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02/07/2024 | FRANCE | N°23MA01324

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 4ème chambre, 02 juillet 2024, 23MA01324


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, de condamner la commune de Gignac-la-Nerthe à lui verser la somme de 28 534,65 euros, ou, en cas d'annulation de l'arrêté du 20 décembre 2019 par lequel son maire lui a infligé la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire des fonctions pour une durée de dix-sept mois, assortie d'un sursis de six mois, la somme de 31 142,07 euros, à parfaire, assortie des intérêts au taux légal, au titre des traitements qu

'il aurait dû percevoir, pour la période du 26 août 2016 au 25 décembre 2019, o...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, de condamner la commune de Gignac-la-Nerthe à lui verser la somme de 28 534,65 euros, ou, en cas d'annulation de l'arrêté du 20 décembre 2019 par lequel son maire lui a infligé la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire des fonctions pour une durée de dix-sept mois, assortie d'un sursis de six mois, la somme de 31 142,07 euros, à parfaire, assortie des intérêts au taux légal, au titre des traitements qu'il aurait dû percevoir, pour la période du 26 août 2016 au 25 décembre 2019, ou au 27 novembre 2020, en conséquence de sa réintégration juridique dans les services de la police municipale, ces sommes devant être augmentées des primes d'assiduité et de l'indemnité d'administration et de technicité (IAT) qu'il aurait dû également percevoir, ainsi que de la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il estime avoir subi, d'autre part, d'enjoindre à la commune de Gignac-la-Nerthe de procéder à sa réintégration juridique pour la période allant, en cas d'annulation de cet arrêté du 20 décembre 2019, du 26 juillet 2017 au 27 novembre 2020, incluant notamment la liquidation de son compte épargne temps (CET), ainsi que les congés payés non pris et, enfin, de mettre à la charge de cette commune une somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2105944 du 22 mars 2023, le tribunal administratif de Marseille a condamné la commune de Gignac-la-Nerthe à verser à M. A... la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral et a mis à la charge de cette commune une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, avant de rejeter le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 26 mai 2023, M. A..., représenté par Me Susini, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 22 mars 2023 en tant qu'il limite la condamnation de la commune de Gignac-la-Nerthe au versement de la somme de 2 000 euros ;

2°) de condamner la commune de Gignac-la-Nerthe à lui verser, en réparation du préjudice financier qu'il estime avoir subi consécutivement à son éviction du service qu'il considère irrégulière, à titre principal, et en sa qualité de chef de police municipale stagiaire, la somme de 40 041,63 euros, et, à titre subsidiaire, et en tant que brigadier-chef principal, la somme de 33 583,80 euros, ainsi qu'en tout état de cause, une somme de 15 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il estime avoir subi ;

3°) d'assortir les condamnations prononcées à l'encontre de la commune de

Gignac-la-Nerthe des intérêts moratoires dus en application de l'article 1231-6 du code civil, à compter de la réception de sa réclamation indemnitaire préalable du 4 mars 2021 ;

4°) d'enjoindre à la commune de Gignac-la-Nerthe de procéder à sa réintégration juridique pour la période allant du 26 juillet 2017 au 27 novembre 2020, qui inclut notamment la liquidation de son CET, ainsi que les congés payés non pris, et la reconstitution de sa carrière avec ses droits à pension ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Gignac-la-Nerthe une somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à juste titre que le tribunal administratif de Marseille a retenu que l'illégalité des arrêtés des 20 mars 2017, 21 août 2018 et 12 septembre 2018 était constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Gignac-la-Nerthe ;

- en revanche, c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a jugé qu'il ne pouvait pas se prévaloir d'un préjudice de carrière fondé sur une reconstitution de celle-ci au grade de chef de police municipale au seul motif qu'à l'issue d'une procédure régulière, une décision de non-titularisation au grade de chef de service aurait pu être légalement prise ; il doit être réintégré juridiquement et administrativement au 1er juin 2016, être considéré " en position administrative de stagiaire " et bénéficier de ce grade de chef de service qui était le sien avant l'intervention de la décision illégale ; dans cette mesure, le jugement attaqué doit être annulé, notamment en ce qu'il a considéré que son indemnité de perte de salaire devait correspondre à celle du grade de brigadier-chef-principal et qu'il n'avait pas droit à l'octroi de la nouvelle bonification indiciaire (NBI) et à l'indemnité spéciale de fonction de police municipale (ISFPM) au taux de 30 % ;

