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31/05/2024 | FRANCE | N°22MA03031

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 2ème chambre, 31 mai 2024, 22MA03031


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



M. B... C..., Mme A... C... et Mme F... C... épouse E... ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision implicite de refus opposée par la commune d'Aix-en-Provence à leur demande préalable d'indemnisation et de condamner cette commune à leur verser la somme de 68 859,95 euros, en réparation des préjudices subis à la suite de l'accident sur la voie publique dont Mme G... D... épouse C... a été victime le 30 mars 2017.




> La caisse de mutualité sociale Provence Azur, mise en cause, n'a pas produit d'observations.





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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C..., Mme A... C... et Mme F... C... épouse E... ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision implicite de refus opposée par la commune d'Aix-en-Provence à leur demande préalable d'indemnisation et de condamner cette commune à leur verser la somme de 68 859,95 euros, en réparation des préjudices subis à la suite de l'accident sur la voie publique dont Mme G... D... épouse C... a été victime le 30 mars 2017.

La caisse de mutualité sociale Provence Azur, mise en cause, n'a pas produit d'observations.

Par un jugement n° 2009385 du 14 octobre 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M. C... et autres, mis à leur charge les frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés de ce tribunal et déclaré son jugement commun à la caisse de mutualité sociale Provence Azur.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 décembre 2022 et le 3 janvier 2024, M. B... C..., Mme A... C... et Mme F... C... épouse E..., représentés par Me Caviglioli, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 14 octobre 2022 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler la décision implicite de refus opposée par la commune d'Aix-en-Provence à leur demande préalable d'indemnisation et de condamner cette commune à leur verser la somme de 68 859,95 euros ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Aix-en-Provence la somme de 3 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le tribunal a inversé la charge de la preuve ;

- le tribunal a commis une erreur de droit et dénaturé les pièces qui lui étaient soumises ;

- le tribunal a dénaturé les conclusions qui lui étaient présentées ;

- leur réclamation était recevable ;

- leur recours est recevable ;

- Mme G... D... épouse C..., dont ils sont les ayants-droit, a été victime, le 30 mars 2017 aux alentours de 18 h 30, d'une chute sur la voie publique au niveau du n° 10 de la rue Joanon Marcel Provence à Aix-en-Provence en raison d'un trou profond de 18 centimètres masqué par de la végétation herbacée ;

- cette chute a entraîné de lourdes séquelles qui ont causé, par la suite, son décès ;

- la commune avait connaissance de l'existence de la défectuosité en cause ;

- aucune circonstance exonératoire de la responsabilité de la commune ne saurait être retenue ;

- ils ont droit à une indemnisation de leurs préjudices comme suit : au titre des frais de santé et frais divers : 3 492,01 euros ; au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel : 4 900 euros ; au titre des souffrances endurées : 35 000 euros ; au titre du préjudice d'accompagnement subi par M. C... : 10 000 euros ; au titre du préjudice d'accompagnement subi par chacune des deux filles : 5 000 euros ; au titre des frais de conseil pour la procédure de référé : 1 800 euros TTC ; au titre des frais de conseil pour assistance à expertise : 1 200 euros TTC ; et au titre des frais d'expertise : 2 467,94 euros TTC.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 novembre 2023, la commune d'Aix-en-Provence, représentée par la SCP Gobert et associés, agissant par Me Morabito, conclut :

1°) à titre principal, au rejet de la requête présentée par les consorts C... en raison de l'inexistence de tout lien de causalité entre les dommages subis et l'ouvrage public ;

2°) à titre subsidiaire, au rejet de la requête en raison du défaut d'attention et de prudence de la victime constitutif d'une faute de nature à exonérer entièrement la commune ;

3°) à titre infiniment subsidiaire, à limiter l'indemnisation accordée aux requérants à la somme de 7 597,61 euros ;

4°) en toute hypothèse, de mettre à la charge des requérants la somme de 2 300 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Elle fait valoir que :

- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés ;

- le lien de causalité entre le préjudice invoqué et l'ouvrage public n'est pas démontré ;

- les appelants ne peuvent être indemnisés que des seuls préjudices liés à la chute de Mme G... D... épouse C... ;

- le défaut d'attention et de prudence de la victime est constitutif d'une faute de nature à exonérer entièrement la commune ;

- le défaut d'attention et de prudence de la victime est constitutif d'une faute de nature à limiter pour moitié son droit à indemnisation ;

- la somme de 7 597,61 euros éventuellement accordée aux requérants devra être déclarée satisfaisante.

