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 mai 2023 et 29 mars 2024, M. A..., représenté par Me Susini, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 22 mars 2023 ;

2°) d'annuler cet arrêté du maire de Gignac-la-Nerthe du 20 décembre 2019 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Gignac-la-Nerthe une somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la critique du jugement attaqué du 22 mars 2023 :

- le tribunal administratif de Marseille, qui semble avoir dénaturé la portée de ses arguments, ne pouvait pas retenir, sur la base du seul témoignage stéréotypé de sept agents, et non l'ensemble des agents du service, que les griefs relatifs à la consommation d'alcool et à la tolérance de cette consommation étaient " matériellement exacts " et de nature à justifier le prononcé de sanctions disciplinaires à son encontre ;

- le tribunal administratif de Marseille ne pouvait davantage retenir, d'après les seuls éléments du dossier, que les faits qui lui étaient reprochés étaient récurrents et qu'ils se seraient déroulés sur plusieurs mois, voire plusieurs années ; ce faisant, le tribunal a entaché sa décision d'une insuffisance de motivation ;

- c'est également à tort que le tribunal administratif de Marseille a retenu comme établi le grief tenant à sa connaissance et à son cautionnement de pratiques portant atteinte à la dignité des fonctions de policier municipal, qui se traduisaient par le fait d'affubler certains agents de surnoms dégradants et la tenue de propos indignes de ses fonctions alors qu'au contraire, il a lutté contre ces pratiques ;

- le tribunal administratif de Marseille a retenu à tort que la sanction litigieuse était proportionnée ;

Sur la légalité de l'arrêté du 20 décembre 2019 :

- la commune de Gignac-la-Nerthe ne pouvait prendre de nouvelle sanction à son égard sans l'avoir préalablement réintégré de manière effective ;

- la matérialité des faits qu'il a toujours contestée n'est pas établie ;

- la sanction est disproportionnée ;

- le mémoire en défense de la commune de Gignac-la-Nerthe procède d'un aveu judiciaire au sens de l'article 1383-2 du code civil et il révèle un vice de procédure tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 532-4 du code général de la fonction publique, anciennement contenues à l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la commune de Gignac-la-Nerthe n'a pas fait montre d'impartialité ;

- la commune de Gignac-la-Nerthe a méconnu, dans le cadre de la procédure disciplinaire, les principes de confidentialité et de préservation de sa vie privée ;

- lanceur d'alerte, il ne pouvait pas, conformément aux dispositions de l'article 6 ter a) de la loi du 13 juillet 1983, faire l'objet d'une sanction ;

- il a fait l'objet d'une rupture d'égalité ;

- l'arrêté contesté du maire de Gignac-la-Nerthe est entaché d'un détournement de pouvoir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 août 2023, la commune de Gignac-la-Nerthe, représentée par Me Jean-Pierre, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- s'agissant de la prétendue disproportion de la sanction, le moyen tiré de ce que M. A... aurait eu de nombreuses appréciations positives et des félicitations permettant de démontrer une constance dans l'exercice de ses fonctions est inopérant ;

- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.

Un courrier du 9 février 2024, adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code.

Par une ordonnance du 3 mai 2024, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lombart,

- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,

- et les observations de Me Susini, représentant M. A..., et celles de Me Brunière, représentant la commune de Gignac-la-Nerthe.

