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31/05/2024 | FRANCE | N°23MA00455

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 5ème chambre, 31 mai 2024, 23MA00455


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SA MIRANDA a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution annuelle sur les revenus locatifs auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 et 2013.



Par un jugement n° 2002024 du 12 décembre 2022, le tribunal administratif de Toulon a réduit les bases imposables tirées des revenus locatifs de la société à concu

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA MIRANDA a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution annuelle sur les revenus locatifs auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 et 2013.

Par un jugement n° 2002024 du 12 décembre 2022, le tribunal administratif de Toulon a réduit les bases imposables tirées des revenus locatifs de la société à concurrence de la prise en compte de loyers annuels de 213 500 euros pour l'année 2011, 210 000 euros pour l'année 2012 et 209 300 euros pour l'année 2013, a déchargé la société des impositions correspondantes et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 23 février et 17 et 21 août 2023, la SA MIRANDA, représentée par Me Belliart, demande à la Cour :

1°) de réduire de façon plus conséquente les bases imposables et de la décharger des impositions correspondantes ;

2°) de réformer le jugement du 12 décembre 2022 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'évaluation des recettes auxquelles il a été renoncé a été faite par le tribunal de façon théorique ; eu égard au marché immobilier des propriétés de luxe du golfe de Saint-Tropez, celle-ci devrait être effectuée en retenant une valorisation locative saisonnière au regard des caractéristiques propres du bien ; cette valorisation, à hauteur de la somme de 140 000 euros annuelle, est notamment étayée par le rapport d'expert qu'elle produit et qu'elle a fait compléter par rapport à la première instance ; elle aboutit à un taux de rendement cohérent, lequel ne doit pas être en lien avec les caractéristiques de la propriété ;

- subsidiairement, si la méthode d'évaluation de l'administration était confirmée, il doit être fait référence au taux de rendement qu'elle aurait obtenu en plaçant son capital par l'acquisition d'obligations assimilables du Trésor, de 2,5 % ; cette référence seule assure l'égalité devant l'impôt.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 3 juillet et 21 septembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, de rehausser les bases imposables ainsi qu'elles avaient été arrêtées par l'administration, aux sommes annuelles de 244 000 euros pour l'année 2011, 240 000 euros pour l'année 2012 et 239 000 euros pour l'année 2013 et de remettre à la charge de la SA MIRANDA les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution annuelle sur les revenus locatifs correspondantes, auxquelles elle avait été assujettie ;

3°) de réformer le jugement du 12 décembre 2022.

Il soutient que :

- la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève ;

- la référence faite par le tribunal au taux de rendement pratiqué par la SCI GULB durant les années 2015 à 2017 n'est pas pertinente ; s'agissant des années en litige, ce taux était de 4,5 % ; il y a lieu de rétablir le taux initialement retenu de 4 %.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Poullain,

- et les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société anonyme de droit luxembourgeois MIRANDA exerce une activité de vente, d'acquisition, d'exploitation et de gestion de biens immobiliers au Luxembourg et à l'étranger. Le 7 janvier 2008, elle a acquis un bien immobilier dans le Var, sur le territoire de la commune de Gassin. L'administration fiscale a estimé, au terme d'une procédure de vérification de comptabilité, que la SA MIRANDA s'était délibérément privée de recettes en mettant cette propriété à disposition gratuite de tiers, ce qui constituait un acte anormal de gestion. Elle l'a en conséquence assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution annuelle sur les revenus locatifs au titre des années 2012 et 2013 à raison des recettes auxquelles elle a estimé que la SA MIRANDA avait renoncé entre les années 2011 et 2013.

2. Par son jugement du 12 décembre 2022, le tribunal administratif de Toulon a déchargé partiellement la SA MIRANDA de ces impositions, après avoir rectifié le montant des recettes en cause par application d'un taux de rendement locatif plus faible que celui qu'avait retenu l'administration fiscale. La SA MIRANDA, qui ne conteste plus le principe de son imposition, relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas prononcé une décharge plus importante et en soutenant que le montant des recettes omises est encore surévalué, tandis que le ministre, par la voie de l'appel incident, sollicite que soient remises à la charge de la requérante les impositions dont cette dernière a obtenu la décharge.

3. En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. Il appartient, en règle générale, à l'administration, qui n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour invoquer ce caractère anormal.

