La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/06/2024 | FRANCE | N°24MA00867

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 2ème chambre, 28 juin 2024, 24MA00867


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 6 février 2024 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours.



Par une ordonnance n° 2402990 du 9 avril 2024, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Marseille a donné acte du désistement de la demande de M.

B....





Procédure devant la cour :



I. Par une requête, enregistrée sous le n° 24...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 6 février 2024 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours.

Par une ordonnance n° 2402990 du 9 avril 2024, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Marseille a donné acte du désistement de la demande de M. B....

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée sous le n° 24MA00867 le 12 avril 2024, M. B..., représenté par Me Belotti, demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 9 avril 2024 ;

2°) de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Marseille ;

3°) à titre subsidiaire, d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 6 février 2024 ;

4°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire lui permettant de travailler, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) à titre encore subsidiaire, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer sa situation et de lui délivrer, pendant le temps de cet examen, une autorisation de séjour lui permettant de travailler, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

6°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'ordonnance attaquée méconnait l'article R. 776-12 du code de justice administrative ; il a présenté un mémoire complémentaire dans le délai imparti par les dispositions de cet article ;

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;

- il n'a pas été précédé d'un examen réel et sérieux de sa situation ;

- la décision portant refus de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée en tant qu'elle porte refus d'octroi d'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie d'exception de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;

- le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire, enregistré le 6 mai 2024, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la requête ne sont pas fondés.

II. Par une requête, enregistrée sous le n° 24MA00868 le 12 avril 2024, M. B..., représentée par Me Belotti, demande à la cour :

1°) de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 6 février 2024 ;

2°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il soit statué par la cour sur le recours au fond, et ce dans le délai de huit jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la condition d'urgence prévue par l'article L. 521-1 du code de justice administrative est remplie ;

- la condition relative aux doutes sérieux sur la légalité des décisions en litige est également remplie ;

- en effet, l'ordonnance attaquée méconnaît l'article R. 776-12 du code de justice administrative ; il a présenté un mémoire complémentaire dans le délai imparti par les dispositions de cet article ;

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;

- il n'a pas été précédé d'un examen réel et sérieux de sa situation ;

- la décision portant refus de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée en tant qu'elle porte refus d'octroi d'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie d'exception de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;

- le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire, enregistré le 6 mai 2024, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que la condition d'urgence n'est pas remplie et qu'aucun moyen n'est propre à créer de doute sérieux quant à la légalité de la décision en litige.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rigaud ;

- et les observations de Me Belotti, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant comorien né en 1984, par la requête enregistrée sous le n° 24MA00867, relève appel de l'ordonnance du 9 avril 2024 par lequel le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Marseille a donné acte de son désistement au motif qu'il n'avait pas produit, dans le délai de quinze jours à compter de la date d'enregistrement de sa demande, tel que prévu, à peine de désistement d'office, par l'article R. 776-12 du code de justice administrative, le mémoire ampliatif annoncé dans sa demande introductive d'instance. Par la requête enregistrée sous le n° 24MA020868, il demande à la cour d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 6 février 2024 rejetant sa demande de renouvellement de titre séjour et l'obligeant à quitter le territoire dans le délai de trente jours.

2. Les requêtes n°s 24MA00867 et 24MA00868 concernent la même décision administrative, présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par une même décision.

Sur la requête n° 24MA00867 :

3. Aux termes de l'article R. 776-12 du code de justice administrative, dont les dispositions s'insèrent dans une section du code de justice administrative afférente au contentieux des obligations de quitter le territoire français et aux décisions relatives au séjour qu'elles accompagnent : " Lorsqu'une requête sommaire mentionne l'intention du requérant de présenter un mémoire complémentaire, la production annoncée doit parvenir au greffe du tribunal administratif dans un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle la requête a été enregistrée. / Si ce délai n'est pas respecté, le requérant est réputé s'être désisté à la date d'expiration de ce délai, même si le mémoire complémentaire a été ultérieurement produit. Il est donné acte de ce désistement. ".

4. Il ressort des pièces du dossier de première instance que le mémoire ampliatif dont M. B... avait annoncé la production dans sa demande introductive d'instance, et que son conseil a été invité à produire dans le délai de quinze jours prévu à l'article R. 776-12 du code de justice administrative par un courrier du greffe en date du 28 mars 2024, a été enregistré au greffe du tribunal administratif de Marseille le 4 avril 2024, soit avant l'expiration du délai de quinze jours courant à compter de la date d'enregistrement, le 21 mars 2024, de sa demande. Compte tenu de l'enregistrement, dans le délai prévu à l'article R. 776-12 du code de justice administrative, de ce mémoire qui développait l'argumentation de droit et de fait que l'intéressé entendait soulever au soutien des moyens énoncés dans sa demande introductive d'instance, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Marseille a estimé qu'il devait, en application des dispositions précitées de l'article R. 776-12 du code de justice administrative, être réputé s'être désisté de sa demande, et à demander, en conséquence, l'annulation de cette ordonnance.

