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14/06/2024 | FRANCE | N°23MA00047

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 2ème chambre, 14 juin 2024, 23MA00047


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Sous le n° 2102293, M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 5 mars 2021, confirmé par la décision de rejet de son recours gracieux du 2 juillet 2021, par lequel le président de la métropole Toulon Provence Méditerranée a décidé sa révocation avec effet au 9 mars 2021.



Sous le n° 2200538, M. A... C... a demandé à ce même tribunal d'annuler l'arrêté du 7 octobre 2021, confirmé par la décision de rejet de

son recours gracieux du 24 décembre 2021, par lequel le président de la métropole Toulon Provence Méditerra...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Sous le n° 2102293, M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 5 mars 2021, confirmé par la décision de rejet de son recours gracieux du 2 juillet 2021, par lequel le président de la métropole Toulon Provence Méditerranée a décidé sa révocation avec effet au 9 mars 2021.

Sous le n° 2200538, M. A... C... a demandé à ce même tribunal d'annuler l'arrêté du 7 octobre 2021, confirmé par la décision de rejet de son recours gracieux du 24 décembre 2021, par lequel le président de la métropole Toulon Provence Méditerranée a retiré l'arrêté du 5 mars 2021 et prononcé sa révocation avec effet rétroactif au 9 mars 2021.

Par un jugement n° 2102293 et 2200538 du 9 novembre 2022, le tribunal administratif de Toulon a, après avoir joint ces deux demandes, d'une part, jugé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 2102293 dirigées contre l'arrêté du 5 mars 2021 et la décision de rejet du recours gracieux du 2 juillet 2021 et, d'autre part, rejeté la requête enregistrée sous le n° 2200538.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 janvier 2023 et le 8 avril 2024, M. C..., représenté par la SCP Castagnon Mercurio agissant par Me Castagnon, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 9 novembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 7 octobre 2021, confirmé par la décision explicite de rejet du 28 décembre 2022 ;

3°) d'annuler l'arrêté du 5 mars 2021, confirmé par la décision explicite de rejet du 2 juillet 2021 ;

4°) d'enjoindre au président de la métropole Toulon Provence Méditerranée avec toutes conséquences de droit en ce notamment la reconstitution de sa carrière dans un délai de 2 mois à compter de la décision à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de la métropole Toulon Provence Méditerranée la somme de 3 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne l'arrêté du 7 octobre 2021 :

- cet acte est insuffisamment motivé faute pour son auteur d'avoir joint l'avis de la commission de discipline auquel il se réfère ;

- cet arrêté ne pouvait légalement avoir un effet rétroactif ;

- les différents griefs retenus à son encontre, qu'il s'agisse de son comportement général envers ses collègues, des vols commis ou de sa manière de servir, reposent sur des inexactitudes matérielles et ne sont pas établis ;

- la sanction prononcée à son encontre est disproportionnée par rapport aux faits qui lui sont reprochés ;

En ce qui concerne l'arrêté du 5 mars 2021 :

- il conviendra de s'assurer que la délégation de signature dont disposait l'auteur de l'acte est régulière sur le fond, faute de quoi cet arrêté devra été considéré comme pris par une autorité incompétente ;

- il soulève à l'encontre de cet arrêté les mêmes moyens que ceux soulevés contre l'arrêté du 7 octobre 2021 tirés de l'inexactitude matérielle des faits qui lui sont reprochés et de la disproportion entre ceux-ci et la sanction qui lui a été infligée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 décembre 2023 et régularisé le 22 suivant, la métropole Toulon Provence Méditerranée, représentée par Me Vedesi, conclut au rejet de la requête ainsi qu'à la mise à la charge de M. C... de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- l'invocation de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration est inopérante s'agissant d'un agent de la fonction publique ;

- l'arrêté du 5 mars 2021 ayant fait l'objet d'une régularisation, il n'y a plus lieu d'y statuer ;

- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés ;

- la cour neutralisera, en tant que de besoin, les motifs illégaux.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mahmouti,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- et les observations de Me Laurent, représentant la métropole Toulon Provence Méditerranée.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., adjoint technique territorial, occupait les fonctions d'agent d'accueil du service propreté et déchets au sein de la métropole Toulon Provence Méditerranée. Par un arrêté du 5 mars 2021, confirmé par une décision de rejet de son recours gracieux du 2 juillet 2021, le président de la métropole Toulon Provence Méditerranée a décidé sa révocation avec effet au 9 mars 2021. Par une requête n° 2102293, M. C... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler ces décisions. Par un arrêté du 7 octobre 2021, confirmé par une décision de rejet de son recours gracieux du 24 décembre 2021, le président de la métropole Toulon Provence Méditerranée a retiré l'arrêté du 5 mars 2021 et prononcé sa révocation avec effet rétroactif au 9 mars 2021. Par une requête n° 2200538, M. C... a demandé à ce même tribunal d'annuler ces décisions. Par un jugement n° 2102293 et 2200538 du 9 novembre 2022, dont M. C... relève appel, le tribunal administratif de Toulon a, après avoir joint ces deux demandes, d'une part, jugé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 2102293 dirigées contre la décision du 5 mars 2021 et la décision de rejet du recours gracieux du 2 juillet 2021 et, d'autre part, rejeté la requête enregistrée sous le n° 2200538.

