Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bastia de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014, 2015 et 2016, de la cotisation primitive d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2016, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 2001172 du 18 novembre 2022, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 5 janvier 2023, M. B..., représenté par Me Munoz, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bastia du 18 novembre 2022 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- l'administration aurait dû engager une vérification de comptabilité de la société civile professionnelle (SCP) Cabinet Infirmier Ambrosini-Brunini-Maraninchi-Salazar ;
- il a été privé d'un débat contradictoire ;
- l'avis d'imposition supplémentaire à l'impôt sur le revenu de l'année 2015 est irrégulier ;
- le droit de reprise de l'administration était expiré en ce qui concerne l'année 2014 ;
- c'est à tort que l'administration a rehaussé les bénéfices non commerciaux déclarés en tenant compte des déclarations rectificatives de la SCP Cabinet Infirmier Ambrosini-Brunini-Maraninchi-Salazar ;
- il était en droit de déduire, au titre de l'année 2016, des pensions alimentaires pour un montant s'élevant à 50 414 euros ;
- l'application des pénalités au titre des années 2014 et 2015 n'est pas motivée ;
- l'administration a fait une application cumulée de la majoration prévue par l'article 1728 du code général des impôts et de celle prévue par l'article 1758 A du même code en ce qui concerne l'année 2016 ;
- l'administration n'était pas fondée à faire application des majorations.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mai 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mastrantuono,
- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., qui exerçait la profession d'infirmier libéral au sein de la SCP Ambrosini-Brunini-Maraninchi-Salazar, a fait l'objet de contrôles sur pièces de ses déclarations à l'issue desquels l'administration fiscale a notamment rehaussé ses bénéfices non commerciaux au vu des déclarations de résultats rectificatives de la SCP relatives aux exercices clos en 2014 et 2015 et de la déclaration de résultat relative à l'exercice clos en 2016. M. B... relève appel du jugement du 18 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a ainsi été assujetti au titre des années 2014, 2015 et 2016, de la cotisation primitive d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2016, et des pénalités correspondantes.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " L'administration des impôts contrôle les déclarations ainsi que les actes utilisés pour l'établissement des impôts, droits, taxes et redevances (...) ". Aux termes de l'article L. 53 du même livre : " En ce qui concerne les sociétés dont les associés sont personnellement soumis à l'impôt pour la part des bénéfices correspondant à leurs droits dans la société, la procédure de vérification des déclarations déposées par la société est suivie entre l'administration des impôts et la société elle-même (...) ".
3. Il résulte de l'instruction que l'administration a rehaussé les bénéfices non commerciaux déclarés par M. B... en tenant compte de la répartition des résultats entre les associés, mentionnée dans des déclarations de résultat rectificatives de la SCP Cabinet Infirmier Ambrosini-Brunini-Maraninchi-Salazar au titre des exercices clos en 2014 et 2015, et de la déclaration de résultat de cette société au titre de l'exercice clos en 2016. L'établissement des suppléments d'impôt en litige, qui procèdent de l'exploitation des déclarations initiale et rectificatives de la SCP Cabinet Infirmier Ambrosini-Brunini-Maraninchi-Salazar à l'occasion du contrôle sur pièces des déclarations de revenus de l'un de ses associés, n'imposait pas au service de procéder préalablement à la vérification de comptabilité et à la rectification des résultats de la société. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'administration aurait dû engager une vérification de comptabilité de la SCP Cabinet Infirmier Ambrosini-Brunini-Maraninchi-Salazar.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 55 du livre des procédures fiscales : " (...) lorsque l'administration des impôts constate une insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes quelconques dues en vertu du code général des impôts (...) les rectifications correspondantes sont effectuées suivant la procédure de rectification contradictoire (...) ".
5. Dans le cadre d'un contrôle sur pièces, la procédure de rectification contradictoire prévue par l'article L. 55 du livre des procédures fiscales n'impose aucun débat contradictoire préalablement à la notification de la proposition de rectification. Par suite, M. B..., auquel l'administration a adressé des propositions de rectification en réponse desquelles il a pu faire valoir ses observations, n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été privé d'un débat contradictoire.
6. En troisième lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 253 du livre des procédures fiscales : " L'avis d'imposition mentionne le total par nature d'impôt des sommes à acquitter, les conditions d'exigibilité, la date de mise en recouvrement et la date limite de paiement ".
