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06/06/2024 | FRANCE | N°22MA00361

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 3ème chambre, 06 juin 2024, 22MA00361


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SAS RPPC a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période comprise entre le 1er janvier et le 31 décembre 2017, ainsi que des majorations correspondantes.



Par un jugement no 2005691 du 30 novembre 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par u

ne requête et un mémoire, enregistrés le 28 janvier et le 31 août 2022, la SAS RPPC, représentée par le cabinet Fidal, de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS RPPC a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période comprise entre le 1er janvier et le 31 décembre 2017, ainsi que des majorations correspondantes.

Par un jugement no 2005691 du 30 novembre 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 janvier et le 31 août 2022, la SAS RPPC, représentée par le cabinet Fidal, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 30 novembre 2021 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et des majorations en litige ;

3°) de mettre la somme de 4 500 euros à la charge de l'État en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration fiscale n'a pas respecté le débat oral et contradictoire s'agissant des informations obtenues par l'exercice du droit de communication ;

- elle a méconnu l'article L. 51 du livre des procédures fiscales ;

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée, en méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

- sa comptabilité a été écartée à tort ;

- l'administration a réintégré à tort les factures transmises par la société Protagoras ;

- elle n'était pas redevable de la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux règlements effectués par la société Protagoras au bénéfice de la société Points de Permis ;

- la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires est radicalement viciée ;

- le pourcentage forfaitaire de charges retenu par l'administration n'est pas justifié.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 1er août et le 15 septembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SAS RPPC ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. Mérenne,

- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS RPPC, dont l'objet consiste en la fourniture de prestations de services en conseils, expertises, formations aux personnes physiques et morales, spécialisée dans la diffusion de formations en vue de la récupération de points de permis de conduire, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale lui a notifié des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période comprise entre le 1er janvier et le 31 décembre 2017. Elle fait appel du jugement du 30 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge de cette imposition, ainsi que les majorations correspondantes.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, il résulte du 4° de l'article L. 56 du livre des procédures fiscales que la procédure de rectification contradictoire n'est pas applicable en cas de taxation d'office. Par suite, la société requérante ne peut utilement invoquer la méconnaissance de l'article L. 57 du même code. En outre, la proposition de rectification du 25 avril 2019 comportait des éléments d'informations suffisants au sens de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales.

3. En deuxième lieu, si, eu égard aux garanties dont le livre des procédures fiscales entoure la mise en œuvre d'une vérification de comptabilité, l'administration est tenue, lorsque, faisant usage de son droit de communication, elle consulte au cours d'une vérification tout ou partie de la comptabilité tenue par l'entreprise vérifiée mais se trouvant chez un tiers, de soumettre l'examen des pièces comptables obtenues à un débat oral et contradictoire avec le contribuable, il n'en est pas de même lorsque lui sont communiqués des documents ne présentant pas le caractère de pièces comptables de l'entreprise vérifiée. L'administration fiscale a exercé son droit de communication le 9 juin 2020 auprès des préfectures de France métropolitaine afin de déterminer si les sociétés Points de Permis et Recup Permis disposaient d'un agrément pour organiser des stages de sensibilisation à la sécurité routière. La société requérante ne peut utilement faire valoir que les informations obtenues en réponse n'ont pas été soumises à un débat oral et contradictoire dans le cadre de la vérification de comptabilité dont elle avait fait l'objet, dès lors que ces informations, obtenues après l'envoi des propositions de rectification, n'ont pas fondé les rectifications en litige, et qu'en outre, elles ne présentaient pas le caractère de pièces comptables de l'entreprise vérifiée. Au surplus, le moyen est inopérant en situation de taxation d'office pour les motifs exposés aux points 2 et 3 du jugement attaqué, qu'il convient d'adopter en appel.

