Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... D... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 16 août 2017 par laquelle la ministre des armées a rejeté son recours formé le 3 janvier 2017, devant la commission des recours des militaires, afin d'obtenir son reclassement en échelle de solde numéro 4 à une date antérieure au 1er juillet 2016 et d'enjoindre à la ministre des armées de réexaminer sa situation et de prendre toutes les mesures de régularisation administratives et financières rendues nécessaires par la mise en œuvre de l'annulation demandée.
Par un jugement n° 1701867 du 15 juillet 2019, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 19MA03576 du 4 février 2022, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement du tribunal administratif de Toulon du 15 juillet 2019 et a enjoint à la ministre des armées de procéder au réexamen de la situation de Mme D... épouse B... avec toutes les conséquences pécuniaires qui s'y rattachent dans un délai de deux mois à compter de la notification de cet arrêt.
Procédure devant la Cour :
Par des lettres, enregistrées les 13 septembre 2022, 18 novembre 2022, 6 avril 2023, 9 mai 2023 et 28 juillet 2023, Mme D... épouse B..., représentée par Me Bourrel, demande à la Cour d'assurer l'exécution de l'arrêt du 4 février 2022 de la cour administrative d'appel de Marseille.
Par une lettre, enregistrée le 7 novembre 2022, le ministre des armées fait valoir qu'il a reclassée Mme D... épouse B... à l'échelle de solde n° 4 à compter du 1er janvier 2015, par une décision du 18 octobre 2022.
Par une lettre du 19 décembre 2023, la présidente de la Cour a informé Madame D... épouse B... du classement administratif de sa demande.
Par une lettre du 15 janvier 2024, Mme D... épouse B... a contesté ce classement et demandé à la Cour :
1°) d'ouvrir une procédure juridictionnelle sur le fondement de l'article R. 921-6 du code de justice administrative visant à l'exécution de l'arrêt du 4 février 2022 ;
2°) d'enjoindre au ministre des armées de corriger le classement établi dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et de prendre toutes les mesures de régularisation administratives et financières résultant de l'attribution rétroactive de l'échelle de solde n° 4 à la date du 1er juillet 2011, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient :
- le juge d'appel ne vise la date de janvier 2015 qu'en considération des éléments nécessairement partiels qui étaient soumis à son examen et donc sans pour autant exclure le fait qu'une date antérieure était possible au vu d'autres éléments ;
- le rappel d'une seule année d'échelle de solde n° 4 paraît bien peu cohérent avec la réintégration de 4 ans et 4 mois de services supplémentaires pour l'appréciation du critère d'ancienneté de service ;
- la décision du 16 août 2017 fixe la date à laquelle elle doit être reclassée au 1er février 2009 ;
- son reclassement doit être rectifié en prenant en compte le critère de l'ancienneté de service qui s'établit à 4 ans et 4 mois ;
- le ministre n'a donc pas correctement et sincèrement exécuté l'injonction prononcée par le juge d'appel le 4 février 2022.
Par une ordonnance du 19 janvier 2024, la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille a décidé, sur le fondement des dispositions de l'article R. 921-6 du code de justice administrative, l'ouverture d'une procédure juridictionnelle en vue de statuer sur la demande de Mme D... épouse B..., tendant à obtenir l'exécution de l'arrêt du 4 février 2022 susvisé.
Procédure postérieure à l'ouverture de la phase juridictionnelle :
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 mars 2024, le ministre des armées conclut au rejet de la requête de Mme D... épouse B....
Il fait valoir qu'en exécution de l'arrêt de la Cour, la direction des ressources humaines de l'armée de terre (DRHAT) a réexaminé la situation de la requérante et classé Mme D... épouse B... à l'échelle n° 4 à compter du 1er janvier 2015.
