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18/06/2024 | FRANCE | N°23MA00715

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 4ème chambre, 18 juin 2024, 23MA00715


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :





Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, en premier lieu, d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2020 par lequel le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud a rejeté sa demande d'attribution d'un congé de longue maladie imputable au service, en deuxième lieu, de déclarer inexistants les arrêtés des 7 janvier, 18 avril et 22 octobre 2019 par lesquels le préfet l'a placée, puis maintenue, en disponibilité d'office, en troisième lieu, d'enj

oindre au préfet de réexaminer sa situation et de prendre une nouvelle décision dans un délai d'u...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, en premier lieu, d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2020 par lequel le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud a rejeté sa demande d'attribution d'un congé de longue maladie imputable au service, en deuxième lieu, de déclarer inexistants les arrêtés des 7 janvier, 18 avril et 22 octobre 2019 par lesquels le préfet l'a placée, puis maintenue, en disponibilité d'office, en troisième lieu, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation et de prendre une nouvelle décision dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard et, en quatrième et dernier lieu, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2001635 du 24 janvier 2023, le tribunal administratif de Marseille a, d'une part, annulé cet arrêté du préfet de la zone de défense et de sécurité Sud du 24 janvier 2020 en tant qu'il porte rejet de sa demande d'attribution d'un congé de longue maladie, d'autre part, enjoint au préfet de réexaminer la situation de Mme A... et de prendre une nouvelle décision, dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce jugement et, enfin, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, avant de rejeter le surplus des conclusions présentées par Mme A....

Procédure devant la Cour

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 mars 2023 et 30 mai 2024, Mme A..., représentée par Me Michel, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 24 janvier 2023 en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à la reconnaissance de l'origine professionnelle de sa maladie ;

2°) d'annuler cet arrêté du préfet de la zone de défense et de sécurité Sud du 24 janvier 2020 en tant qu'il rejette sa demande de congé de longue maladie imputable au service ;

3°) d'enjoindre au préfet de la zone de défense et de sécurité Sud, sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de prendre une décision reconnaissant l'origine professionnelle de sa maladie et d'en tirer toutes les conséquences statutaires et financières, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur l'irrégularité du jugement attaqué :

- le tribunal administratif de Marseille a méconnu les dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;

Sur le caractère infondé du jugement attaqué :

- la décision contestée en tant qu'elle porte refus de reconnaître sa maladie imputable au service a été prise, en méconnaissance des dispositions de l'article 19 du décret n° 86-442, dans sa rédaction alors en vigueur, au terme d'une procédure irrégulière et ce vice a eu une influence sur le sens de cette décision ;

- cette décision est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions de

l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires applicables à la fonction publique d'Etat, dans sa rédaction applicable à l'espèce ; à cet égard, le ministre de l'intérieur et des outre-mer ne peut solliciter une substitution de motifs sans apporter la preuve que la même décision aurait été effectivement prise si son auteur avait initialement entendu se fonder sur ce motif ; en tout état de cause, il ne peut être fait droit à cette demande de substitution de motifs dès lors que les éléments sur lesquels se fonde le ministre de l'intérieur et des outre-mer sont étrangers à la notion de lien direct ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur d'appréciation ; en refusant de faire droit à ce moyen pourtant fondé, le tribunal administratif de Marseille a entaché son jugement d'une erreur de droit.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 avril 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué et celui tiré du vice de procédure, invoqué pour la première fois en appel, ne sont pas fondés ;

- dès lors qu'il n'existe pas de lien de causalité direct entre les fonctions exercées par Mme A... et la survenance de sa pathologie, le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud n'a pas commis d'erreur de droit en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie ; en toute hypothèse, et au surplus, s'il fallait considérer que le motif de l'arrêté en litige, tel qu'il est rédigé, recèle une erreur de droit, il sollicite que le motif tel qu'il vient d'être énoncé soit substitué à celui figurant dans cet arrêté ;

- pour le reste, il renvoie la Cour aux écritures en défense produites en première instance le 4 avril 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Revert, président assesseur, pour présider la formation de jugement de la 4ème chambre, en application des dispositions de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lombart,

- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,

- et les observations de Me Michel, représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 24 janvier 2020, le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud a refusé d'accorder à Mme A..., adjointe administrative en poste à la circonscription de sécurité publique d'Aix-en-Provence, un congé de longue maladie imputable au service. Par un jugement du 24 janvier 2023, dont Mme A... relève appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté en tant qu'il refuse de reconnaître comme imputable au service la maladie anxiodépressive dont elle souffre.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) / Contient (...) les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) ".

3. Si les visas du jugement attaqué du tribunal administratif de Marseille ne font pas mention du code des relations entre le public et l'administration, ses motifs comportent, au point 4, la reproduction textuelle de l'article L. 211-2 de ce code, dont les premiers juges ont fait application. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées au point précédent doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. En premier lieu, aux termes de l'article 19 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des conseils médicaux, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable au présent litige : " La commission de réforme ne peut délibérer valablement que si la majorité absolue des membres en exercice assiste à la séance ; un praticien de médecine générale ou le spécialiste compétent pour l'affection considérée doit participer à la délibération. / Les avis sont émis à la majorité des membres présents. / Lorsqu'un médecin spécialiste participe à la délibération conjointement avec les deux praticiens de médecine générale, l'un de ces deux derniers s'abstient en cas de vote. (...) ".