Sur le rejet de la comptabilité :

4. Aux termes de l'article 54 du code général des impôts : " Les contribuables mentionnés à l'article 53 A sont tenus de représenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans leur déclaration. "

5. Il résulte de l'instruction que la SAS RPPC, pour la période en cause, a comptabilisé les recettes d'après les encaissements bancaires sans référence à des pièces justificatives, n'a pas présenté de factures pour la majeure partie de ses prestations, n'a pas tenu de comptes clients, et n'a présenté aucun relevé détaillé des ventes. En outre le montant des factures présentées au titre des prestations exonérées de taxe sur la valeur ajoutée ne correspondait pas à celui enregistré en comptabilité, des flux de trésorerie avec des sociétés liées, dont certaines avaient cessé leur activité, n'étaient pas justifiés, et la société avait enregistré en comptabilité des bénéficiaires de règlements différents des bénéficiaires réels. La comptabilité de la SAS RPPC présentait ainsi un caractère incomplet, d'une part, et des inexactitudes et des anomalies de nature à la rendre impropre à justifier les résultats déclarés, d'autre part. Ces irrégularités suffisaient à elles seules pour justifier le rejet de la comptabilité de la SAS RPPC, indépendamment du caractère probant ou non des factures obtenues auprès de la société Protagoras par l'exercice du droit de communication.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

6. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. ". Aux termes de l'article R* 193-1 du même livre : " dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré. "

7. La SAS RPPC n'a pas déposé dans les délais impartis les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle devait souscrire au titre de la période correspondant à l'année 2017, malgré la mise en demeure adressée par l'administration. Les impositions supplémentaires qui en résultent ont en conséquence été établies d'office sur le fondement des dispositions des articles L. 66 du livre des procédures fiscales. La société requérante supporte donc la charge de la preuve de leur exagération.

8. Le I. de l'article 256 du code général des impôts dispose que : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. " En outre, il résulte du c) du 2. de l'article 269 du même code que la taxe est exigible " pour les prestations de services autres que celles visées au b bis, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits. " Doit être regardée comme encaissée toute somme perçue en rémunération d'une opération soumise à la taxe sur la valeur ajoutée.

9. L'administration a exercé son droit de communication le 19 juillet 2018 auprès de la société Protagoras, qui exerce une activité de plateforme de réservation pour les stages de sensibilisation à la sécurité routière. La société Protagoras a répondu à l'administration en lui communiquant des factures établies à son nom par la SAS RPPC, mentionnant la taxe sur la valeur ajoutée, pour un montant total de 685 985 euros toutes taxes comprises au titre de l'année 2015, et de 1 451 321 euros toutes taxes comprises au titre de l'année 2016, en ajoutant que les paiements avaient été effectués d'abord sur un compte ouvert au nom de la société Points de Permis, puis sur un compte ouvert au nom de la société Recup Permis. La première société a été créée le 13 novembre 2014 et a cessé son activité le 30 novembre 2016. La seconde a été créée le 25 octobre 2015 et a cessé son activité le 30 juin 2017. Les deux sociétés, qui avaient pour dirigeant l'associé majoritaire la SAS RPPC, n'avaient pas respecté leurs obligations déclaratives. L'administration fiscale a considéré que les paiements effectués par la société Protagoras aux sociétés Point de Permis et Recup Permis constituaient des recettes volontairement occultées par la SAS RPPC, encaissées pour son compte par ces sociétés tierces, et les a réintégrées dans son chiffre d'affaires.

10. La société requérante fait valoir que les factures transmises par cette la société Protagoras constituent en réalité de faux documents, et qu'elle a déposé plainte à ce titre devant le tribunal judiciaire de Paris. Elle entend d'abord souligner qu'elle avait cessé toute relation commerciale avec la société Protagoras entre le 2 août 2015 et le 1er juillet 2017. Toutefois elle ne l'établit pas en renvoyant à une assignation devant le tribunal de commerce de Paris le 7 janvier 2019, laquelle ne mentionne pas d'interruption des relations commerciales entre le 2 août 2015 et le 1er juillet 2017, mais indique au contraire que la société Protagoras a unilatéralement baissé de façon importante le prix des stages organisés par la SAS RPPC, à partir de 2015, ce que cette dernière a été contrainte d'accepter du fait de sa situation de dépendance à l'égard de la société Protagoras, témoignant ainsi d'une poursuite des relations commerciales entre les deux sociétés au cours de la période concernée.