- s'agissant de la réparation de son préjudice financier, c'est également à tort que le tribunal administratif de Marseille a considéré que plusieurs éléments constitutifs de son traitement devaient être écartés ; il justifie d'une chance réelle et sérieuse de percevoir des indemnités du fait des décisions illégales de radiation et d'exclusion pour une durée de

deux ans :

. le montant que lui a accordé le tribunal administratif de Marseille est erroné quant au montant retenu au titre de la prime d'assiduité ;

. la nouvelle bonification indiciaire (NBI) faisait partie de sa rémunération au mois de mars 2016, soit le mois qui aurait dû servir de base au calcul de son préjudice financier, alors qu'elle n'apparaît plus pour le mois d'avril, en l'état de l'arrêté de suspension du 25 mars 2016 ; cette NBI constitue un élément de la rémunération à part entière et, à ce titre, elle est prise en compte pour le calcul de la pension de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), pour le calcul du supplément familial et de l'indemnité de résidence ; elle donne, en outre, droit à un supplément de pension ; il était donc fondé à solliciter en plus la régularisation de sa situation administrative et la liquidation de ses droits sociaux ;

. contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Marseille, il a droit à l'indemnité spéciale de fonction de police municipale (ISFPM) au taux de 20 %, qui est également constitutive de ses droits à pension, et à l'indemnité compensatrice de la contribution sociale généralisée (CSG) ;

. il est fondé à réclamer une indemnité d'administration et de technicité (IAT) ;

. il peut revendiquer une indemnisation au titre du compte épargne temps (CET) ;

. il a droit à l'indemnité compensatrice de congés payés ;

- c'est à tort que sa demande fondée sur l'article L. 911-1 du code de justice administrative a été rejetée par le tribunal administratif de Marseille au motif que l'ensemble de ses demandes, à l'exclusion de celles relatives à son préjudice moral, étaient infondées ; la Cour devra faire droit à ses demandes de réintégration et reconstitution de sa carrière ;

- sur sa demande indemnitaire :

. il est fondé à solliciter l'indemnisation de son préjudice financier, à titre principal, et en sa qualité de chef de police municipale stagiaire, à hauteur de la somme de 40 041,63 euros, et, à titre subsidiaire, et en tant que brigadier-chef principal, à hauteur de la somme de 33 583,80 euros ;

. il est fondé à solliciter l'indemnisation de son préjudice moral estimé à la somme de 15 000 euros, à parfaire, en fonction de l'évolution des procédures en cours, et c'est ainsi à tort que le tribunal administratif de Marseille a limité la condamnation correspondante de la commune de Gignac-la-Nerthe au versement d'une somme de 2 000 euros.

Un courrier du 9 février 2024, adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code.

La requête a été communiquée à la commune de Gignac-la-Nerthe qui n'a pas produit de mémoire.

Par une ordonnance du 15 avril 2024, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lombart,

- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,

- et les observations de Me Susini, représentant M. A..., et celles de Me Brunière, représentant la commune de Gignac-la-Nerthe.

Une note en délibéré, présentée pour M. A..., par Me Susini, a été enregistrée le 19 juin 2024.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a été recruté par la commune de Gignac-la-Nerthe le 2 juillet 1996 en qualité de policier municipal, au grade de gardien principal, puis, à compter du 1er juin 2001, comme brigadier-chef principal. A compter du 5 octobre 2011, il s'est vu confier les fonctions de chef de poste. Par un arrêté du 24 juillet 2015, M. A... a été nommé dans le grade de chef de police municipale stagiaire, sur le poste de chef de service de la police municipale, à compter du 1er août 2015. Toutefois, le 24 mai 2016, une procédure disciplinaire a été engagée à son encontre et, par un arrêté du 6 juin 2016, le maire de Gignac-la-Nerthe a mis fin à son stage à compter du 1er juin 2016, a refusé de le titulariser dans ce grade de chef de police municipale et l'a réintégré dans le grade de brigadier-chef principal. Par un arrêté du 1er août 2016, le même maire a infligé à M. A... la sanction disciplinaire de révocation. Le conseil de discipline de recours de la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur (PACA) s'étant cependant prononcé, par un avis du 14 octobre 2016, en faveur d'une sanction d'exclusion temporaire de fonctions de