En réponse à une mesure d'instruction diligentée par la cour le 1er mars 2024, les requérants ont produit, le 7 suivant, des pièces qui ont été communiquées immédiatement aux autres parties, en application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative.

La procédure a été communiquée à la caisse de mutualité sociale Provence Azur qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la cour a désigné Mme Rigaud, présidente-assesseur de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mahmouti,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- et les observations de Me Caviglioli, représentant les requérants, et de Me Olmier, représentant la commune d'Aix-en-Provence.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... C..., Mme A... C... et Mme F... C..., exposent que Mme G... D... épouse C..., dont ils sont les ayants-droit, a été victime le 30 mars 2017, aux alentours de 18 h 30, d'une chute sur la voie publique au niveau du n° 10 de la rue Joanon Marcel Provence à Aix-en-Provence. Par une lettre du 2 septembre 2020, ils ont adressé à la commune d'Aix-en-Provence une demande préalable d'indemnisation des préjudices résultant selon eux de cet accident. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé par la commune. Ils relèvent appel du jugement du 14 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande indemnitaire et, sollicitant l'annulation de cette décision préalable de rejet qui a eu pour seul effet de lier le contentieux à l'égard de l'objet de leur demande, ils doivent être regardés, eu égard aux conclusions susanalysées, comme conduisant le juge à se prononcer sur leur droit à percevoir la somme qu'ils réclament.

Sur le bienfondé du jugement attaqué :

2. Il résulte de l'instruction que, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, le témoignage de M. B... C..., qui accompagnait sa femme au moment de la chute de cette dernière, et celui du riverain domicilié au n° 10 de la rue, qui est intervenu pour porter secours à celle-ci, permettent d'établir qu'ainsi que le soutiennent les requérants, Mme G... D... épouse C... a été victime le 30 mars 2017 aux alentours de 18 h 30, d'une chute sur la voie publique au niveau du n° 10 de la rue Joanon Marcel Provence à Aix-en-Provence. Il en résulte encore que les photographies versées au débat par les requérants permettent de localiser cette défectuosité, laquelle, par ses caractéristiques et son positionnement au milieu du trottoir, excédait les obstacles auxquels doivent normalement s'attendre les piétons ainsi que l'établit à elle seule la photographie montrant une main d'adulte enfoncée verticalement jusqu'au haut du pouce.

3. Il résulte cependant de l'instruction que l'accident de Mme G... D... épouse C... s'est produit alors qu'était présent sur la chaussée de la végétation herbacée et que la victime ne prêtait pas une attention spécifique à sa marche alors qu'il résulte des termes de l'expertise et du témoignage de son mari qu'elle marchait vite et ne connaissait pas les lieux. Compte tenu de cette faute d'imprudence commise par la victime, il y a lieu d'imputer à cette faute la moitié des préjudices liés à cet accident.

4. Il résulte de tout ce qui précède que la responsabilité de la commune d'Aix-en-Provence doit être engagée pour défaut d'entretien normal de la voie et qu'il y a lieu de la tenir pour responsable de la moitié des dommages causés à Mme G... D... épouse C....

Sur les préjudices :

En ce qui concerne les préjudices de la victime directe :

5. Aux termes du premier alinéa de l'article 724 du code civil : " Les héritiers désignés par la loi sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt ".

6. Le droit à la réparation d'un dommage, quelle que soit sa nature, s'ouvre à la date à laquelle se produit le fait qui en est directement la cause. Si la victime du dommage décède sans que ses droits aient été définitivement fixés, c'est-à-dire, en cas de litige, avant qu'une décision juridictionnelle définitive ait fixé le montant de l'indemnisation, son droit, entré dans son patrimoine avant son décès, est transmis à ses héritiers. Cependant, le préjudice subi par la victime, ayant cessé au moment du décès, doit être évalué à la date de cet événement, y compris lorsque le décès est lié au fait ouvrant droit à indemnisation, auquel cas d'ailleurs ce décès peut être pris en compte au titre du droit à réparation des proches de la victime.

7. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que la chute subie par Mme G... D... épouse C... a provoqué la fracture déplacée du cadre obturateur droit avec un hématome pelvien comprimant la vessie, ce qui a généré une insuffisance rénale et obligé la victime à demeurer alitée. Il en résulte en revanche que le décès de la victime n'est pas imputable à cette chute.

