Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 28 juin 2021 par laquelle l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille (AP-HM) a prononcé son exclusion temporaire de fonctions pour une durée d'un an à compter du 19 juillet 2021 et d'enjoindre à cette dernière de procéder à sa réintégration et à la régularisation de sa situation administrative à compter de la notification du jugement à intervenir.
Par un jugement n° 2106974 du 17 avril 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la requête de Mme B....
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 juin 2023 et 22 décembre 2023, Mme B..., représentée par Me de Laubier, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 17 avril 2023 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler la décision du 28 juin 2021 prise par l'AP-HM ;
3°) d'enjoindre à l'AP-HM de procéder à la régularisation de sa situation administrative à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'AP-HM la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier car entaché d'une insuffisance de motivation et d'une erreur d'appréciation ;
- la décision du 28 juin 2021 est entachée d'un vice de procédure, l'enquête administrative n'ayant été menée que par les services de l'AP-HM et ne lui ayant pas été communiquée ;
- elle se fonde sur le décret n° 89-22 du 7 novembre 1989 qui ne lui était pas applicable ;
- les faits ne sont pas établis ;
- la décision est entachée d'une erreur de droit quant au quantum de la sanction appliquée, la durée de l'exclusion temporaire de fonction d'un agent stagiaire ne pouvant pas être supérieure à deux mois ;
- l'AP-HM a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de la sanction appliquée qui est disproportionnée ;
- la décision est entachée d'un détournement de pouvoir.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 novembre 2023, l'AP-HM, représentée par Me Pichon, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête de Mme B... ;
2°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- la loi du 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et des recettes de l'exercice 1905 ;
- le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Danveau,
- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,
- et les observations de Me Souchon, représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... a été recrutée par l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille à compter du 28 février 2008, en qualité d'agent contractuel, et a été titularisée le 1er décembre 2011 au grade d'adjoint administratif de deuxième classe. En février 2015, celle-ci a été affectée au centre d'appels de l'AP-HM. Suite à sa réussite en 2016 au concours interne de technicien hospitalier, elle a été nommée technicienne hospitalière stagiaire à compter du 1er juin 2017 en restant affectée au centre d'appels. Par une décision du 6 décembre 2018, l'AP-HM a refusé de titulariser Mme B... à la fin de son stage en raison de son inaptitude professionnelle. Cette décision a cependant été annulée par un jugement du tribunal administratif de Marseille du 23 novembre 2020. L'AP-HM a alors procédé à la réintégration de l'intéressée en tant que technicienne hospitalière stagiaire, puis l'a titularisée rétroactivement au 1er juin 2019. Par une décision du 28 juin 2021, prise après avis du conseil de discipline du 19 mai 2021, le directeur général de l'AP-HM a infligé à Mme B... la sanction disciplinaire de l'exclusion temporaire de fonctions d'une durée d'un an à compter du 19 juillet 2021. Cette dernière a contesté cette décision devant le tribunal administratif de Marseille qui, par un jugement du 17 avril 2023, a rejeté sa demande. Par la présente requête, Mme B... relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement :
2. Le jugement attaqué énonce en termes suffisamment précis les considérations de droit et de fait sur lesquelles les premiers juges se sont fondés pour estimer que l'AP-HM avait appliqué à bon droit les dispositions du décret du 7 novembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière et pris à l'encontre de la requérante une sanction disciplinaire proportionnée à la gravité des faits. Par suite, et alors que le tribunal n'avait pas à répondre à tous les arguments présentés par Mme B..., le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué doit être écarté.
3. Si la requérante soutient que le jugement attaqué est entaché d'une erreur d'appréciation, ce moyen, qui se rattache au bien-fondé du raisonnement suivi par le tribunal administratif, n'est pas de nature à entacher ce jugement d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. En vertu de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, un agent public faisant l'objet d'une mesure prise en considération de sa personne, qu'elle soit ou non justifiée par l'intérêt du service, doit être mis à même d'obtenir communication de son dossier.
5. Lorsqu'une enquête administrative a été diligentée sur le comportement d'un agent public, y compris lorsqu'elle a été confiée à des corps d'inspection, le rapport établi à l'issue de cette enquête, ainsi que, lorsqu'ils existent, les procès-verbaux des auditions des personnes entendues sur le comportement de l'agent faisant l'objet de l'enquête, font partie des pièces dont ce dernier doit recevoir communication en application de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, sauf si la communication de parties de ce rapport ou de ces procès-verbaux serait de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui ont témoigné. Dans ce cas, l'administration doit informer l'agent public, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur, de telle sorte qu'il puisse se défendre utilement.
6. Il ressort des pièces du dossier que la décision du 28 juin 2021 par laquelle Mme B... a fait l'objet de la sanction disciplinaire litigieuse a été prise au vu d'un rapport du directeur de la direction des services numériques en date du 30 mai 2018 portant sur le temps de communication interne des agents en poste au centre d'appel " 84 444 " de l'AP-HM. Contrairement à ce que la requérante soutient pour la première fois en appel, ce rapport lui a été transmis avant l'intervention de la sanction contestée, ce que celle-ci a indiqué expressément, lors de son entretien disciplinaire du 25 janvier 2021, en précisant que ce document a été porté à sa connaissance le 8 octobre 2018, et qu'un exemplaire lui a ensuite été délivré. Dès lors, Mme B..., qui a pu se défendre utilement dans le cadre de la procédure disciplinaire, n'est pas fondée à soutenir que l'administration n'aurait pas respecté le caractère contradictoire de la procédure, ni qu'elle aurait méconnu son obligation de loyauté en établissant seule le rapport précité.