deux ans, le maire a, par un arrêté du 20 mars 2017, substitué à cette sanction de révocation celle d'exclusion temporaire des fonctions pour une durée de deux ans, sans sursis, à compter du 25 août 2016. Suite à l'annulation, par un jugement n° 1703931 du tribunal administratif de Marseille du 5 novembre 2019, de cet arrêté du 20 mars 2017, le maire de Gignac-la-Nerthe a, par un nouvel arrêté du 20 décembre 2019, infligé à M. A... la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de ses fonctions pour une durée de dix-sept mois, assortie d'un sursis de six mois. Par un jugement n° 2001786 du 22 mars 2023, dont l'appel a été rejeté par un arrêt n° 22MA01339 du 2 juillet 2024 de la Cour, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Parallèlement, M. A... a été radié des cadres de la commune de Gignac-la-Nerthe, à compter du 25 août 2018, par un arrêté de son maire du 21 août 2018. L'exécution de cet arrêté ayant été suspendue par une ordonnance n° 1806786 du juge des référés du tribunal administratif de Marseille du 12 septembre 2018, le maire de Gignac-la-Nerthe a pris, le même jour, un nouvel arrêté de radiation des cadres, dont l'exécution a également été suspendue par une ordonnance n° 1809249 du même juge des référés du 23 novembre 2018, avant que ces deux arrêtés portant radiation des cadres ne soient annulés par un jugement nos 1806784, 1809247 du tribunal administratif de Marseille du 5 novembre 2019, dont l'appel a été rejeté par la Cour, dans son arrêt n° 20MA00070 du 5 avril 2022. Entretemps, par une décision du 6 février 2019, le procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a prononcé, sur le fondement de l'article L. 511-2 du code de la sécurité intérieure, le retrait de son agrément d'agent de police municipale. Consécutivement à cette décision, dont la légalité a été confirmée tant par le tribunal administratif de Marseille, par un jugement n° 1904654 du 31 décembre 2019, que par la Cour, par un arrêt n° 20MA01169 du 5 avril 2022, le maire de Gignac-la-Nerthe a pris à l'encontre de M. A..., le 26 novembre 2020, un nouvel arrêté portant radiation des cadres, lequel a été annulé par un arrêt n° 23MA02087 de la Cour du 2 juillet 2024. Compte tenu de l'annulation juridictionnelle des deux premières décisions de radiation des cadres des 21 août et 12 septembre 2018, et de celle portant sanction d'exclusion temporaire pour une période de deux années sans sursis du 20 mars 2017, M. A... a présenté le 3 mars 2021 une demande préalable au maire de la commune de Gignac-la-Nerthe tendant à l'octroi d'une indemnité en réparation des préjudices moral et financier qu'il estime avoir subis du fait de ces trois arrêtés illégaux. En l'absence de réponse, une décision implicite de rejet est intervenue le 4 mai 2021 et M. A... a saisi le tribunal administratif de Marseille d'un recours indemnitaire. Dans la présente instance, il relève appel du jugement du 22 mars 2023 en ce qu'en réponse, ce tribunal a limité la condamnation de la commune de Gignac-la-Nerthe à lui verser la somme de 2 000 euros en réparation de son seul préjudice moral.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le principe de la responsabilité de la commune de

Gignac-la-Nerthe :

