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14/06/2024 | FRANCE | N°23MA02330

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 2ème chambre, 14 juin 2024, 23MA02330


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Bastia, à titre principal, d'ordonner une expertise médicale afin d'évaluer les préjudices qu'elle estime avoir subis à la suite de sa chute survenue dans le port de plaisance " Tino Rossi " à Ajaccio et de condamner la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Corse à lui verser une provision de 5 000 euros et, subsidiairement, de condamner cet établissement public à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation de

son préjudice corporel.



Avant de statuer sur l'ensemble de ces demandes, le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Bastia, à titre principal, d'ordonner une expertise médicale afin d'évaluer les préjudices qu'elle estime avoir subis à la suite de sa chute survenue dans le port de plaisance " Tino Rossi " à Ajaccio et de condamner la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Corse à lui verser une provision de 5 000 euros et, subsidiairement, de condamner cet établissement public à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice corporel.

Avant de statuer sur l'ensemble de ces demandes, le tribunal administratif de Bastia, a, par un jugement n° 2100091 avant dire droit du 7 juin 2022, condamné la CCI de Corse à payer à Mme A... une somme provisionnelle de 5 000 euros et ordonné une expertise médicale.

L'expert a déposé son rapport au greffe du tribunal le 14 décembre 2022.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Haute-Corse, mise en cause, a demandé à ce tribunal de condamner la CCI de Corse à lui verser la somme de 23 106,32 euros au titre des prestations versées à la victime et de la condamner également à lui payer la somme de 1 162 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Mme A... a demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner la CCI de Corse à lui payer la somme de 195 016,31 euros en réparation des préjudices subis et la somme de 800 euros au titre de la provision qu'elle a versée à l'expert.

Par un jugement n° 2100091 du 7 juillet 2023, le tribunal administratif de Bastia a condamné la CCI de Corse à payer à Mme A... une somme de 66 548,13 euros, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse la somme de 23 106,32 euros, outre une somme de 1 162 euros au titre du neuvième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, et mis à la charge définitive de la CCI de Corse les frais et honoraires de l'expertise, taxés à la somme de 800 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 septembre 2023, la chambre de commerce et d'industrie de Corse, représentée par Me Cesari, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2100091 du 7 juillet 2023 du tribunal administratif de Bastia et de rejeter la demande présentée par Mme A... devant ce tribunal ;

2°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en raison d'un " bug informatique ", elle n'a pas été destinataire du mail adressé par le tribunal l'invitant à produire des observations sur la demande présentée par Mme A... ;

- la demande de première instance de Mme A... était irrecevable dès lors qu'elle ne l'avait pas saisie d'une demande indemnitaire préalable ;

- la demande présentée par Mme A... était mal dirigée car la zone dans laquelle elle a chuté était concédée à la prud'homie d'Ajaccio ;

- sa responsabilité au titre du défaut d'entretien normal a été retenue à tort par le tribunal : la matérialité des faits n'est pas démontrée par Mme A... et seule la faute d'imprudence commise par celle-ci explique le dommage dont elle a été atteinte ;

- en ce qui concerne les préjudices : le tribunal a alloué à tort la somme de 30 000 euros au titre du préjudice d'incidence professionnelle, celle de 3 000 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, celle de 23 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent et celle de 4 000 euros au titre du préjudice d'agrément, sans préciser sa méthode de calcul et alors que les préjudices n'étaient pas justifiés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 octobre 2023, Mme A..., représentée par Me Belaïche, demande à la cour :

1°) à titre principal, par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement attaqué en portant à la somme de 195 016,31 euros le montant auquel doit être condamnée la CCI de Corse, de le confirmer en tant qu'il a mis à la charge définitive de cet établissemnt les frais et honoraires de l'expertise précitée, taxés à la somme de 800 euros, et mis à la charge de celui-ci de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) à titre subsidiaire, de confirmer le jugement attaqué ;

3°) en tout état de cause, de mettre à la charge de la CCI de Corse la somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les moyens soulevés par la chambre de commerce et d'industrie de Corse ne sont pas fondés ;

- la CCI de Corse n'ayant pas interjeté appel du jugement avant-dire-droit du 7 juin 2022 avant l'expiration du délai d'appel contre le jugement du 7 juillet 2023, elle ne peut solliciter l'exonération de sa responsabilité ;

- le tribunal a fait une évaluation insuffisante de ses préjudices.

