La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/06/2024 | FRANCE | N°23MA03145

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 2ème chambre, 28 juin 2024, 23MA03145


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Par une décision n° 459632 du 22 décembre 2023, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé les articles 2 et 3 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille n° 19MA05108 du 21 octobre 2021 qui a, par son article 1er, annulé le jugement du 26 septembre 2019 du tribunal administratif de Montpellier, par son article 2, rejeté la demande présentée par M. A... et, par son article 3, mis à la charge de M. A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L.

761-1 du code de justice administrative.



Le Conseil d'Etat a en outre renv...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une décision n° 459632 du 22 décembre 2023, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé les articles 2 et 3 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille n° 19MA05108 du 21 octobre 2021 qui a, par son article 1er, annulé le jugement du 26 septembre 2019 du tribunal administratif de Montpellier, par son article 2, rejeté la demande présentée par M. A... et, par son article 3, mis à la charge de M. A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le Conseil d'Etat a en outre renvoyé l'affaire devant la cour dans la limite de la cassation prononcée.

Procédure devant la cour après renvoi :

Par un mémoire, enregistré le 22 janvier 2024, M. A..., représenté par Me Boucher, demande à la cour de rejeter la requête de FranceAgriMer et de mettre à la charge de FranceAgriMer la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il conclut par les mêmes moyens que ceux articulés dans ses écritures précédentes et ajoute que l'arrêt du Conseil d'Etat confirme que le montant de l'aide, et le calcul du taux de sous-réalisation, doivent être déterminés par une méthode de calcul tenant compte de la surface globale des terrains cultivés.

Par un mémoire, enregistré le 2 avril 2024, FranceAgriMer, représenté par Me Vandepoorter, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 26 septembre 2019 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de rejeter la demande de M. A... en ce qu'elle porte sur la parcelle cadastrale B 130 ;

3°) de mettre à la charge de M. A... le versement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il précise que :

- il maintient les moyens développés dans ses écritures précédentes, tirés de l'irrégularité du jugement du tribunal administratif et de ce que le tribunal a considéré à tort que FranceAgriMer avait retenu une surface éligible de 3,1269 hectares ;

- il abandonne, suite à la décision du Conseil d'État, le moyen tiré de ce que la surface plantée est seulement de 2,45 hectares ;

- la parcelle cadastrale B 130 n'ayant pas fait l'objet d'une demande d'aide, les vignes plantées sur celle-ci ne sont pas éligibles à l'aide.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune ;

- le règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles ;

- le règlement (CE) n° 555/2008 de la Commission du 27 juin 2008 fixant les modalités d'application du règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil portant organisation commune du marché vitivinicole ;

- le règlement d'exécution (UE) n° 809/2014 de la Commission du 17 juillet 2014 ;

- le décret n° 2013-172 du 25 février 2013 ;

- la décision INTV-GPASV-2015-39 du 20 juillet 2015 du directeur général de FranceAgriMer, modifiée par la décision INTV-GPASV-2016-26 du 3 juin 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Danveau,

- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,

- et les observations de Me Vandepoorter, représentant FranceAgriMer.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., exploitant viticole dans la commune de Vailhauquès dans l'Hérault, a déposé le 10 juin 2016 une demande d'aide à la restructuration du vignoble, au titre de la campagne 2015/2016, pour une surface déclarée de 3,40 hectares. A la suite de contrôles administratifs et d'un contrôle effectué sur place le 7 juin 2017, l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) a, par une décision du 24 avril 2018, rejeté partiellement sa demande d'aide et fixé le montant de cette aide à 7 242,03 euros après avoir constaté un taux de sous-réalisation de l'opération subventionnée de 27,94 %. Par un courrier du 17 septembre 2018, le directeur général de FranceAgriMer a rejeté le recours gracieux de M. A... contre cette décision. Par un jugement du 26 septembre 2019, le tribunal administratif de Montpellier a annulé ces deux décisions. Par un arrêt du 21 octobre 2021, la cour administrative d'appel de Marseille a, par son article 1er, annulé pour irrégularité le jugement du 26 septembre 2019 du tribunal administratif de Montpellier, et, statuant par évocation, a, par ses articles 2 et 3, rejeté la demande présentée par M. A... et mis à sa charge une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par une décision n° 459632 du 3 juillet 2023, le Conseil d'Etat a annulé, sur le pourvoi de FranceAgriMer, les articles 2 et 3 de cet arrêt et renvoyé à la cour le jugement de cette affaire, dans la mesure de la cassation ainsi prononcée.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 46 du règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles : " L'objectif des mesures en matière de restructuration et de reconversion des vignobles est d'accroître la compétitivité des viticulteurs ". Aux termes du paragraphe 3 de l'article 3 du même règlement : " Les définitions figurant dans le règlement (UE) n° 1306/2013, [...] s'appliquent aux fins du présent règlement, sauf dispositions contraires du présent règlement ". Aux termes de l'article 67 du règlement (UE) n° 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune : " [...] on entend par : / a) " parcelle agricole ", une surface continue de terres déclarée par un agriculteur, sur laquelle un seul groupe de cultures est cultivé ; [...] les Etats membres peuvent fixer des critères supplémentaires pour délimiter davantage une parcelle agricole ". Aux termes de l'article 14 du règlement d'exécution (UE) n° 809/2014 de la Commission du 17 juillet 2014 établissant les modalités d'application du règlement (UE) n° 1306/2013 en ce qui concerne le système intégré de gestion et de contrôle, les mesures en faveur du développement rural et la conditionnalité : " 1. La demande unique ou la demande de paiement contiennent toutes les informations nécessaires pour décider de l'admissibilité à l'aide et/ou au soutien, en particulier : [...] d) les éléments permettant l'identification univoque de toutes les parcelles agricoles de l'exploitation, leur superficie exprimée en hectares avec deux décimales, leur localisation et, le cas échéant, des spécifications supplémentaires concernant leur utilisation ".

