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04/06/2024 | FRANCE | N°22MA02688

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 4ème chambre, 04 juin 2024, 22MA02688


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Le syndicat CGT des Territoriaux Ville de Marseille et CCAS, le syndicat CGT des ingénieurs, cadres et techniciens de la ville de Marseille et CCAS et le syndicat FSU territorial des Bouches-du-Rhône ont demandé au tribunal de Marseille, par une requête enregistrée sous le n° 2103212, d'annuler la délibération du 8 février 2021 par laquelle le conseil municipal de la commune de Marseille a approuvé l'accord conclu avec les organisations syndicales

Force ouvrière, CFT

C-SNT, CFE CGC et UNSA visant à assurer la continuité des services publics d'accueil des en...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat CGT des Territoriaux Ville de Marseille et CCAS, le syndicat CGT des ingénieurs, cadres et techniciens de la ville de Marseille et CCAS et le syndicat FSU territorial des Bouches-du-Rhône ont demandé au tribunal de Marseille, par une requête enregistrée sous le n° 2103212, d'annuler la délibération du 8 février 2021 par laquelle le conseil municipal de la commune de Marseille a approuvé l'accord conclu avec les organisations syndicales

Force ouvrière, CFTC-SNT, CFE CGC et UNSA visant à assurer la continuité des services publics d'accueil des enfants de moins de trois ans et de restauration collective et scolaire de la commune en cas de grève des agents publics participant directement à leur exécution et d'enjoindre à la commune de Marseille de reprendre le dialogue social avec l'ensemble des syndicats.

Le syndicat CFDT Interco des Bouches-du-Rhône a demandé au tribunal administratif de Marseille, par une requête sous le n° 2104995, d'annuler cette même délibération.

Par un jugement n° 2103212, 2104995 du 21 octobre 2022, le tribunal administratif de Marseille, après avoir joint ces deux requêtes, a annulé cette délibération et mis à la charge de la commune de Marseille une somme globale de 1 500 euros au bénéfice des syndicats CGT des Territoriaux Ville de Marseille et CCAS, CGT des ingénieurs, cadres et techniciens de la ville de Marseille et CCAS et FSU territorial des Bouches-du-Rhône sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 octobre 2022 et le 19 janvier 2023, la commune de Marseille, représentée par Me Mendes Constante, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement rendu par le tribunal administratif de Marseille le 21 octobre 2022 ;

2°) de rejeter les demandes de première instance.

La commune soutient que :

- eu égard à son objet, la délibération en litige n'avait pas à donner lieu à la consultation du comité technique territorial et en jugeant le contraire, le tribunal a ajouté à la loi, alors que celle-ci a prévu une procédure spécifique de dialogue avec les organisations syndicales ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, l'article 4 de l'accord approuvé par la délibération en litige, lu en tous ses alinéas, ne contraint l'agent gréviste à se déclarer au plus tard dès la prise de poste que lorsque l'exercice du droit de grève peut entraîner un risque de désordre manifeste ;

- ce second motif d'annulation retenu par le tribunal est en tout état de cause de nature à justifier seulement une annulation partielle de la délibération ;

- les autres moyens développés en première instance ne sont pas de nature à justifier l'annulation de la délibération en litige.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 janvier 2023, le syndicat CGT des Territoriaux Ville de Marseille et CCAS, le syndicat CGT des ingénieurs, cadres et techniciens de la ville de Marseille et CCAS et le syndicat FSU territorial des Bouches-du-Rhône, représentés par Me Leturcq, concluent à titre principal au rejet de la requête, subsidiairement, en cas d'annulation du jugement, à l'annulation de la délibération du 8 février 2021 entérinant l'accord du 1er février 2021, et en tout état de cause, à ce que soit mise à la charge de la commune de Marseille, à leur bénéfice, la somme de 2500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Les syndicats font valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés et qu'ils reprennent en appel les moyens de première instance autres que ceux retenus par les premiers juges.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 2019- 828 du 6 août 2019 ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2019-790 DC du 1er août 2019 ;

- le décret n° 85-565 du 30 mai 1985 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Revert,

- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,

- et les observations de Me Mendes-Constante, représentant la commune de Marseille et de Me Broeckaert, substituant Me Leturcq, représentant les syndicats CGT et FSU.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 8 février 2021, le conseil municipal de la commune de Marseille a approuvé l'accord conclu le 1er février 2021 par la commune avec trois organisations syndicales visant à assurer la continuité des services publics d'accueil des enfants de moins de trois ans et de restauration collective et scolaire en cas de grève des agents publics participant directement à leur exécution. Par un jugement du 21 octobre 2022, dont la commune de Marseille relève appel, le tribunal administratif de Marseille, saisi des demandes, qu'il a jointes, du syndicat CGT des Territoriaux Ville de Marseille et CCAS, du syndicat CGT des ingénieurs, cadres et techniciens de la ville de Marseille et CCAS et du syndicat FSU territorial des Bouches-du-Rhône, d'une part, et d'autre part du syndicat CFDT Interco Bouches-du-Rhône, a annulé cette délibération.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Pour annuler la délibération en litige, le tribunal administratif de Marseille s'est fondé sur les motifs tirés, d'une part, du défaut de consultation du comité technique en méconnaissance des dispositions de l'article 33 de la loi du 26 janvier 1984 et, d'autre part, sur l'illégalité des stipulations du premier alinéa de l'article 4 de l'accord du 1er février 2021 qu'elle approuve.