8. Il résulte de l'instruction que la victime a subi un déficit fonctionnel temporaire total du 1er avril 2017, lendemain de la chute qu'elle a subie, au 6 juillet 2017, date de son décès. Il sera fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en le fixant à la somme de 1 600 euros.

9. La victime a éprouvé, durant 100 jours, des souffrances physiques et psychologiques, cotées à 5 sur 7 par l'expert, du fait notamment de la prise d'antalgiques opiacés. Compte tenu de ces éléments, il sera fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en le fixant à la somme de 13 500 euros.

10. Enfin, la victime a exposé des frais médicaux dont il est justifié par les requérants, mais à hauteur de seulement 845 euros.

11. Il résulte de tout ce qui précède que le montant total des préjudices de la victime directe s'élève, après partage de responsabilité, à la somme de 7 222,50 euros.

En ce qui concerne les préjudices des victimes indirectes :

12. Il sera fait une juste appréciation du préjudice d'accompagnement de M. C..., mari de la victime, en l'évaluant à la somme de 1 700 euros et celui de leurs deux filles à la somme de 1 300 euros chacune.

13. En revanche, il résulte de l'instruction que, les requérants ayant pu solliciter le bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative devant le juge des référés du tribunal ayant statué sur leur demande d'expertise, les frais exposés pour leur défense ont fait l'objet d'une appréciation d'ensemble dans ce cadre qui exclut toute demande indemnitaire de ce chef sur un autre fondement juridique.

14. En outre, les requérants ne justifient pas des frais exposés au titre des frais de conseil au titre de l'assistance à expertise.

15. Il suit de là que le montant des préjudices des victimes indirectes s'élève, après partage de responsabilité, à la somme de 1 000 euros pour M. B... C... et à celle de 800 euros chacune s'agissant de Mme A... C... et Mme F... C... épouse E....

16. Il résulte de tout ce qui précède que la commune d'Aix-en-Provence doit être condamnée à verser à la succession de Mme G... D... épouse C... la somme de 7 222,50 euros, à M. B... C... la somme de 1 000 euros et à Mme A... C... et à Mme F... C... épouse E... la somme de 800 euros chacune.

Sur la déclaration d'arrêt commun :

17. La caisse de mutualité sociale Provence Azur, mise en cause, n'a pas présenté d'observations. Il y a lieu, dès lors, de lui déclarer commun le présent arrêt.

Sur la charge des frais d'expertise :

18. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 2 467,94 euros par l'ordonnance de la première vice-présidence du tribunal administratif de Marseille, à la charge définitive de la commune d'Aix-en-Provence.

Sur les frais de procédure :

19. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Aix-en-Provence la somme de 2 000 euros à verser aux requérants au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrativefont obstacle à ce que soit mise à la charge des requérants, qui ne sont pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la commune d'Aix-en-Provence.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2009385 du 14 octobre 2022 rendu par le tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : La commune d'Aix-en-Provence est condamnée à verser à la succession de Mme G... D... épouse C... la somme de 7 222,50 euros.

Article 3 : La commune d'Aix-en-Provence est condamnée à verser à M. B... C... la somme de 1 000 euros.

Article 4 : La commune d'Aix-en-Provence est condamnée à verser à Mme A... C... la somme de 800 euros.

Article 5 : La commune d'Aix-en-Provence est condamnée à verser à Mme F... C... épouse E... la somme de 800 euros.

Article 6 : La commune d'Aix-en-Provence versera aux requérants la somme globale de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme totale de 2 467,94 euros sont mis à la charge de la commune d'Aix-en-Provence.

Article 8 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 9 : Le présent arrêt est déclaré commun à la caisse de mutualité sociale Provence Azur.

Article 10 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... représentant unique des requérants, à la commune d'Aix-en-Provence et à la caisse de mutualité sociale Provence Azur.

Délibéré après l'audience du 16 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Lison Rigaud, présidente assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative ;

- M. Jérôme Mahmouti, premier conseiller ;

- M. Nicolas Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 mai 2024.

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N° 22MA03031


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA03031
Date de la décision : 31/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03-01 Travaux publics. - Différentes catégories de dommages. - Dommages sur les voies publiques terrestres.


Composition du Tribunal
Président : Mme FEDI
Rapporteur ?: M. Jérôme MAHMOUTI
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : CAVIGLIOLI

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-31;22ma03031 ?
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