Sur le bienfondé du jugement attaqué :

2. Lorsque le juge est parallèlement saisi de conclusions tendant, d'une part, à l'annulation d'une décision et, d'autre part, à celle de son retrait et qu'il statue par une même décision, il lui appartient de se prononcer sur les conclusions dirigées contre le retrait puis, sauf si, par l'effet de l'annulation qu'il prononce, la décision retirée est rétablie dans l'ordonnancement juridique, de constater qu'il n'y a plus lieu pour lui de statuer sur les conclusions dirigées contre cette dernière.

En ce qui concerne l'arrêté du 7 octobre 2021 :

3. En premier lieu, l'arrêté contesté comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. La circonstance que l'avis du conseil de discipline n'ait pas été joint à cet arrêté est sans influence sur sa légalité dès lors, d'une part, qu'aucune disposition légale ou réglementaire et aucun principe n'imposaient sa communication à l'agent sanctionné, et, d'autre part, que le président de la métropole Toulon Provence Méditerranée ne s'est pas borné à se référer à ce document pour motiver sa décision. Ainsi et comme l'a jugé à juste titre le tribunal, cet arrêté est suffisamment motivé.

4. En deuxième lieu et contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, l'arrêté contesté du 7 octobre 2021 a pris effet au 9 mars 2021 alors qu'il ne pouvait légalement entrer en vigueur qu'à partir de sa notification à l'intéressé. Dès lors, celui-ci était illégal en tant qu'il comportait un effet rétroactif, le président de la métropole Toulon Provence Méditerranée ne disposant pas légalement de la faculté de régulariser de manière rétroactive le vice d'incompétence dont il estimait qu'était entaché l'arrêté du 5 mars 2021 pris pour le même objet. Par suite, l'arrêté du 7 octobre 2021 doit être annulé dans cette mesure.

5. En troisième lieu, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

6. Pour prendre la décision contestée, le président de la métropole Toulon Provence Méditerranée a reproché à M. C... son influence négative sur son équipe de travail, ses propos injurieux et son comportement menaçant à l'égard du service de sécurité de la déchetterie, des soustractions répétées d'objets apportés par les usagers, ses refus d'obéissance hiérarchique et une exécution déloyale de ses fonctions.

7. Il ressort des pièces du dossier que, pour infliger la sanction querellée, le président de la métropole Toulon Provence Méditerranée s'est, tout d'abord, fondé sur des faits matériellement exacts, compte tenu notamment d'un courrier du 17 août 2017 que cinq agents ont signé et adressé à leur supérieur hiérarchique pour faire part de leur " mécontentement " et de leur " lassitude " à l'égard du comportement de M. C... en exposant que ce dernier leur avait régulièrement rendu visite durant ses arrêts maladies en se vantant de ne pas travailler, et que, depuis son retour, il n'avait fait que vaquer à ses occupations personnelles et à la récupération d'objets déposés par les usagers. A cet égard, la seule circonstance que certains signataires de ce courrier n'auraient pas un niveau de langage et d'excellence orthographique compatible avec son contenu n'est pas de nature à le priver de valeur probante, dès lors qu'un seul de ses signataires a pu se charger de sa rédaction. En outre, son comportement et les soustractions d'objets déposés par les usagers auxquelles il se livrait sont confirmés tant par le responsable de la déchetterie que son adjoint qui, dans une attestation rédigée par chacun le 9 octobre 2020, relatent de manière précise et concordante que l'intéressé récupérait régulièrement, avec deux autres de ses collègues, des déchets déposés par les usagers, déplorent les absences et retards répétés de M. C..., les insultes qu'il proférait à leur encontre, le manque de respect dans son expression envers les usagers ainsi que le fait que celui-ci restait dans le local " à écouter de la musique, discuter, fumer " et n'obéissait à aucune de leurs consignes. Le rapport disciplinaire relate, quant à lui, 46 soustractions d'objets constatées entre le 18 mars 2019 et le 25 février 2020, alors que l'intéressé avait déjà fait l'objet d'une sanction disciplinaire en 2014 pour des faits similaires. Il ressort également des pièces du dossier que, pour tenter de maîtriser et tracer ses vols, sa hiérarchie a pris soin d'édicter une note de service qu'il lui a notifiée le 11 septembre 2017 puis a demandé au service de sécurité de consigner ses éventuelles soustractions d'objets, à la suite de quoi M. C... a proféré à plusieurs reprises des menaces et insultes à l'encontre de l'agent de sécurité du site en charge de ce pointage, l'attestation de l'agent concerné étant suffisamment précise et concordante avec les attestations des responsable et responsable adjoint de la déchetterie pour établir la réalité de ces insultes et menaces. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que M. C... s'est soustrait de manière systématique à l'exécution de consignes émises par son supérieur hiérarchique, notamment comme il vient d'être dit, en ce qui concerne l'interdiction de récupération des objets déposés par les usagers, mais aussi, le 20 avril 2018, par la conduite d'un tractopelle alors qu'il en avait l'interdiction, la seule circonstance qu'il aurait eu alors mal au dos ne l'exonérant pas de respecter les règles de fonctionnement du service. En outre, s'il invoque une volonté de représailles du responsable de la déchetterie à la suite d'une dénonciation auprès des services de police auxquels il aurait indiqué que le chef de site de la déchetterie et son adjoint récupéraient des batteries de véhicules pour les revendre à une société tierce, il ressort cependant des termes de la plainte qu'il a déposée le 13 novembre 2020 qu'il n'y évoquait que le responsable et non son adjoint, tandis que son allégation n'est, en tout état de cause, étayée par aucune pièce justificative. Enfin, la circonstance que ses employeurs postérieurs soient satisfaits de sa manière de servir n'est pas de nature à remettre en cause la matérialité des faits antérieurs à la sanction contestée. Il suit de là que, contrairement à ce que soutient M. C... et comme l'a jugé à juste titre le tribunal, le président de la métropole Toulon Provence Méditerranée s'est fondé sur des faits matériellement exacts, et, compte tenu de la gravité des manquements répétés à ses obligations de probité, de loyauté, d'obéissance hiérarchique, la sanction de révocation retenue à l'encontre de l'intéressé n'est pas disproportionnée.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... est uniquement fondé à demander l'annulation de l'arrêté contesté du 7 octobre 2021 en tant que celui-ci a eu un effet rétroactif.