Par une lettre, enregistrée le 9 novembre 2023, Mme A..., représentée par Me Belaïche, demande à la cour d'assurer l'exécution du jugement attaqué.

Elle soutient que, plus de trois mois après cette décision, aucune somme ne lui a été versée par la chambre de commerce et d'industrie de Corse.

La CCI de Corse a été informée de la demande d'exécution du jugement par lettre du 9 novembre 2023 et invitée à présenter ses observations. Elle n'y a pas répondu.

Par un mémoire, enregistré le 5 janvier 2024, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Haute-Corse, représentée par Me Perino Scarcella, demande à la cour de rejeter la requête de la CCI de Corse, de confirmer le jugement attaqué en tant qu'il a condamné cet établissement public à lui verser la somme de 23 106,32 euros au titre des prestations versées à la victime outre celle de 1 162 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et la mise à la charge de celui-ci de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la CCI de Corse ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mahmouti,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- et les observations de Me Vartanian substituant Me Cesari, représentant la chambre de commerce et d'industrie de Corse, et de Me Belaïche, représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Bastia, à titre principal, d'ordonner une expertise médicale afin d'évaluer les préjudices qu'elle estime avoir subis à la suite de sa chute survenue dans le port de plaisance " Tino Rossi " à Ajaccio et de condamner la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Corse à lui verser une provision de 5 000 euros et, subsidiairement, de condamner cet établissement public à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice corporel. Avant de statuer sur ces demandes, le tribunal administratif de Bastia, a, par un jugement avant dire droit du 7 juin 2022, condamné la CCI de Corse à payer à Mme A... une somme provisionnelle de 5 000 euros et ordonné une expertise médicale. Après le dépôt par l'expert de son rapport au greffe du tribunal le 14 décembre 2022, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Haute-Corse, mise en cause, a demandé à ce tribunal de condamner la CCI de Corse à lui verser la somme de 23 106,32 euros au titre des prestations versées à la victime et Mme A... lui a demandé de condamner la CCI de Corse à lui payer la somme de 195 016,31 euros en réparation des préjudices subis et la somme de 800 euros au titre de la provision qu'elle a versée à l'expert. Par un jugement du 7 juillet 2023, le tribunal administratif de Bastia a condamné la CCI de Corse à payer à Mme A... une somme de 66 548,13 euros, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse la somme de 23 106,32 euros, outre une somme de 1 162 euros au titre du neuvième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, et mis à la charge définitive de la CCI de Corse les frais et honoraires de l'expertise, taxés à la somme de 800 euros. La chambre de commerce et d'industrie de Corse doit, eu égard à son argumentation, être regardée comme relevant appel tant du jugement avant dire droit du 7 juin 2022 que du jugement qui met fin à l'instance du 7 juillet 2023, tandis que Mme A... demande une meilleure indemnisation ainsi que l'exécution du jugement du 7 juillet 2023.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Mme A... expose avoir été victime le 15 juin 2020, alors qu'elle empruntait à pied le quai du port de plaisance " Tino Rossi " à Ajaccio, d'une chute causée par la présence au sol d'un filet de pêche. A l'appui de ses allégations, elle produit l'attestation en date du 28 octobre 2020 par laquelle les sapeurs-pompiers indiquent seulement comme lieu de la chute " le port de plaisance Tino Rossi ", ainsi qu'une attestation d'un témoin visuel qui mentionne exclusivement que cette chute a eu lieu " sur le port de plaisance Tino Rossi ". Si ces documents permettent certes toutes deux d'établir la réalité de la chute dans ce port, ils ne renseignent ni sur l'endroit exact de la chute, ni sur la taille du filet de pêche en cause, ni même sur son emplacement sur la chaussée affectée aux piétons. A cet égard, si la témoin fait état dans son attestation de photograpies qui auraient été prises par le responsable du port de plaisance, la requérante s'abstient de les verser au débat. Il s'en suit que les seuls éléments produits par la requérante ne sont pas de nature à établir le lien de causalité entre le dommage qu'elle a subi et l'état de l'ouvrage public. Ils ne sont pas non plus de nature à regarder la seule présence d'un filet de pêche, sur les quais d'un port de plaisance et de pêche, comme exposant les usagers à des risques inattendus dans un tel lieu et comme caractérisant un défaut d'entretien normal. Enfin et au surplus, alors que la circulation piétonne exige une vigilance accrue au bord de l'eau et sur le quai d'un port de plaisance et de pêche, la témoin, que Mme A... venait récupérer avec un groupe de voileur, atteste avoir vu l'intéressée s'être pris les pieds dans le filet, ce qui révèle le caractère manifestement visible de celui-ci pour ce témoin qui en était pourtant éloigné et, a fortiori, de la requérante. Par conséquent, la CCI de Corse est également, fondée à soutenir qu'elle doit être entièrement exonérée de sa responsabilité du fait de la faute d'inattention de la victime. Dans ces conditions et contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, Mme A... n'est pas fondée à engager la responsabilité de la CCI de Corse au titre d'un défaut d'entretien normal de l'ouvrage public.