11. Toujours pour faire valoir que les factures transmises par la société Protagoras constituent des faux, la société requérante oppose son propre jeu de factures adressées à celle-ci entre le 1er avril et le 1er août 2015. Toutefois, la SAS RPPC n'avait produit aucune facture destinée à la société Protagoras au cours de la vérification de comptabilité, malgré les demandes répétées de l'administration. Le gérant avait indiqué que la société n'avait jamais émis de facture à l'égard de la société Protagoras, et que le logiciel qu'il utilisait ne permettait pas de rééditer des factures. Le ministre ajoute, sans être utilement contredit, que la société avait produit, pour justifier des règlements correspondants, des factures destinées à une société Brittex services, qui avait cessé son activité le 6 janvier 2014 et avait pour dirigeant l'associé majoritaire de la SAS RPPC, et que la chronologie des factures ne correspond pas à celle des encaissements bancaires.

12. Il suit de là que les factures transmises par la société Protagoras à l'administration fiscale ne peuvent, compte tenu de l'incohérence des explications apportées, être tenues pour fausses.

13. En outre, il résulte de l'instruction que l'associé majoritaire de la SAS RPPC était également dirigeant des deux sociétés successives SAS Points de permis et SAS Recup Permis, qui étaient dépourvues de moyens en personnel et n'étaient pas à jour de leurs obligations déclaratives en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée. Ainsi la SAS Points de permis avait seulement déclaré un chiffre d'affaires nul au titre de l'exercice clos en 2015 et était défaillante au titre de l'année 2016, après la cessation de son activité le 30 novembre 2016, et la SAS Recup Permis n'avait pas rempli ses obligations fiscales avant de cesser son activité au 30 juin 2017. Dans ces conditions l'administration fiscale a pu à bon droit considérer qu'il existait une entente entre les sociétés RRPC et Points de Permis puis Récup permis, et que les sommes versées par la société Protagoras rémunéraient des prestations en réalité effectuées par la société RPPC, caractérisant ainsi un détournement de recettes, et les réintégrer dans le chiffre d'affaires de la SAS RPPC.

14. Il résulte de ce qui précède, ainsi que du c) du 2. de l'article 269 du code général des impôts, en vertu duquel doit être regardée comme encaissée toute somme perçue en rémunération d'une opération soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, que les sommes ont été versées par la société Protagoras aux sociétés Points de Permis et Recup Permis dans le cadre de ses relations commerciales avec la SAS RPPC, qui a émis les factures relatives aux opérations soumises à la taxe sur la valeur ajoutée correspondantes. Les paiements effectués par la société Protagoras aux sociétés Points de Permis et Recup Permis s'inscrivaient dans la cadre d'un schéma frauduleux destiné à dissimuler les ventes de la société RPPC par le paiement de ses prestations à des sociétés éphémères, et constituaient des prélèvements sur les recettes de cette dernière. Par suite, ces sommes devaient être regardées, à leur encaissement, comme perçues par la SAS RPPC en rémunération de telles opérations. La société requérante n'est donc pas fondée à soutenir que la taxe sur la valeur ajoutée n'aurait pas été exigible au titre de ces opérations, d'autant plus que selon le 4. de l'article 283 du code général des impôts, la taxe sur la valeur ajoutée reste due par la personne qui l'a facturée lorsque la facture ne correspond pas à la livraison d'une marchandise ou à l'exécution d'une prestation de services.

15. Enfin, la société requérante ne peut utilement contester le taux forfaitaire de charges appliqué pour la détermination du bénéfice imposable au titre de l'impôt sur les sociétés concernant les exercices 2015 et 2016 à l'appui de conclusions tendant à la décharge de rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période comprise entre le 1er et le 31 décembre 2017.

16. Il résulte de ce qui précède que la SAS RPPC n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Sa requête doit donc être rejetée, y compris ses conclusions relatives aux frais non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS RPPC est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS RPPC et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée pour information à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2024, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- Mme A... et M. Mérenne, premiers conseillers.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2024.

2

No 22MA00361


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA00361
Date de la décision : 06/06/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Rectification (ou redressement).

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Redevable de la taxe.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: M. Sylvain MERENNE
Rapporteur public ?: M. URY
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS FIDAL

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-06;22ma00361 ?
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