2. Il résulte de l'instruction que, par un jugement n° 1703931 du 5 novembre 2019, devenu irrévocable suite à sa confirmation par un arrêt n° 20MA00082 de la Cour du 5 avril 2022 et la non-admission du pourvoi intenté contre celui-ci par une décision n° 464691 du Conseil d'Etat du 10 mars 2023, et par un jugement nos 1806784, 1809247 du 5 novembre 2019, également devenu irrévocable suite à sa confirmation par un arrêt n° 20MA00077 de la Cour du 5 avril 2022, le tribunal administratif de Marseille a respectivement annulé l'arrêté du 20 mars 2017 par lequel le maire de Gignac-la-Nerthe a infligé à M. A... la sanction disciplinaire d'exclusion de fonctions pour une durée de deux ans sans sursis et les deux arrêtés des 21 août et 12 septembre 2018 par lesquels le même maire l'a radié des cadres. Ainsi que l'ont jugé à bon droit les premiers juges, sans au demeurant être contestés par la commune de Gignac-la-Nerthe qui n'a pas produit de mémoire en défense devant la Cour, l'illégalité entachant ces trois arrêtés est de nature à engager la responsabilité de cette dernière pour faute à l'égard de M. A... qui, est par suite, fondé à demander réparation des préjudices directs et certains qui en ont résulté pour lui.

En ce qui concerne la réparation des préjudices :

3. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l'agent a pu se procurer par son travail au cours de la période d'éviction.

S'agissant de la période d'éviction irrégulière :

4. Il résulte de l'instruction que la sanction disciplinaire d'exclusion de ses fonctions pour une durée de deux ans, sans sursis, à compter du 25 août 2016, qui a été infligée à M. A... par un arrêté du maire de Gignac-la-Nerthe du 20 mars 2017, a été exécutée par ce dernier jusqu'au 25 août 2018. Il résulte également de l'instruction qu'après que le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a suspendu leur exécution, respectivement par des ordonnances nos 1806786 et 1809249 des 12 septembre et 23 novembre 2018, les arrêtés du maire de Gignac-la-Nerthe des 21 août et 12 septembre 2018 portant radiation des cadres de M. A..., à compter des 25 août 2018 et 12 septembre 2018, ont été annulés par un jugement nos 1806784, 1809247 du 5 novembre 2019. Par ailleurs, par un arrêt n° 23MA02087 du 2 juillet 2024, la Cour a confirmé la légalité de l'arrêté du 26 novembre 2020 par lequel le maire de Gignac-la-Nerthe a radié M. A... à compter de la notification de cet arrêté, soit le 27 novembre 2020, et, par un arrêt n° 23MA01339 du même jour, la Cour a confirmé la légalité de l'arrêté du 20 décembre 2019 par lequel le maire de Gignac-la-Nerthe a infligé à M. A... la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire des fonctions pour une durée de dix-sept mois, assortie d'un sursis de six mois, sanction que M. A... a exécuté à compter de la notification de cet arrêté, soit le 26 décembre 2019. Ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif de Marseille, il en résulte que la période d'éviction illégale qui doit être prise en compte pour le calcul des préjudices subis par M. A... s'étend du 25 août 2016 au 25 décembre 2019.

S'agissant du grade à prendre en considération :

5. Il résulte de l'instruction que si, par un arrêté du 24 juillet 2015, M. A... a été, par promotion interne, nommé au grade de chef de service de police municipale stagiaire à temps complet, à compter du 1er août 2015, le maire de Gignac-la-Nerthe a, par un arrêté du 6 juin 2016, refusé de le titulariser dans ce grade et l'a réintégré dans celui de brigadier-chef principal. Mais, M. A... se prévaut de l'arrêt n° 20MA00083 du 5 avril 2022, devenu irrévocable, par lequel la Cour a annulé cet arrêté du 6 juin 2016, pour soutenir que l'indemnité qui lui est due pour la période d'éviction illégale susmentionnée doit être calculée sur la base du grade de chef de service. Il est toutefois constant que l'appelant sollicite, dans le cadre de la présente instance, l'indemnisation des préjudices ayant résulté pour lui de l'illégalité entachant les deux premières décisions de radiation des cadres des 21 août et 12 septembre 2018, et de celle portant sanction d'exclusion temporaire pour une période de deux années sans sursis du 20 mars 2017, et non de l'illégalité entachant cet arrêté du maire de Gignac-la-Nerthe du 6 juin 2016. Dès lors, la Cour n'a pas, pour les besoins de cette instance, à tenir compte de l'annulation de cet arrêté du 6 juin 2016, les conséquences de la mise en œuvre de cet arrêt relevant d'un litige distinct. Il s'ensuit que les préjudices que M. A... allègue avoir subis doivent être appréciés à l'aune de son grade de brigadier-chef principal.