En ce qui concerne le bien-fondé du premier motif d'annulation retenu par le tribunal :

3. Aux termes de l'article 7-2 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, issu de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique : " I.- Dans les collectivités territoriales et les établissements publics mentionnés à l'article 2 de la présente loi, l'autorité territoriale et les organisations syndicales qui disposent d'au moins un siège dans les instances au sein desquelles s'exerce la participation des fonctionnaires peuvent engager des négociations en vue de la signature d'un accord visant à assurer la continuité des services publics de collecte et de traitement des déchets des ménages, de transport public de personnes, d'aide aux personnes âgées et handicapées, d'accueil des enfants de moins de trois ans, d'accueil périscolaire, de restauration collective et scolaire dont l'interruption en cas de grève des agents publics participant directement à leur exécution contreviendrait au respect de l'ordre public, notamment à la salubrité publique, ou aux besoins essentiels des usagers de ces services./ L'accord détermine, afin de garantir la continuité du service public, les fonctions et le nombre d'agents indispensables ainsi que les conditions dans lesquelles, en cas de perturbation prévisible de ces services, l'organisation du travail est adaptée et les agents présents au sein du service sont affectés. Cet accord est approuvé par l'assemblée délibérante. / A défaut de conclusion d'accord dans un délai de douze mois après le début des négociations, les services, les fonctions et le nombre d'agents indispensables afin de garantir la continuité du service public sont déterminés par délibération de l'organe délibérant. ".

4. Par ailleurs, aux termes de l'article 33 de la loi du 26 janvier 1984, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les comités techniques sont consultés pour avis sur les questions relatives : 1° A l'organisation et au fonctionnement des services (...) ".

5. L'accord du 1er février 2021 entre la commune de Marseille et des organisations syndicales représentatives de son personnel, annexé à la délibération en litige, vise non seulement à préciser les conditions d'exercice individuel du droit de grève des agents relevant des services de la direction de la petite enfance et de la direction de l'éducation et de la jeunesse, mais encore à déterminer, en application des dispositions de l'article 7-2 de la loi du 26 janvier 1984, les conditions d'organisation et de fonctionnement, en période de grève, des services de la direction de la petite enfance, et de la direction de l'éducation et de la jeunesse, en identifiant au sein de ces directions les catégories de personnels dont la présence est indispensable, en en fixant les effectifs minimums, et en définissant une organisation du travail, par la mobilisation d'agents de services donnés. Eu égard à l'objet même de cet accord, qui intéresse l'organisation et le fonctionnement des services de la petite enfance et de l'éducation et de la jeunesse en période de grève, et dont la durée de validité n'est pas déterminée, la délibération en litige, qui a pour objet de l'approuver, devait être précédée de la consultation du comité technique prévue à l'article 33 de la loi du 26 janvier 1984, dont l'application n'est pas exclue par les dispositions de l'article 7-2 de la même loi. Faute d'avoir été soumise pour avis au comité technique de la commune, cette délibération a donc été prise au terme d'une procédure irrégulière. Compte tenu de la finalité d'une telle consultation qui est, en associant les personnels à l'organisation et au fonctionnement du service, d'éclairer les organes compétents de la collectivité auprès desquels est institué le comité technique, et qui est distincte de la procédure de négociation conduisant à l'accord visé à l'article 7-2 de la loi du 26 janvier 1984, l'irrégularité dont est entachée la délibération en litige a privé les membres du conseil municipal du bénéfice effectif d'une garantie, de nature à en justifier l'annulation totale.

En ce qui concerne le bien-fondé du second motif d'annulation retenu par le tribunal :

6. Il résulte des dispositions du II et du III de l'article 7-2 de la loi du 26 janvier 1984 que les agents ayant l'intention de participer à une grève en informent l'autorité territoriale au plus tard quarante-huit heures avant cette participation. Cette autorité est ainsi mise en mesure d'apprécier si le nombre des agents grévistes et la nature des fonctions qu'ils exercent permettent ou non le maintien d'un effectif suffisant pour garantir la continuité du service public, ou si, au contraire, il existe un risque de désordre manifeste dans l'exécution du service, tel que, notamment, le risque de ne pas servir de repas aux enfants accueillis dans les écoles.