Une note en délibéré, présentée pour M. A..., par Me Susini, a été enregistrée le 21 juin 2024.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a été recruté par la commune de Gignac-la-Nerthe le 2 juillet 1996 en qualité de policier municipal, au grade de gardien principal, puis, à compter du 1er juin 2001, comme brigadier-chef principal. A compter du 5 octobre 2011, il s'est vu confier les fonctions de chef de poste. Par un arrêté du 24 juillet 2015, M. A... a été nommé, à compter du 1er août 2015, dans le grade de chef de police municipale stagiaire, sur le poste de chef de service de la police municipale. Toutefois, le 24 mai 2016, une procédure disciplinaire a été engagée à son encontre et, par un arrêté du 6 juin 2016, le maire de Gignac-la-Nerthe a mis fin à son stage à compter du 1er juin 2016, a refusé de le titulariser dans ce grade de chef de police municipale et l'a réintégré dans le grade de brigadier-chef principal. Par un arrêté du 1er août 2016, le maire a infligé à M. A... la sanction disciplinaire de révocation. Le conseil de discipline de recours de la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur (PACA) s'étant cependant prononcé, par un avis du 14 octobre 2016, en faveur d'une sanction d'exclusion temporaire de fonctions de deux ans, le maire a, par un arrêté du 20 mars 2017, substitué à cette sanction de révocation celle d'exclusion temporaire des fonctions pour une durée de deux ans, sans sursis, à compter du 25 août 2016. Suite à l'annulation, par un jugement n° 1703931 du tribunal administratif de Marseille du 5 novembre 2019, de cet arrêté du 20 mars 2017, le maire de Gignac-la-Nerthe a, par un nouvel arrêté du 20 décembre 2019, infligé à M. A... la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de ses fonctions pour une durée de dix-sept mois, assortie d'un sursis de six mois. M. A... relève appel du jugement du 22 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce dernier arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. M. A... soutient que le jugement attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation dès lors que, pour juger que les griefs retenus à son encontre étaient matériellement établis, le tribunal administratif de Marseille s'est fondé sur les seuls témoignages qu'il estime partiaux produits par quelques agents de son service. Toutefois, les premiers juges ont énoncé de manière suffisamment précise les motifs de droit et de fait pour lesquels ils ont rejeté la demande de première instance et la circonstance que la motivation de leur jugement révélerait qu'ils auraient commis des " erreurs d'appréciation " ou " dénaturé " les pièces et arguments présentés, se rattache au bien-fondé du jugement et non à sa régularité. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité. Il suit de là que ce moyen doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, et d'une part, en l'absence de disposition législative contraire, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire, à laquelle il incombe d'établir les faits sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public, peut apporter la preuve de ces faits devant le juge administratif par tout moyen. Toutefois, tout employeur public est tenu,

vis-à-vis de ses agents, à une obligation de loyauté. Il ne saurait, par suite, fonder une sanction disciplinaire à l'encontre de l'un de ses agents sur des pièces ou documents qu'il a obtenus en méconnaissance de cette obligation, sauf si un intérêt public majeur le justifie. Il appartient au juge administratif, saisi d'une sanction disciplinaire prononcée à l'encontre d'un agent public, d'en apprécier la légalité au regard des seuls pièces ou documents que l'autorité investie du pouvoir disciplinaire pouvait ainsi retenir.

4. D'autre part, aux termes de l'article 19 de la loi susvisée de la loi susvisée du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable au présent litige : " (...) Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. (...) ". Il résulte de ces dispositions que lorsqu'une enquête administrative a été diligentée sur le comportement d'un agent public, le rapport établi à l'issue de cette enquête, ainsi que, lorsqu'ils existent, les procès-verbaux des auditions des personnes entendues sur le comportement de l'agent faisant l'objet de l'enquête font partie des pièces dont ce dernier doit recevoir communication, sauf si la communication de ces procès-verbaux est de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui ont témoigné.