7. Dans le cadre d'un contentieux d'assiette, les irrégularités dont sont, le cas échéant, entachés les avis relatifs aux impositions recouvrées par voie de rôle sont sans incidence sur la régularité et le bien-fondé de l'impôt. Doit ainsi être écarté comme inopérant le moyen tiré de ce qu'est irrégulier l'avis d'imposition relatif à l'année 2015 au motif qu'il mentionne " M. B... A... ou Mme B... C... " alors qu'il ne concerne que les revenus de M. B....
Sur le bien-fondé des impositions :
8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures : " Pour l'impôt sur le revenu (...), le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ". Aux termes de l'article L. 188 C du même livre : " Même si les délais de reprise sont écoulés, les omissions ou insuffisances d'imposition révélées par une procédure judiciaire, par une procédure devant les juridictions administratives ou par une réclamation contentieuse peuvent être réparées par l'administration des impôts jusqu'à la fin de l'année suivant celle de la décision qui a clos la procédure et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ". Aux termes de l'article L. 189 de ce livre : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification (...) ".
9. Il n'est pas contesté que la déclaration de résultat rectificative établie par la SCP Cabinet Infirmier Ambrosini-Brunini-Maraninchi-Salazar au titre de l'exercice 2014 a été transmise à l'administration fiscale par une note du parquet du pôle économique et financier du 6 février 2018, dans le cadre d'une procédure pénale relative à des faits susceptibles de constituer une fraude fiscale commise notamment par M. B... et la SCP Cabinet Infirmier Ambrosini-Brunini-Maraninchi-Salazar. Par conséquent, l'insuffisance d'imposition en litige doit être regardée comme ayant été révélée par une procédure judiciaire. Dans ces conditions, l'administration était en droit de faire usage du délai de reprise spécial prévu à l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales s'agissant des revenus de l'année 2014, sans qu'aient d'incidence la circonstance que la décision de répartition du bénéfice de la SCP Cabinet Infirmier Ambrosini-Brunini-Maraninchi-Salazar n'a pas été prise à l'unanimité des associés et que M. B..., qui a bénéficié des garanties attachées à la procédure de rectification contradictoire, n'a pas été mis à même de se défendre préalablement à la notification de la proposition de rectification. Par conséquent, doit être écarté le moyen tiré de ce que l'année 2014 était prescrite lorsque la proposition de rectification du 18 juillet 2018 a été notifiée à M. B....
10. En deuxième lieu, aux termes de l'article 92 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus (...) ".
11. L'administration a rehaussé les bénéfices non commerciaux déclarés par M. B... en se fondant sur les déclarations de résultat rectificatives de la SCP Cabinet Infirmier Ambrosini-Brunini-Maraninchi-Salazar au titre des exercices clos en 2014 et 2015 établies par son expert-comptable à la demande des trois autres associés, et sur la déclaration de résultat de la société au titre de l'exercice clos en 2016. Il résulte de l'instruction et il n'est pas contesté que la répartition des résultats entre les associés, mentionnée sur ces déclarations est conforme aux flux financiers ayant effectivement bénéficié à chacun des quatre associés, l'enquête ouverte en raison de soupçons d'escroquerie à l'assurance maladie ayant permis de constater que M. B... avait appréhendé au cours de la période considérée des fonds pour un montant supérieur à ceux perçus par les trois autres associés réunis. Par conséquent, l'administration était fondée à rehausser les bénéfices non commerciaux de M. B... en tenant compte de la répartition des résultats de la SCP Cabinet Infirmier Ambrosini-Brunini-Maraninchi-Salazar mentionnée sur les déclarations en cause, sans qu'ait d'incidence à cet égard les circonstances que M. B..., à la suite d'une fracture, a été placé en arrêt de travail au cours de la période considérée, et que les bénéfices retenus par l'administration sont supérieurs à ceux mentionnés sur ses relevés d'honoraires, lesquels, au demeurant, ne mentionnent que les actes conventionnés. Dès lors, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que l'administration a rehaussé les bénéfices non commerciaux déclarés en tenant compte des déclarations rectificatives de la SCP Cabinet Infirmier Ambrosini-Brunini-Maraninchi-Salazar.
12. En troisième lieu, aux termes de l'article 156 du code général des impôts : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé eu égard aux propriétés et aux capitaux que possèdent les membres du foyer fiscal (...), aux professions qu'ils exercent, aux traitements, salaires, pensions et rentes viagères dont ils jouissent ainsi qu'aux bénéfices de toutes opérations lucratives auxquelles ils se livrent, sous déduction : / (...) II. Des charges ci-après lorsqu'elles n'entrent pas en compte pour l'évaluation des revenus des différentes catégories : / (...) 2° (...) pensions alimentaires répondant aux conditions fixées par les articles 205 à 211, 367 et 767 du code civil (...) ".