Dans l'hypothèse où un tel risque existe, l'autorité territoriale a la possibilité d'imposer aux agents ayant déclaré leur intention de participer à la grève d'exercer leur droit de grève dès leur prise de service et jusqu'à son terme. En revanche, ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet de permettre à l'autorité territoriale, alors que ses agents n'ont pas encore déclaré leur intention de participer à une grève et qu'elle n'a nécessairement pas pu se livrer à une telle appréciation, d'imposer de manière générale et préalable à tous les agents d'un service d'exercer le droit de grève dès la prise de service et jusqu'au terme de celui-ci.

7. En outre, en l'absence de la complète législation annoncée par la Constitution, la reconnaissance du droit de grève ne saurait avoir pour conséquence d'exclure les limitations qui doivent être apportées à ce droit, comme à tout autre, en vue d'en éviter un usage abusif ou contraire aux nécessités de l'ordre public. En l'état de la législation, il appartient ainsi à l'autorité territoriale, agissant en vertu des pouvoirs généraux d'organisation des services placés sous son autorité, de déterminer les limitations qui doivent être apportées à l'exercice du droit de grève dans la collectivité en vue d'en éviter un usage abusif ou contraire aux nécessités de l'ordre public.

8. L'accord signé le 1er février 2021 indique au premier alinéa de son article 4 que " les agents ayant déclaré leur intention de participer à la grève exerceront leur droit dès leur première prise de service quotidienne, afin de permettre la bonne organisation et la continuité du service aux usagers ". Le deuxième alinéa de cet article habilite l'autorité territoriale ou l'autorité hiérarchique à " imposer aux agents, ayant déclaré leur intention de participer à la grève, d'exercer leur droit dès leur première prise de service quotidienne et jusqu'à son terme ", à la condition, " malgré l'application de l'alinéa 1er ", que l'exercice du droit de grève puisse entraîner un risque de désordre manifeste dans l'exécution du service.

9. En imposant à tous les agents des services d'accueil d'enfants de moins de trois ans et de restauration collective et scolaire susceptibles de participer à une grève, d'exercer leur droit dès leur prise de service, indépendamment de toute appréciation de la possibilité d'un risque de désordre manifeste lié à l'exercice du droit de grève, et à seules fins de bonne organisation et de continuité du service aux usagers, le premier alinéa de l'article 4 de l'accord collectif en cause, qui n'est pas superfétatoire, a ajouté aux conditions d'exercice du droit de grève telles que définies par les dispositions des II et III de l'article 7-2 de la loi du 26 janvier 1984.

10. Enfin une telle limitation à l'exercice du droit de grève des agents au sein des deux services communaux concernés, alors qu'il n'est pas justifié que celle qui résulte des dispositions du II et du III de l'article 7-2 de la loi du 26 janvier 1984 ne suffirait pas à en éviter un usage abusif, n'est quant à elle pas justifiée par la nécessité d'éviter un usage de ce droit contraire aux nécessités de l'ordre public.

11. Il résulte de tout de ce qui précède que la commune de Marseille n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement querellé, le tribunal administratif de Marseille a annulé la délibération de son conseil municipal du 8 février 2021 approuvant l'accord collectif signé le 1er février 2021 en application de l'article 7-2 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge des trois syndicats intimés qui ne sont pas dans la présente instance, les parties perdantes, au titre des frais exposés par la commune de Marseille et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, et en application de ces dispositions, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Marseille, au bénéfice des trois syndicats intimés, la somme de 700 euros chacun au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Marseille est rejetée.

Article 2 : La commune de Marseille versera au syndicat CGT des Territoriaux Ville de Marseille et CCAS, au syndicat CGT des ingénieurs, cadres et techniciens de la ville de Marseille et CCAS et au syndicat FSU territorial des Bouches du Rhône, la somme de 700 euros chacun en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Marseille, au syndicat CGT des Territoriaux Ville de Marseille et CCAS, au syndicat CGT des ingénieurs, cadres et techniciens de la ville de Marseille et CCAS, au syndicat FSU territorial des Bouches-du-Rhône et au syndicat CFDT Interco Bouches-du-Rhône.

Copie en sera adressée pour information au syndicat général FO territoriaux Marseille et métropole, au syndicat UNSA territoriaux de la ville de Marseille et au syndicat CFTC - SNT CFE CGC.

Délibéré après l'audience du 22 mai 2024, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Martin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juin 2024.

N° 22MA026882


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA02688
Date de la décision : 04/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Droit de grève.

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Droit de grève - Limitations du droit de grève.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Michaël REVERT
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : MCL AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-04;22ma02688 ?
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