5. Au cas particulier, il ressort des pièces du dossier que, préalablement à la saisine du conseil de discipline, l'autorité administrative a diligenté une enquête interne durant laquelle des témoignages d'agents de la police municipale de la commune de Gignac-la-Nerthe ont été recueillis, et la sanction en litige est intervenue sur la base des résultats de cette enquête, dont les conclusions et éléments constitutifs ont été communiqués en temps utile audit conseil de discipline. Ainsi, dans ses mémoires en défense produits tant devant le tribunal administratif de Marseille que devant la Cour, la commune de Gignac-la-Nerthe indique qu'une enquête interne a été diligentée par le directeur général des services et le directeur des ressources humaines. L'intimée ajoute que, dans ce cadre, ces derniers ont procédé à l'audition de différents agents de sa police municipale et que " seuls les témoignages relatifs aux faits et utiles à la manifestation de la vérité ont été retenus ". Contrairement à ce que soutient M. A..., la commune de Gignac-la-Nerthe ne saurait être regardée, par cette seule formulation, comme ayant procédé à un aveu judiciaire et comme ayant, par là-même, reconnu avoir sciemment écarté des témoignages qui lui auraient été favorables. Il n'est d'ailleurs pas établi que les auditions des agents du service auraient donné lieu à d'autres comptes rendus que les neuf figurant en annexe du rapport d'enquête interne déposé le 13 mai 2016, lui-même joint au rapport disciplinaire. En tout état de cause, il appartenait à l'appelant, comme il l'a d'ailleurs fait, de contester ces neuf comptes rendus, sans qu'au demeurant, il ne puisse utilement le faire en se bornant à soutenir qu'ils ne sont pas signés, et de produire devant le conseil de discipline puis devant le juge toute pièce de nature à les remettre en cause. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 doit être écarté.

6. En deuxième lieu, la seule circonstance que la commune de Gignac-la-Nerthe n'a, selon les dires de son conseil, retenu que les " seuls témoignages relatifs aux faits et utiles à la manifestation de la vérité " dans le cadre de l'enquête interne puis du rapport disciplinaire ne saurait caractériser une quelconque déloyauté dans l'administration de la preuve, ni une quelconque partialité de ce rapport, dont l'objet même était d'établir la matérialité et le caractère fautif des faits reprochés à M. A.... Il en est de même du fait que, dans le cadre de cette enquête interne, l'autorité administrative a accédé aux fichiers contenus dans l'ordinateur professionnel de M. A... qu'elle avait mis à sa disposition et à sa messagerie professionnelle, dont il n'est pas démontré qu'ils pouvaient être identifiés comme étant personnels, pour établir les faits qui lui sont reprochés. Plus généralement, il ne ressort pas des pièces du dossier que le maire de Gignac-la-Nerthe aurait, dans la conduite de la procédure disciplinaire, manqué à l'impartialité requise ou manifesté une animosité particulière à l'égard de M. A.... Par suite, les moyens tirés de la déloyauté dans l'administration de la preuve et du défaut d'impartialité doivent être écartés.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 311-6 du code des relations entre le public et l'administration : " Ne sont communicables qu'à l'intéressé les documents administratifs : / 1° Dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée (...) / 2° Portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable ; / 3° Faisant apparaître le comportement d'une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice. (...) ".

8. D'une part, M. A... reproche à l'autorité administrative d'avoir laissé, dans le rapport d'enquête, des éléments non occultés, bien que protégés par le secret de la vie privée. Toutefois, l'appelant ne peut se prévaloir des dispositions précitées de l'article L. 311-6 du code des relations entre le public et l'administration dès lors que l'accès à de tels éléments recueillis dans le cadre d'une procédure disciplinaire s'exerce dans les conditions régissant cette procédure, à l'exclusion de toute application des dispositions du code des relations entre le public et l'administration relative à l'accès aux documents administratifs. Ce moyen doit dès lors être écarté.

9. D'autre part, si le rapport disciplinaire mentionne effectivement des éléments relatifs à la vie privée de M. A... et évoque notamment ses relations avec une tierce personne,

ceux-ci ont été recueillis, dans le cadre de l'enquête interne diligentée afin de tenter d'établir la matérialité, notamment, du grief tenant à ce qu'il se serait absenté, à de nombreuses reprises, du service sans justification. En tout état de cause, l'arrêté contesté du 20 décembre 2019, dans lequel le maire n'a pas repris ce grief, ne fait pas état de ces éléments. Par suite, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que cet arrêté serait illégal, motifs pris de ce qu'il porterait atteinte à sa vie privée et familiale, tout comme à celle de cette tierce personne. Il suit de là que ces moyens doivent être écartés.

10. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 20 mars 2017, M. A... s'est vu infliger la sanction disciplinaire d'exclusion de ses fonctions pour une durée de deux ans, sans sursis, à compter du 25 août 2016, sanction qu'il a exécutée jusqu'au 25 août 2018 avant que, par des arrêtés des 21 août et 12 septembre 2018, le maire de Gignac-la-Nerthe ne décide de le radier des cadres. M. A... soutient que, bien que ces trois arrêtés aient été annulés par des jugements rendus par le tribunal administratif de Marseille, il ne l'a pas réintégré au sein des services de la commune de Gignac-la-Nerthe. Mais, la circonstance que ces jugements n'auraient pas été exécutés, qui soulève, au demeurant, un litige distinct, ne faisait obstacle ni à l'exercice de l'action disciplinaire à l'égard de M. A..., ni à la notification ou à l'entrée en vigueur d'une sanction pendant la période courant à compter du 25 août 2016 dès lors que les annulations prononcées ont eu pour effet de faire disparaître rétroactivement ces arrêtés de l'ordonnancement juridique. Il suit de là que ce moyen doit être écarté.

11. En cinquième lieu, l'article 6 ter A de la loi susvisée du 13 juillet 1983 dispose, dans sa rédaction applicable au présent litige, que : " Aucune mesure concernant notamment (...) la discipline (...) ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, aux autorités judiciaires ou administratives de faits constitutifs d'un délit, d'un crime ou susceptibles d'être qualifiés de conflit d'intérêts au sens du I de l'article 25 bis dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions. / Aucun fonctionnaire ne peut être sanctionné ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, pour avoir signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. / (...) / En cas de litige relatif à l'application quatre premiers alinéas, dès lors que la personne présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu'elle a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d'un délit, d'un crime, d'une situation de conflit d'intérêts ou d'un signalement constitutif d'une alerte au sens de l'article 6 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 (...), il incombe à la partie défenderesse, au vu des éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l'intéressé. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. (...) ".

12. M. A... expose avoir dénoncé auprès du procureur de la République des faits répréhensibles commis par des agents de la police municipale placés sous ses ordres et qui sont d'ailleurs les mêmes que ceux qui, dans le cadre de l'enquête interne, ont témoigné contre lui. L'appelant précise que l'un de ces signalements a conduit à la condamnation de l'un de ces agents à quatre mois de prison avec sursis et à une obligation de suivi de stage de citoyenneté avec retrait définitif de son agrément de policier municipal. Toutefois, pour infliger à M. A... la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de ses fonctions pour une durée de dix-sept mois, assortie d'un sursis de six mois, le maire de Gignac-la-Nerthe lui a reproché, d'une part, d'avoir consommé de l'alcool et en avoir toléré la consommation dans les locaux du poste de police municipale, pendant les heures de service, et, d'autre part, d'avoir eu connaissance et cautionné des pratiques portant atteinte à la dignité de la fonction de policier municipal, qui se traduisaient par le fait d'affubler certains agents de surnoms dégradants et la tenue de propos indignes de ses fonctions. Il ne ressort pas des pièces du dossier que ces griefs seraient directement liés aux signalements que l'appelant a adressés au procureur de la République, ni qu'ils constitueraient des mesures de rétorsion prises à son encontre. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de la protection prévue par les dispositions précitées de

l'article 6 ter A de la loi du 13 juillet 1983 doit être écarté.

13. En sixième lieu, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

14. D'une part, aux termes de l'article 29 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale. (...) ". L'article R. 515-7 du code de la sécurité intérieure dispose que : " L'agent de police municipale est intègre (...). Il ne se départit de sa dignité en aucune circonstance. / Il est placé au service du public et se comporte de manière exemplaire envers celui-ci. (...) ".