9. Compte tenu des effets de cette annulation partielle qui rétablit l'arrêté du 5 mars 2021 dans l'ordre juridique, il y a lieu pour la cour de se prononcer sur les conclusions aux fins d'annulation de cet arrêté.

En ce qui concerne l'arrêté du 5 mars 2021 :

10. En premier lieu, le requérant se borne à soutenir que " il conviendra de s'assurer que la délégation de signature dont disposait l'auteur de l'acte est régulière sur le fond ", faute de quoi l'arrêté du 5 mars 2021 devra été considéré, selon lui, comme pris par une autorité incompétente. La métropole Toulon Provence Méditerranée fait valoir, sans être contredite, que Mme D... B..., directrice générale des services et signataire de la décision contestée, disposait, par arrêté n° AP 20/52 du 16 juillet 2020, affiché et transmis en préfecture le même jour, d'une délégation de signature pour signer " tous documents, arrêtés, décisions, notations, conventions, contrats, commandes et correspondances, concernant les affaires de la Métropole, à l'exception de la convocation du Conseil Métropolitain, la convocation du Bureau Métropolitain, de la signature des procès-verbaux des réunions de ces instances, des actes pour lesquels la signature a été déléguée à un Vice-président ". Compte tenu de ces éléments, le moyen, tel que soulevé et compte tenu des pièces versées au débat, ne peut qu'être écarté.

11. En second lieu, et pour les mêmes motifs que ceux mentionnés aux points 5 à 7, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le président de la métropole Toulon Provence Méditerranée s'est fondé sur des faits matériellement inexacts qui ne constituaient pas des fautes disciplinaires et que la sanction retenue présentait un caractère disproportionné à la gravité de ces fautes.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... est uniquement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 octobre 2021 en tant que celui-ci a produit des effets antérieurement à sa notification. Il y a donc lieu d'annuler le jugement en date du 9 novembre 2022 et la décision en date du 7 octobre 2021 dans cette mesure seulement.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. Le présent arrêt, qui annule l'arrêté du 7 octobre 2021 en tant que celui-ci a produit des effets à compter du 9 mars 2021 mais rejette les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 mars 2021 décidant sa révocation avec effet au 9 mars 2021, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par conséquent, les conclusions que M. C... formule à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

14. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à chacune des parties la charge de ses frais d'instance.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2102293 et 2200538 du 9 novembre 2022 du tribunal administratif de Toulon est annulé dans la mesure seulement où il a rejeté la demande de M. C... tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 octobre 2021 en tant que celui-ci a produit des effets antérieurement à sa notification.

Article 2 : L'arrêté du 7 octobre 2021 pris par le président de la métropole Toulon Provence Méditerranée est annulé en tant qu'il a produit des effets antérieurement à sa notification.

Article 3 : Le jugement n° 2102293 et 2200538 du 9 novembre 2022 du tribunal administratif de Toulon est réformé en ce qu'il est contraire à la présente décision.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et à la métropole Toulon Provence Méditerranée.

Délibéré après l'audience du 30 mai 2024 où siégeaient :

- Mme Fedi, présidente de chambre,

- Mme Rigaud, présidente-assesseure,

- M. Mahmouti, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 juin 2024.

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N° 23MA00047

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA00047
Date de la décision : 14/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. - Discipline. - Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : Mme FEDI
Rapporteur ?: M. Jérôme MAHMOUTI
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : SCP CASTAGNON MERCURIO

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-14;23ma00047 ?
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