Par un mémoire enregistré le 20 mars 2024, sous le n° 24MA00203, Mme D... épouse B..., représentée par Me Bourrel, demande à la Cour :
1°) d'assurer l'exécution de l'arrêt du 4 février 2022 de la cour administrative d'appel de Marseille ;
2°) d'enjoindre au ministre des armées de corriger le classement établi et de prendre toutes les mesures de régularisation administratives et financières résultant de l'attribution rétroactive de l'échelle de solde n° 4 à la date du 1er juillet 2011, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- son ancienneté de service brute était de 11 ans 5 mois et 26 jours au 1er juillet 2010 ;
- le calcul du ministre omet de prendre en compte ses deux congés parentaux dans le calcul de son ancienneté de service ;
- elle devait se voir attribuer l'échelle de solde n° 4 à la date du 1er juillet 2011 et non à celle du 1er juillet 2016 comme soutenu par le ministre de armées par suite d'une interprétation erronée de la loi ;
- le ministre des armées n'a ainsi pas correctement exécuté l'arrêt de la Cour du 4 février 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la défense ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marchessaux,
- et les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... épouse B..., s'est engagée en qualité de militaire du rang par contrat signé le 5 janvier 1999 pour une durée de 4 ans renouvelable. Détentrice du grade de caporal-chef de l'armée de terre depuis le 1er octobre 2002 et affectée au sein du service soutien vie d'Hyères, le 1er février 2009, elle a obtenu le certificat de qualification technique supérieur (CQTS) et a été élevée à la distinction de caporal-chef de 1ère classe. Par une décision du 15 septembre 2016, publiée le 27 octobre 2017 au bulletin officiel des armées, Mme D... épouse B... a été classée en échelle de solde mensuelle n° 4 à compter du 1er juillet 2016. Elle a formé, le 21 décembre 2016, un recours administratif préalable devant la commission de recours des militaires (CRM) à l'encontre de la décision du 7 juillet 2016, rejetant sa demande par laquelle elle avait sollicité que l'échelle de solde n° 4 lui soit attribuée à une date antérieure au 1er juillet 2016, qui a fait l'objet d'une décision implicite de rejet née le 4 mai 2017 puis d'une décision explicite du 16 août 2017. La requérante a relevé appel du jugement du 15 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 16 août 2017. Par un arrêt du 4 février 2022, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement du tribunal administratif de Toulon du 15 juillet 2019 et a enjoint à la ministre des armées de procéder au réexamen de la situation de Mme D... épouse B... avec toutes les conséquences pécuniaires qui s'y rattachent dans un délai de deux mois à compter de la notification de cet arrêt. Mme D... épouse B... a formé devant la Cour une demande d'exécution de cet arrêt. Par une ordonnance du 19 janvier 2024, la présidente de la Cour a ouvert une procédure juridictionnelle d'exécution en application de l'article R. 921-6 du code de justice administrative.
2. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. (...) / Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte ".
3. Par l'arrêt du 4 février 2022, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement du tribunal administratif de Toulon du 15 juillet 2019 au motif que la décision contestée était entachée d'une rupture d'égalité de traitement dès lors que l'appelante a fait état du cas de M. A... engagé le 1er juin 1999, soit cinq mois après elle, promu caporal-chef le même jour qu'elle mais qui a bénéficié de l'échelle de solde n° 4 en octobre 2010, soit avec une ancienneté d'environ 11 ans et 4 mois. Si l'on ajoute théoriquement à cette durée les 4 ans et 4 mois de congé parental de Mme D... épouse B..., elle aurait pu, à conditions égales, accéder à l'échelle de solde n° 4 en janvier 2015 et l'administration n'a apporté aucun début d'élément susceptible de justifier le décalage ainsi constaté. Par ailleurs, l'arrêté précité de la Cour a enjoint à la ministre des armées de procéder au réexamen de la situation de Mme D... épouse B... avec toutes les conséquences pécuniaires qui s'y rattachent dans un délai de deux mois à compter de la notification de cet arrêt.
4. Il résulte de l'instruction qu'en exécution de l'arrêt de la Cour du 4 février 2022, le ministre des armées a réexaminé la situation de Mme D... épouse B... et l'a classée à l'échelle de solde n° 4 à compter du 1er janvier 2015 par une nouvelle décision du 18 octobre 2022. Si la requérante conteste les modalités de reclassement opérées par cette décision en soutenant que le calcul du ministre des armées omet de prendre en compte ses deux congés parentaux dans le calcul de son ancienneté de service et qu'elle devait se voir attribuer l'échelle de solde n° 4 à la date du 1er juillet 2011, cette contestation relève d'un litige distinct dont il n'appartient pas au juge de l'exécution de connaître.
5. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... épouse B... n'est pas fondée à demander l'exécution de l'arrêt de la Cour du 4 février 2022. Les conclusions de sa demande présentées en application de l'article L. 911-4 du code de justice administrative ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
6. Le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte de Mme D... épouse B....
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par Mme D... épouse B... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D... épouse B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... épouse B... et au ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 17 mai 2024, où siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- Mme Marchessaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 mai 2024.
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N° 24MA00203
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