S'agissant de l'indemnisation des préjudices :

Quant au préjudice financier :

6. En premier lieu, ainsi que l'a relevé à juste titre le tribunal administratif de Marseille, pour calculer l'indemnité correspondant à la perte de salaire de M. A... au grade de brigadier-chef principal, dont il est resté titulaire en conséquence de son absence de titularisation au grade de chef de service de police municipale par l'arrêté du 6 juin 2016, il y a lieu de retenir que celui-ci a été privé du montant de son traitement correspondant au 9ème échelon de ce grade dont il sera fait une exacte appréciation au regard des pièces versées aux débats, en le fixant, pour la période du 25 août 2016 au 26 décembre 2019, à la somme de 72 488,50 euros, calculée sur la base d'un traitement mensuel net de 1 787,12 euros, jusqu'au 1er janvier 2017, puis de 1 815 euros, à compter de cette date.

7. En deuxième lieu, au regard des bulletins de paie versés aux débats devant la Cour, M. A... aurait dû percevoir une indemnité de résidence à hauteur de 3 % de son traitement mensuel brut, soit 64,56 euros mensuels, jusqu'au 31 décembre 2016, puis 66,07 euros jusqu'en décembre 2019, soit, sur la totalité de la période, la somme de 2 636,76 euros.

8. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que M. A... a perdu une chance sérieuse de percevoir la prime d'assiduité, versée deux fois par an, durant la période de son éviction irrégulière. Il résulte de l'instruction, et en particulier des bulletins de paie qui sont versés aux débats, que cette prime d'assiduité, calculée à partir du traitement brut de l'appelant est versée deux fois par an : 40 % en juin et 60 % en novembre. Compte tenu des montants de ce traitement brut tel qu'il ressort de ces bulletins de paie, soit 2 152,03 euros, jusqu'au 1er janvier 2017, puis 2 202,43 euros, à compter de cette date, et alors qu'il avait perçu, en

juin 2016, la somme de 855,68 euros, sur la période de quarante mois en cause, M. A... peut prétendre, sur la période en cause, à une somme d'un montant de 7 890,80 euros en réparation du préjudice lié à la perte de chance de percevoir sa prime d'assiduité.

9. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction devant la Cour, et en particulier des nouvelles pièces versées en cause d'appel, qu'à compter du mois de novembre 2021 et en sa qualité de chef de poste, M. A... percevait une nouvelle bonification indiciaire (NBI) de 15 points, pour un montant de 69,45 euros par mois. Toutefois, compte tenu de la période d'indemnisation arrêtée qui court à compter du 25 août 2016, M. A... ne saurait prétendre à aucune indemnité à ce titre alors qu'il est constant qu'il n'était plus chef de poste depuis le 4 février 2016 et qu'il n'établit pas que, malgré la perte de cette qualité, il aurait pu continuer à percevoir une NBI.

10. En cinquième lieu, il résulte de l'instruction devant la Cour, et en particulier des nouvelles pièces versées en cause d'appel, que M. A... a été privé d'une chance sérieuse de percevoir l'indemnité spéciale de fonction de police municipale, ou prime de police municipale, en tant que brigadier-chef principal, au taux de 20 % de son traitement brut mensuel. A ce titre, il convient de lui allouer 17 578,88 euros. Il en est de même pour l'indemnité compensatrice de la contribution sociale généralisée (CSG), au titre des années 2018 et 2019, pour un montant total de 44,38 euros.

11. En sixième lieu, compte-tenu de la nature, de l'objet et des conditions de versement de l'indemnité d'administration et de technicité (IAT), du montant de référence adoptée par la délibération du conseil municipal de Gignac-la-Nerthe du 26 avril 2005 qui est de 454,30 euros, pour les brigadiers chefs principaux et de la circonstance que M. A... établit seulement qu'il aurait pu percevoir cette indemnité affectée d'un indice 1, il a droit au versement de la somme de 1 514 euros pour la période considérée.