5. Il y a donc lieu d'annuler pour ce motif l'ordonnance attaquée et de statuer immédiatement sur le litige par la voie de l'évocation.

Sur la légalité de l'arrêté du 6 février 2024 du préfet des Bouches-du-Rhône :

6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. M. B... est entré en France sous couvert d'un visa de long séjour en qualité d'étudiant valant titre de séjour du 7 septembre 2018 au 7 septembre 2019, titre renouvelé jusqu'en octobre 2021. Le 1er novembre 2021 il s'est vu délivrer un titre de séjour " recherche d'emploi - création d'entreprise " d'un an. Entre 2018 et 2021 il a suivi un parcours universitaire en sciences humaines mention sciences de l'éducation jusqu'à obtenir un master 2 en sciences humaines et sociales à l'université d'Aix-Marseille mention " métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation ", parcours " responsable de formation, pratique de l'éducation inclusive ". Il a ensuite occupé un emploi de formateur auprès de la société Sud Formation du 18 octobre 2021 au 31 décembre 2022, puis au sein du centre régional de formation professionnelle du 24 mars 2023 au 14 février 2024. M. B... a sollicité le renouvellement de son dernier titre de séjour en demandant un changement de statut en vue de l'obtention d'un titre de séjour au titre de sa vie privée et familiale. Par l'arrêté attaqué du 6 février 2024, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté la demande de M. B... et prononcé à l'encontre de ce dernier l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours.

8. Il ressort des pièces du dossier que M. B... vit en couple avec une ressortissante comorienne au plus tard depuis le mois d'octobre 2021, qu'ils ont conclu ensemble un pacte civil de solidarité le 21 octobre 2021, que sa compagne est titulaire d'une carte temporaire séjour d'une durée de dix ans, en cours de renouvellement à la date de l'arrêté attaqué, que cette dernière est mère de trois enfants français nés en 2009, 2011 et 2014, le père de ces derniers exerçant sur eux l'autorité parentale conjointe et un droit de visite, et qu'ainsi elle a vocation à demeurer en France. Il en ressort en outre que M. B... assume auprès des enfants de sa compagne un rôle éducatif et affectif. Par ailleurs, eu égard à son parcours universitaire et professionnel, tel que rappelé au point précédent, M. B... établit la réalité et l'intensité de son insertion socio-professionnelle en France. Dans ces conditions particulières, M. B... est fondé à soutenir que l'arrêté attaqué porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale par rapport aux buts en vue desquels il a été pris, au sens des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés familiales. Il y a donc lieu d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 6 février 2024, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

9. Eu égard au motif d'annulation retenu au point précédent, le présent arrêt implique nécessairement, sous réserve d'un changement dans la situation de l'intéressé, que le préfet des Bouches-du-Rhône délivre à M. B... une carte de séjour temporaire d'une durée d'un an portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône d'y procéder dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur la requête n° 24MA00868 :

10. Le présent arrêt statue au fond sur la demande d'annulation de l'arrêté du 6 février 2024 du préfet des Bouches-du-Rhône. Les conclusions tendant à ce que l'exécution du même arrêté soit suspendue sont donc devenues sans objet.

11. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction présentées par le requérant doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à M. B... en application l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de suspension de l'exécution de l'arrêté du 6 février 2024 du préfet des Bouches-du-Rhône de la requête n° 24MA00868.

Article 2 : L'ordonnance du président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Marseille du 9 avril 2024 est annulée.

Article 3 : L'arrêté du 6 février 2024 du préfet des Bouches-du-Rhône est annulé.

Article 4 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire d'une durée d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 5 : L'État versera à M. B... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête n° 24MA00868 est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt est notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Cécile Fedi, présidente ;

- Mme Lison Rigaud, présidente assesseure ;

- M. Nicolas Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juin 2024.

2

N° 24MA00867, 24MA00868


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24MA00867
Date de la décision : 28/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Procédure - Procédures instituées par la loi du 30 juin 2000 - Référé suspension (art - L - 521-1 du code de justice administrative).


Composition du Tribunal
Président : Mme FEDI
Rapporteur ?: Mme Lison RIGAUD
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : BELOTTI;BELOTTI;BELOTTI

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-28;24ma00867 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award