15. En l'espèce, il résulte des témoignages de sept agents sur les neuf auditionnés lors de l'enquête interne diligentée par la commune de Gignac-la-Nerthe, qui sont suffisamment précis et concordants, que M. A... a pu consommer de l'alcool et en avoir toléré la consommation dans les locaux du poste de police municipale, durant les heures de service dans le local du poste de police municipale de cette commune. Dans ces conditions, les arguments de M. A... tirés de ce que ce n'est pas l'ensemble des agents du poste de police municipale qui font état de cette pratique mais seulement sept agents, que certains témoignages constitueraient des mesures de rétorsion de la part d'agents pour lesquels il avait lui-même sollicité des sanctions, qu'il est l'auteur de notes de service portant des consignes strictes sur l'interdiction de consommer de l'alcool en service, et que la période durant laquelle cette pratique a été observée n'est pas strictement définie, ne contredisent pas sérieusement la réalité des faits de consommation d'alcool et de tolérance de cette consommation au sein du service, ainsi qu'au demeurant, l'ont estimé tant le conseil de discipline que le conseil de discipline de recours, et que l'ont constamment jugé tant le tribunal administratif de Marseille que la Cour dans les précédentes affaires concernant M. A... que ces deux juridictions ont eu à connaître, et en particulier l'arrêt n° 20MA01169 du 5 avril 2022, devenu irrévocable suite à la non-admission du pourvoi présenté par M. A... à l'encontre de cet arrêt par une décision n° 464690 du Conseil d'Etat du 10 mars 2023. Il ressort également des pièces du dossier, et en particulier de la note interne du responsable informatique, qui mentionne des photos-montages mettant en scène des agents de la police municipale parmi les fichiers supprimés par M. A... le 11 février 2016 que la matérialité du grief tenant à ce que l'appelant avait eu connaissance des pratiques portant atteinte à la dignité de la fonction de policier municipal, qui se traduisaient par le fait d'affubler certains agents de surnoms dégradants et la tenue de propos indignes de ses fonctions est également établie.

16. D'autre part, aux termes de l'article 89 de la loi susvisée du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / Premier groupe : / l'avertissement ; / le blâme ; / l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours ; / Deuxième groupe : / la radiation du tableau d'avancement ; / l'abaissement d'échelon à l'échelon immédiatement inférieur à celui détenu par l'agent ; / l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre à quinze jours ; / Troisième groupe : / la rétrogradation au grade immédiatement inférieur et à un échelon correspondant à un indice égal ou immédiatement inférieur à celui détenu par l'agent ; / l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans ; / Quatrième groupe : / la mise à la retraite d'office ; / la révocation. (...) ".

17. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, de la nature et de la gravité des faits commis par M. A... et de ses fonctions de chef de poste, la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire des fonctions pour une durée de dix-sept mois, assortie d'un sursis de six mois prise à l'encontre de l'appelant n'apparaît pas disproportionnée. Par suite, le maire de Gignac-la-Nerthe n'a pas commis d'erreur d'appréciation en adoptant cette sanction.

Ce moyen doit être écarté.

18. En septième lieu, si M. A... invoque une méconnaissance du principe d'égalité, faute pour d'autres agents de la police municipale de Gignac-la-Nerthe d'avoir également été sanctionnés disciplinairement, un tel moyen est inopérant. Pour ce motif, il ne peut qu'être écarté.

19. En huitième et dernier lieu, il n'est pas établi, en l'état des pièces du dossier, que l'arrêté contesté du maire de Gignac-la-Nerthe aurait été inspiré par un but étranger à celui de sanctionner le comportement fautif de M. A.... Le moyen tiré du détournement de pouvoir doit, par suite, être écarté.

20. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est dès lors pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Gignac-la-Nerthe du 20 décembre 2019.

Sur les frais liés au litige :

21. Il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et dans les circonstances de l'espèce, de laisser à chaque partie la charge des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Gignac-la-Nerthe tendant du bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune de

Gignac-la-Nerthe.

Délibéré après l'audience du 18 juin 2024, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Lombart, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juillet 2024.

2

No 23MA01339

fm


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA01339
Date de la décision : 02/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Sanctions.

Police - Personnels de police.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Laurent LOMBART
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : SCP AMIEL-SUSINI;SCP AMIEL-SUSINI;SCP AMIEL-SUSINI;SCP AMIEL-SUSINI;SELARL JEAN-PIERRE & WALGENWITZ AVOCATS ASSOCIÉS;SELARL WALGENWITZ AVOCATS;SCP AMIEL-SUSINI

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-02;23ma01339 ?
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