Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 23 juin 2023 par lequel le préfet du Var l'a obligé à quitter le territoire français sans délai avec interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
Par un jugement n° 2301975 du 31 juillet 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande de M. A....
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 14 août 2023, M. B... A..., représenté par Me Dantcikian, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Var en date du 23 juin 2023 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an est insuffisamment motivée et entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La procédure a été communiquée au préfet du Var qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience en application de l'article R. 732-1 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Vincent.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., né en 1985, est de nationalité turque. Par un arrêté du 23 juin 2023, le préfet du Var l'a obligé à quitter sans délai le territoire français et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée d'un an. M. A... interjette appel du jugement du 31 juillet 2023 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulon a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation dudit arrêté.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
2. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, suite à son interpellation en situation irrégulière le 22 juin 2023. Il résulte des termes de l'arrêté attaqué que le préfet a constaté qu'il avait déposé une demande d'admission exceptionnelle au séjour le 4 mai 2022, et non 2002 comme indiqué par erreur, mais qu'il n'avait pas donné suite aux demandes qui lui avaient été adressées dans le cadre de l'instruction de cette demande.
3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1./ Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine./ L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
4. M. A... soutient être entré en France en 2004 et être en mesure de justifier y résider de manière ininterrompue depuis 2011. Toutefois, s'il est constant qu'il a déposé une demande d'asile le 7 septembre 2004 qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 26 octobre 2004 confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 8 juin 2005 et qu'il a fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière le 24 octobre 2006, il ne produit aucun document de nature à établir sa présence en France pour la période allant de la fin de l'année 2006 à 2010. Il ne précise pas davantage dans quelles conditions, il serait, le cas échéant, alors revenu en France et les documents qu'il produit au titre des années 2011 à 2013 sont insuffisamment probants pour établir la réalité et la continuité de sa présence en France à cette époque. Il est, par ailleurs, constant qu'il a bénéficié d'une carte de séjour en qualité de salarié valable du 23 février 2017 au 22 février 2018. En tout état de cause, la durée de sa présence en France ne saurait, à elle seule, attester l'intensité, l'ancienneté et la stabilité des liens qui l'attachent au territoire français. S'il fait valoir qu'il vit en France aux côtés de Mme C... avec laquelle il s'est marié le 25 janvier 2019, et de leurs jeunes enfants nés le 14 septembre 2019 et le 28 novembre 2020, il est constant que son épouse, de nationalité turque, est également en situation irrégulière sur le territoire français. Dès lors, rien ne fait obstacle, eu égard notamment à l'âge de ses enfants et à la durée de sa scolarité en France pour l'aînée, à ce que la cellule familiale se reconstitue en Turquie, pays dont l'ensemble des membres du foyer ont la nationalité. Il ressort également des pièces du dossier et, notamment, des déclarations de M. A... dans le cadre de son audition par les services de police, que si deux de ses frères résident en France, il n'est toutefois pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine dans lequel résident ses parents ainsi que deux sœurs et un autre frère. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que celui tiré de ce que la décision litigieuse serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle doivent être écartés.
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Selon l'article L. 612-10 de ce même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
6. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que, lorsque le préfet prend à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, il lui appartient d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés à l'article L. 612-10, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire français.
7. Il résulte des termes de l'arrêté attaqué qu'après avoir cité l'article L. 612-6 et visé L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet a précisé que la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français prononcée à l'encontre de M. A..., par voie de conséquence de son obligation de quitter le territoire français sans délai, tenait compte de ses conditions de séjour sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de circonstances tenant à sa vie privée et familiale et des précédents refus de séjour qui lui ont été opposés. Contrairement à ce que soutient le requérant, l'arrêté relève explicitement qu'il ne représente pas une menace pour l'ordre public. Le préfet a ainsi suffisamment motivé la décision attaquée.
8. Par ailleurs, en fixant à une durée, au demeurant limitée à un an, au regard des éléments cités au point précédent, l'interdiction de retour de l'intéressé sur le territoire français, le préfet du Var n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.
9. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulon a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du 23 juin 2023.
Sur les frais d'instance :
10. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par M. A... doivent, dès lors, être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera également adressée au préfet du Var.
Délibéré après l'audience du 31 mai 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Helmlinger, présidente de la Cour,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- Mme Marchessaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 juin 2024.
N° 23MA02131 2
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