7. Mme B... reprend en appel, avec la même argumentation qu'en première instance, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse est fondée à tort sur le décret du 7 novembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière au lieu du décret du 12 mai 1997 fixant les dispositions communes applicables aux agents stagiaires de la fonction publique hospitalière. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 4 du jugement attaqué.
8. Aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors applicable : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale (...) ". Aux termes de l'article 81 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, alors applicable : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : (...) / Troisième groupe : / La rétrogradation au grade immédiatement inférieur et à l'échelon correspondant à un indice égal ou, à défaut, immédiatement inférieur à celui afférent à l'échelon détenu par l'agent, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans ; (...) ".
9. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
10. Pour prononcer, à l'encontre de Mme B..., la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée d'un an, laquelle est régulièrement fondée sur les dispositions précitées de l'article 81 de la loi du 9 janvier 1986, le directeur général de l'AP-HM a relevé notamment que l'agent, exerçant des missions de support téléphonique et technique aux utilisateurs du centre d'appels " 84 444 ", avait manqué à son obligation de servir en simulant de travailler et avait ainsi eu un comportement contraire au bon fonctionnement du service public hospitalier. La décision en cause s'appuie sur une note d'incident établie le 30 mai 2018 par le directeur de la direction des services numériques établie à l'attention de la directrice des ressources humaines, ayant constaté un temps de communication anormalement élevé des agents du centre d'appel " 84 444 " qui ne concernait pas des appels avec des utilisateurs ou experts de la direction mais des appels, pouvant durer plusieurs heures par jour, entre agents en poste au centre d'appel " 84 444 ". Par ailleurs, l'extraction de dix-huit fichiers informatiques sur la période d'octobre 2016 à février 2018, reprenant les numéros de téléphone et la durée des appels passés par les six agents du centre d'appels, a été constatée par un huissier dont le procès-verbal du 21 mars 2018 est produit. Un tel comportement était de nature à rendre indisponibles les agents du service pendant la durée des conversations en cause, à diminuer la capacité de la direction des services numériques à dépanner les utilisateurs, à augmenter le taux d'abandon des utilisateurs confrontés à une sonnerie sans réponse, à réduire le taux de satisfaction de ces usagers et à majorer artificiellement le temps de communication comptabilisé pour chaque agent par rapport à son objectif individuel. S'agissant de Mme B..., il a été relevé que celle-ci simulait 18 % de son temps de travail, représentant un total de 377 heures, soit 48 jours sur la période allant d'octobre 2016 à mars 2018. La requérante ne conteste pas sérieusement la matérialité des faits reprochés, qu'elle a reconnue au cours de la séance du conseil de discipline du 19 mai 2021, en se bornant à soutenir, pour la première fois en appel, que la période de dix-huit mois au cours de laquelle ils ont été commis n'est pas démontrée. Par suite, et ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges, les faits ainsi établis constituent une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire.
11. Compte tenu de la nature de ces faits, de leur caractère répété sur une période de plusieurs mois et des conséquences importantes que l'attitude de Mme B..., titulaire du grade de technicien hospitalier, a pu avoir sur le bon fonctionnement du service, la faute reprochée à la requérante justifie que lui soit infligée une sanction disciplinaire du troisième groupe. Par ailleurs, la requérante ne peut utilement se prévaloir de la circonstance que trois de ses collègues coupables des mêmes faits ont fait l'objet d'une sanction moins sévère, soit une exclusion temporaire de fonctions assortie d'un sursis. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier, d'une part, que celle-ci a, contrairement à ses collègues, refusé de reconnaître sa faute jusqu'au conseil de discipline, d'autre part, que la durée des faits reprochés, au vu du nombre de jours de travail simulés ou de la période fautive retenue, est moins importante pour deux des trois agents sanctionnés, enfin, qu'une sanction, non assortie de sursis et identique à celle de la requérante, a été infligée à un autre agent du centre d'appels à raison des mêmes faits. Dès lors, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la sanction d'exclusion temporaire de ses fonctions pour une durée d'un an, non assortie d'un sursis, qui a été prise à son encontre, serait disproportionnée.
12. Dès lors que la décision attaquée a été prise pour sanctionner des faits revêtant le caractère de faute disciplinaire, la circonstance que celle-ci soit intervenue trois ans après les faits reprochés ne suffit pas à faire regarder cette décision, prise dans l'intérêt du service, comme entachée d'un détournement de pouvoir.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par conséquent, ses conclusions à fin d'annulation de la sanction en cause, de même que ses conclusions à fin d'injonction, doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'AP-HM qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... une somme de 1 000 euros à ce titre à verser à l'AP-HM en application de ces dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Mme B... versera à l'AP-HM une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille.
Délibéré après l'audience du 30 mai 2024, où siégeaient :
- Mme Fedi, présidente,
- Mme Rigaud, présidente assesseure,
- M. Danveau, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 juin 2024.
N° 23MA01538