12. En septième lieu, M. A... demande à être indemnisé au titre des jours de congés auxquels il aurait pu prétendre à raison des services qu'il aurait dû réaliser au cours de la période d'éviction irrégulière et qu'il aurait pu épargner sur son compte épargne temps (CET). Toutefois, le préjudice résultant des jours de congés non épargnés sur ce CET ne présente pas un caractère direct et certain, dès lors que celui-ci ne peut établir qu'il aurait fait le choix d'épargner l'ensemble de ses jours de congés au cours de sa période d'éviction.

13. En huitième et dernier lieu, M. A... ayant la qualité d'agent public ne peut prétendre à une indemnité compensatrice de congés payés qui n'est prévue par aucun principe général, ni par aucun texte applicable aux agents des collectivités publiques. En tout état de cause, eu égard à sa nature et à son objet, une telle indemnité serait nécessairement liée à l'exercice effectif des fonctions.

14. La perte de rémunération subie par M. A... s'élevant ainsi à un montant total de 102 153,32 euros alors qu'il est constant que ce dernier a perçu des salaires émanant du secteur privé et des indemnités d'assurance chômage pour un montant total de 82 756 euros au cours de la période d'éviction irrégulière en cause, la commune de Gignac-la-Nerthe doit être condamnée à lui verser la somme de 19 397,32 euros en réparation du préjudice financier résultant de son éviction irrégulière du service, sur la période du 25 août 2016 au 25 décembre 2019.

Quant au préjudice moral :

15. Il résulte de l'instruction qui s'est poursuivie devant la Cour que les premiers juges n'ont fait une estimation ni excessive, ni insuffisante de ce chef de préjudice en allouant à M. A... la somme de 2 000 euros, au titre de la réparation de son préjudice moral.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a limité à 2 000 euros la somme que la commune de Gignac-la-Nerthe doit être condamnée à lui verser. Cette somme doit être portée à celle de 21 397,32 euros.

Sur les intérêts :

17. M. A... a droit aux intérêts au taux légal sur cette somme de 21 397,32 euros à compter du 4 mars 2021, date de la réception de sa demande indemnitaire préalable.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

18. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. "

19. Lorsque le juge administratif statue sur un recours indemnitaire tendant à la réparation d'un préjudice imputable à un comportement fautif d'une personne publique et qu'il constate que ce comportement et ce préjudice perdurent à la date à laquelle il se prononce, il peut, en vertu de ses pouvoirs de pleine juridiction et lorsqu'il est saisi de conclusions en ce sens, enjoindre à la personne publique en cause de mettre fin à ce comportement ou d'en pallier les effets.

20. M. A... demande à la Cour, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre à la commune de

Gignac-la-Nerthe de procéder à sa réintégration juridique pour la période allant du

26 juillet 2017 au 27 novembre 2020, incluant notamment la liquidation de son compte épargne temps, ainsi que les congés payés non pris, et la reconstitution de sa carrière avec ses droits à pension. Mais, il n'y a pas lieu pour la Cour de faire usage de ses pouvoirs d'instruction alors qu'en allouant une indemnité à M. A... en réparation de ses préjudices financier et moral, le comportement fautif de l'administration et ces préjudices ne sauraient être regardés comme perdurant à la date à laquelle elle se prononce. Il suit de là que les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A... doivent être écarté.

Sur les frais liés au litige :

21. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. "

22. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par la commune de

Gignac-la-Nerthe et non compris dans les dépens.

23. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, et sur le fondement de ces mêmes dispositions, il y a lieu de mettre à la charge de la commune intimée une somme de 2 000 euros à verser à M. A....

D E C I D E :

Article 1er : L'indemnité de 2 000 euros que la commune de Gignac-la-Nerthe a été condamnée à verser à M. A... par le jugement n° 2105944 du tribunal administratif de Marseille du 22 mars 2023 est portée à la somme de 21 397,32 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 4 mars 2021.

Article 2 : Le jugement n° 2105944 du tribunal administratif de Marseille du 22 mars 2023 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La commune de Gignac-la-Nerthe versera une somme de 2 000 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune de

Gignac-la-Nerthe.

Délibéré après l'audience du 18 juin 2024, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Lombart, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juillet 2024.

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No 23MA01324

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