3. La CCI de Corse est, par suite, fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia l'a déclarée responsable de l'accident subi le 15 juin 2020 par Mme A... et condamné à payer à cette dernière des indemnités d'un montant de 66 548,13 euros.

4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il besoin d'examiner les autres moyens de la requête, qu'il y a lieu d'annuler les jugements attaqués du tribunal administratif de Bastia et de rejeter la demande présentée par Mme A... devant ce tribunal.

Sur l'appel incident de Mme A... :

5. Par voie de conséquence de ce qui vient d'être dit, les conclusions présentées par Mme A... par la voie de l'appel incident ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse :

6. Par voie de conséquence de ce qui vient d'être dit, la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse n'a pas le droit au remboursement des débours exposés en conséquence de la chute subie par Mme A... ni au versement d'une indemnité forfaitaire de gestion.

Sur les dépens :

7. En application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre les frais d'expertise, tels que liquidés et taxés par le président du tribunal administratif de Bastia, à la charge définitive de Mme A....

Sur la demande d'exécution :

8. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 ci-dessus que le jugement du tribunal administratif de Bastia du 7 juillet 2023 doit être annulé. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'exécution de ce jugement présentée par Mme A....

Sur les frais du litige :

9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à chacune des parties la charge de ses frais d'instance.

D É C I D E :

Article 1er : Les jugements n° 2100091 du 7 juin 2022 et 7 juillet 2023 rendus par le tribunal administratif de Bastia sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Bastia est rejetée.

Article 3 : Les frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Bastia, liquidés et taxés à la somme de 800 euros, sont mis à la charge définitive de Mme A....

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la chambre de commerce et d'industrie de Corse, à Mme B... A... et à la caisse primaire d'assurance-maladie de la Haute-Corse.

Délibéré après l'audience du 30 mai 2024 où siégeaient :

- Mme Fedi, présidente de chambre,

- Mme Rigaud, présidente-assesseure,

- M. Mahmouti, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 juin 2024.

2

N° 23MA02330


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA02330
Date de la décision : 14/06/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-02-03-02 Travaux publics. - Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics. - Lien de causalité. - Absence.


Composition du Tribunal
Président : Mme FEDI
Rapporteur ?: M. Jérôme MAHMOUTI
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : CESARI

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-14;23ma02330 ?
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