4. Pour déterminer le montant des loyers dont s'est privée la SA MIRANDA, l'administration fiscale s'est référée à la valeur vénale de la propriété, qu'elle a évaluée à 6,1 millions d'euros en 2011, à 6 millions d'euros en 2012 et à 5,98 millions d'euros en 2013, puis a appliqué un taux de rendement de 4 %, ramené à 3,5 % par le tribunal administratif.

5. En premier lieu, ainsi que le relève la SA MIRANDA, sa propriété à Gassin, sur la presqu'île de Saint-Tropez, à 2,5 km du centre du village éponyme, est constituée d'un terrain de 3 013 m² disposant d'une vue sur la mer et d'un environnement privilégié. A la suite d'importants travaux effectués par la requérante, s'y trouvent une piscine de 225 m² ainsi qu'une construction de 517 m² comprenant une maison principale et une maison " d'amis ", l'ensemble étant conçu comme une annexe de la propriété mitoyenne appartenant à la SCI GULB, filiale française de la SA NBAB, société sœur de la SA MIRANDA et également propriétaire d'un troisième bien contigu. La société requérante ne conteste pas qu'il n'existe pas de termes de comparaison pertinents pour la location meublée de biens similaires à l'année dans ce secteur géographique très spécifique. Si elle soutient toutefois que la valeur locative de ce bien de prestige aurait dû être déterminée en retenant que seule une location saisonnière était envisageable, et par comparaison avec les revenus obtenus pour de telles locations, d'une part, il est constant que la villa est à disposition des tiers s'en étant réservé l'usage tout au long de l'année. D'autre part, elle ne fournit pas de termes de comparaison pertinents. Les deux annonces qu'elle produit à cette fin concernent ainsi des biens aux caractéristiques sensiblement différentes, en termes d'équipements et de superficie, tandis que les chiffres proposés par l'expert qu'elle a mandaté ne sont, même après le complément d'étude produit devant la Cour, pas assortis d'explications ni de justifications.

6. En deuxième lieu, la SA MIRANDA ne conteste pas la pertinence de la valeur vénale de la propriété retenue par l'administration. Ainsi qu'il a été dit précédemment, alors que l'administration avait initialement retenu un taux de rendement de 4 %, le tribunal administratif a retenu, par comparaison, un taux de 3,5 %, qu'il a estimé être celui pratiqué par la SCI GULB durant les années en litige. Les parties critiquent toutes deux ce dernier taux, en indiquant, pour ce qui concerne la SA NBAB, que la propriété de la SCI GULB n'était pas louée durant les années en litige dès lors qu'elle faisait l'objet de gros travaux, et pour ce qui concerne l'administration, que les chiffres pris en compte concernaient les années 2015 à 2017. Contrairement à ce que soutient la requérante, le taux de rendement ne saurait être fixé par référence au taux des obligations assimilables du Trésor à dix ans qui se rapporte à un placement financier totalement différent de celui en litige. L'administration fait pour sa part valoir que la SCI GULB a évalué son bien, au titre des années 2012 et 2013, pour l'établissement de la taxe sur la valeur vénale des immeubles possédés en France par des entités juridiques, à 10,5 millions d'euros. Si le bail dont ce bien faisait l'objet s'était poursuivi, le loyer au titre des années en litige aurait a minima été fixé à la somme de 495 000 euros retenue jusqu'en 2010. Ainsi, le taux de rendement de la propriété voisine s'élevait à 4,5 %. En l'absence d'autres éléments de comparaison pertinent, il y a dès lors lieu de retenir le taux de 4 % initialement arrêté par l'administration pour fixer les loyers annuels des années 2011, 2012 et 2013, comme le ministre le sollicite.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la SA MIRANDA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif n'a pas davantage réduit le montant des recettes estimées omises et que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que cette juridiction a partiellement déchargé la requérante des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution annuelle sur les revenus locatifs au titre des années 2012 et 2013 auxquelles elle avait été assujettie. Il y a lieu de réformer le jugement du tribunal administratif en conséquence.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SA MIRANDA est rejetée.

Article 2 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution annuelle sur les revenus locatifs au titre des années 2012 et 2013 auxquelles la SA MIRANDA avait été assujettie sont remises intégralement à sa charge.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 12 décembre 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SA MIRANDA et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.

Délibéré après l'audience du 17 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- Mme Vincent, présidente assesseure,

- Mme Poullain, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 mai 2024.

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N° 23MA00455

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA00455
Date de la décision : 31/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-04-082 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices industriels et commerciaux. - Détermination du bénéfice net. - Acte anormal de gestion.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: Mme Caroline POULLAIN
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : BELLIART

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-31;23ma00455 ?
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