13. Il résulte de l'instruction que M. B..., qui était séparé de fait de son épouse et faisait l'objet d'une imposition distincte, a déclaré au titre des pensions alimentaires déductibles de ses revenus de l'année 2016 une somme de 44 131 euros. A l'issue du contrôle sur pièces dont sa déclaration a fait l'objet, l'administration n'a admis la déduction de ces pensions qu'à hauteur d'un montant total de 18 100 euros, comprenant une somme de 11 500 euros versée pour l'entretien de ses deux enfants, et de 6 600 euros correspondant à la valeur locative de l'appartement occupé par son épouse et ceux-ci. Si M. B... revendique la déduction de pensions alimentaires s'élevant à un montant total de 50 414 euros, il n'établit ni même n'allègue que les dépenses correspondant à des " frais pour biens en commun " relatives à des biens immobiliers s'élevant à 9 676,91 euros, 13 974,98 euros et 789,87 euros, et à la prise en charge de frais de son épouse pour un montant de 7 872,53 euros étaient destinées à l'entretien des enfants. Au demeurant, le requérant n'a versé aux débats aucun élément de nature à justifier des règlements qu'il dit avoir opérés. Par conséquent, M. B... n'était pas en droit de déduire des pensions alimentaires pour un montant supérieur à celui admis par l'administration au titre de l'année 2016.
Sur les pénalités :
14. En premier lieu, aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens des articles L. 211-2 à L. 211-7 du code des relations entre le public et l'administration, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable (...) ".
15. Contrairement à ce qui est soutenu, les propositions de rectification du 18 juillet 2018, qui rappellent les termes de l'article 1758 A du code général des impôts et indiquent le montant de la majoration dont ont été assortis les droits rappelés à l'impôt sur le revenu au titre des années 2014 et 2015, sont suffisamment motivées en ce qui concerne l'application de la majoration pour insuffisance de déclaration.
16. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que les droits supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2016 ont seulement été assortis de la majoration de 10 % prévue au a. du 1 de l'article 1728 du code général des impôts en cas de dépôt tardif de déclaration. Par conséquent, le moyen tiré de ce que l'administration aurait fait une application cumulée de cette majoration et de celle prévue par l'article 1758 A du même code doit en tout état de cause être écarté comme manquant en fait.
17. En troisième lieu, aux termes de l'article 1758 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I. - Le retard ou le défaut de souscription des déclarations qui doivent être déposées en vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu ainsi que les inexactitudes ou les omissions relevées dans ces déclarations, qui ont pour effet de minorer l'impôt dû par le contribuable ou de majorer une créance à son profit, donnent lieu au versement d'une majoration égale à 10 % des droits supplémentaires ou de la créance indue. / II. - Cette majoration n'est pas applicable : / a) En cas de régularisation spontanée ou lorsque le contribuable a corrigé sa déclaration dans un délai de trente jours à la suite d'une demande de l'administration ; / b) Ou lorsqu'il est fait application des majorations prévues par les b et c du 1 de l'article 1728, par l'article 1729 ou par le a de l'article 1732 ".
18. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que M. B... a minoré les bénéfices non commerciaux déclarés au titre des années 2014 et 2015. Cette minoration constitue une inexactitude de déclaration ayant eu pour effet de minorer l'impôt au sens de l'article 1758 A du code général des impôts. Cette insuffisance de déclaration n'a pas été réparée spontanément ou dans un délai de trente jours à la suite d'une demande de l'administration. Par suite, M. B... n'est pas fondé à contester l'application aux cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu en litige au titre des années 2014 et 2015 de la majoration de 10 % prévue par l'article 1758 A du code, dont la mise en œuvre n'est pas, contrairement à ce qu'il soutient, subordonnée à la preuve de sa mauvaise foi.
19. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration (...) entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable (...) d'une majoration de : / a. 10 % en l'absence de mise en demeure (...) ".
20. Si M. B... se prévaut de sa bonne foi, cette circonstance est sans incidence sur le bien-fondé de la majoration prévue au a. du 1 de l'article 1728 que l'administration a appliquée, qui résulte du seul défaut de production dans les délais prescrits de la déclaration de revenu qu'il aurait dû souscrire au titre de l'année 2016.
21. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est par ailleurs suffisamment motivé, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande. Par conséquent, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 6 juin 2024, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente,
- M. Platillero, président assesseur,
- Mme Mastrantuono, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 juin 2024.
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N° 23MA00021