5. Mme A... soutient, pour la première fois devant la Cour, qu'il n'est pas démontré que l'un des deux médecins généralistes présents lors de la séance de la commission de réforme départementale des Bouches-du-Rhône, qui s'est réunie le 14 janvier 2020 pour émettre un avis sur sa demande de congé de longue maladie imputable au service à compter du 4 juillet 2017, s'est abstenu lors du vote, alors qu'a siégé à cette séance un médecin spécialiste de son affection. Toutefois, il ne ressort pas du procès-verbal de cette séance, comportant les signatures de

cinq des six membres de la commission, dont celle d'un seul médecin généraliste, que les

deux praticiens de médecine généraliste auraient participé à la délibération aux côtés du médecin spécialiste. Par suite, et alors que la commission de réforme a ainsi pu valablement délibérer et qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose la mention du nombre des votes sur l'avis rendu par cet organisme, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées au point 4 doit être écarté.

6. En second lieu, aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ; / 3° A des congés de longue maladie (...) / Les dispositions du deuxième alinéa du 2° du présent article sont applicables au congé de longue maladie. (...) ".

7. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct, mais non nécessairement exclusif, avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.

8. Certes, en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme A..., au seul motif de l'absence d'un lien non seulement direct mais également certain et déterminant entre l'état de santé de Mme A... et ses conditions de travail, le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud a, comme le soutient l'intéressée, entaché son arrêté du 24 janvier 2020 d'une erreur de droit.

9. Toutefois, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

10. A l'appui de son mémoire en défense enregistré le 4 avril 2024 et dûment communiqué à Mme A..., le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la Cour de substituer au motif retenu par le préfet dans l'arrêté contesté, celui tiré de l'absence de lien de causalité direct entre la pathologie dont elle est atteinte et son activité professionnelle.

11. Pour demander que l'état anxiodépressif dont elle souffre soit reconnu comme imputable au service, Mme A... expose que les agressions verbales, les humiliations et les vexations dont elle se prétend avoir été victime par des agents et le chef de son service, mais aussi la gestion de sa situation par l'autorité administrative, et en particulier, le traitement de ses demandes de congés, ont causé une décompensation, sur un mode anxiodépressif, de la maladie de Kretschmer dont elle est atteinte. Cependant, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment pas du certificat établi le 19 décembre 2018 par le médecin de prévention indiquant avoir " constaté une ambiance de travail difficile dans son service compte tenu de la charge de travail et de ses absences répétées " mais observant également " la notion de maladie en rapport avec le service ne [lui] semble pas appropriée ", que les conditions de travail de Mme A... auraient été de nature à susciter le développement de sa maladie. En outre, ni le courriel que Mme A... a elle-même rédigé le 5 juillet 2017, ni l'attestation d'une amie personnelle du 12 février 2018, ni aucune autre pièce du dossier, ne démontrent l'existence d'un facteur déclenchant qui aurait pu provoquer une telle décompensation. La seule circonstance que sa demande de congé a été traitée avec retard par son administration ne peut être regardée, en l'absence de toute pièce médicale sur ce point, comme ayant aggravé sa pathologie. Enfin, si l'appelante rappelle qu'elle a déposé, en septembre 2021 et en avril 2022, des plaintes contre X, dont la dernière avec constitution de partie civile, elle n'assortit cette affirmation d'aucune indication quant aux suites qui leur auraient été données. Dans ces conditions, et compte tenu des conclusions susmentionnées du médecin de prévention, confirmées par celles du médecin spécialiste agréé désigné par l'administration du 6 février 2019, il ne ressort pas des pièces du dossier que la pathologie de Mme A... présenterait un lien direct avec le service, ni, donc, qu'en refusant de reconnaître son imputabilité au service, le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud aurait entaché son arrêté d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984. Par suite, alors qu'il résulte de l'instruction que le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud aurait pris la même décision s'il avait entendu se fonder initialement sur le motif tiré de l'absence de lien direct entre la maladie dont souffre l'appelante et le service, il y a lieu de faire droit à la demande de substitution présentée par le représentant de l'Etat, qui ne prive l'intéressée d'aucune garantie procédurale liée au motif ainsi substitué.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la zone de défense et de sécurité Sud du 24 janvier 2020 en tant qu'il refuse de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie.

Sa requête d'appel doit donc être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et ses prétentions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la zone de défense et de sécurité Sud.

Délibéré après l'audience du 4 juin 2024, où siégeaient :

- M. Revert, président,

- M. Martin, premier conseiller,

- M. Lombart, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juin 2024.

2

No 23MA00715

ot


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA00715
Date de la décision : 18/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-01 Fonctionnaires et agents publics. - Positions. - Congés. - Congés de maladie.


Composition du Tribunal
Président : M. REVERT
Rapporteur ?: M. Laurent LOMBART
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : SELARL NOUS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-18;23ma00715 ?
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