3. Aux termes de l'article 1er du décret du 25 février 2013 relatif au programme d'aide national au secteur vitivinicole pour les exercices financiers 2014 à 2018 : " Le programme d'aide national au secteur vitivinicole mentionné à l'article 103 decies du règlement (CE) n° 1234/2007 du Conseil du 22 octobre 2007 susvisé (...) est mis en œuvre par l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer). A ce titre, (...) le directeur général de l'établissement détermine notamment, après avis du conseil spécialisé intéressé : / 1° Les modalités de demande des aides, les conditions d'éligibilité aux aides, la procédure et les critères de sélection des demandes, le montant des aides attribuables et leurs modalités de paiement ; [...] 3° Les réductions du montant des aides applicables en cas de non-respect du régime d'aide concerné ". En application de ces dispositions, les conditions d'attribution de l'aide à la restructuration et à la reconversion du vignoble en application de l'organisation commune de marché vitivinicole pour le programme d'aide national 2014-2018 ont été arrêtées par la décision INTV-GPASV-2015-39 du 20 juillet 2015 du directeur général de FranceAgriMer qui prévoit, à son article 6, que : " Une parcelle culturale, objet d'une demande d'aide est une parcelle en vigne plantée ou à planter d'un seul tenant avec la même variété et les mêmes écartements entre rangs et entre pieds et qui doit subir les mêmes actions de restructuration. Elle est présentée en intégralité soit en restructuration individuelle soit en restructuration collective ". L'article 12 de cette même décision mentionne les informations nécessaires pour le dépôt d'une demande d'aide pour une campagne de restructuration, notamment " la localisation et l'identification des parcelles faisant l'objet de la demande de restructuration, le descriptif des actions à réaliser (...) ainsi que la ventilation des superficies par parcelle cadastrale composant la parcelle culturale ". Enfin, l'article 18-1 de cette décision prévoit notamment qu'en cas de sous-réalisation des actions de restructuration ayant fait l'objet d'une demande d'aide, " si l'écart imputable au contrôle sur place est inférieur ou égal à 20 % de la superficie demandée diminuée de l'écart imputable au contrôle administratif ", alors " aucune sanction n'est appliquée et l'aide est calculée sur la base de la superficie primable ", mais que s'il est supérieur à 20% mais inférieur à 50%, alors " une sanction égale au double de l'écart imputable au contrôle sur place est appliquée ".

4. D'une part, il ne résulte pas des dispositions du droit de l'Union européenne, notamment celles citées au point 2 définissant les parcelles agricoles au titre desquelles une aide peut être demandée, que la demande d'aide, et la conformité à cette demande des plantations réalisées, doivent s'apprécier à l'échelle de la parcelle cadastrale. D'autre part, une telle exigence ne résulte pas davantage des dispositions de la décision du 20 juillet 2015 par laquelle le directeur général de FranceAgriMer, comme le prévoient les dispositions du décret du 25 février 2013 citées au point 3, a précisé les conditions d'éligibilité aux aides, l'article 6 de cette décision disposant au contraire que la demande d'aide porte sur une parcelle culturale, consistant en une parcelle en vigne plantée ou à planter d'un seul tenant avec la même variété et les mêmes écartements entre rang et entre pieds, et la mention des parcelles cadastrales par la demande d'aide n'étant imposée par l'article 12 de cette décision qu'en vue de permettre la localisation de la parcelle culturale objet de cette demande.

5. Il résulte de l'instruction que la demande d'aide à la restructuration du vignoble au titre de la campagne 2015/2016, déposée par M. A... le 10 juin 2016, porte sur les parcelles cadastrales B 284 et B 287 d'une surface respective de 1,70 hectares, soit une surface totale de 3,40 hectares. A la suite des contrôles administratifs et du contrôle sur place effectué le 7 juin 2017,

les services de FranceAgriMer ont estimé que les plantations de vigne effectuées par M. A... sur ces parcelles n'étaient pas conformes au contenu déclaratif du dossier de demande d'aide, dès lors que la parcelle section B n° 284 a été plantée sur 2,3769 hectares, soit au-delà de la superficie de 1,70 hectares indiquée dans la demande d'aide, et que la parcelle section B n° 287 a été plantée sur 0,75 hectare, soit en-deçà de la superficie de 1,70 hectare indiquée dans la demande d'aide. Ils ont également relevé que des plantations avaient été réalisées sur une surface de 0,04 hectare sur la parcelle cadastrale section B n° 130 qui ne figurait pas dans la demande d'aide présentée par M. A.... FranceAgriMer a dès lors déduit de ces constatations que la surface éligible à l'aide était seulement de 2,45 hectares dont 1,70 hectare au titre de la parcelle section B n° 284 et 0,75 hectare au titre de la parcelle section B n° 287, soit un pourcentage de sous-réalisation des plantations estimé à 27,94 %. Toutefois, il résulte des éléments exposés au point précédent que l'aide à la restructuration et à la reconversion du vignoble est déterminée sur la base de la superficie primable, reposant non sur une comparaison parcelle cadastrale par parcelle cadastrale, mais définie de manière globale à l'échelle de la parcelle culturale donnée, indépendamment du respect de la ventilation des surfaces à planter entre les parcelles cadastrales composant cette parcelle culturale. Dans ces conditions, le taux de sous-réalisation de l'opération subventionnée, évalué à 27,94 % par FranceAgriMer alors qu'il devait être calculé au niveau de la parcelle culturale, s'élevait à 8,03 % (0,2731 / 3,4 x 100), eu égard à l'écart de 0,2731 hectares mesuré entre la surface cadastrale déclarée de 3,4 hectares, et celle ayant donné lieu aux plantations, mesurée par FranceAgriMer à 3,1269 hectares (2,3769 + 0,75), et sans qu'il y ait lieu de tenir compte de la surface plantée sur la parcelle section B n° 130, non déclarée dans le dossier de demande d'aide. Il suit de là que M. A... est fondé à soutenir que le pourcentage de 27,94 % de sous-réalisation retenu par FranceAgrimer, qui fonde la décision prise le 24 avril 2018 par le directeur général de FranceAgriMer portant application d'une sanction financière sur le fondement de l'article 18.1 précité, est erroné et que l'écart entre la superficie totale pour laquelle l'aide à la restructuration est demandée et la superficie contrôlée était inférieure à 20 %, de sorte que l'aide demandée ne pouvait se voir appliquer aucune sanction pour sous-réalisation.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la demande de M. A..., que ce dernier est fondé à demander l'annulation de la décision du 24 avril 2018 prise par le directeur général de FranceAgriMer, en tant qu'elle a rejeté partiellement sa demande de versement de l'aide à la restructuration et à la reconversion du vignoble au titre de la campagne 2015-2016, ainsi que la décision du 17 septembre 2018 portant rejet de son recours gracieux.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que FranceAgriMer demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de FranceAgriMer une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La décision du 24 avril 2018 du directeur général de FranceAgriMer, en tant qu'elle rejette partiellement la demande d'aide à la restructuration et à la reconversion du vignoble présentée par M. A..., ainsi que la décision du 17 septembre 2018 portant rejet de son recours gracieux, sont annulées.

Article 2 : FranceAgriMer versera à M. A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Arricle 3 : Les conclusions présentées par FranceAgriMer sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) et à M. B... A....

Délibéré après l'audience du 13 juin 2024, où siégeaient :

- Mme Fedi, présidente de chambre,

- Mme Rigaud, présidente assesseure,

- M. Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 juin 2024.

N° 23MA03145 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA03145
Date de la décision : 28/06/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Agriculture et forêts - Exploitations agricoles - Aides de l’Union européenne.

Communautés européennes et Union européenne - Règles applicables - Politique agricole commune.


Composition du Tribunal
Président : Mme FEDI
Rapporteur ?: M. Nicolas DANVEAU
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : SEBAN ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-28;23ma03145 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award