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31/05/2024 | FRANCE | N°22MA02505

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 5ème chambre, 31 mai 2024, 22MA02505


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2013, ainsi que des pénalités correspondantes et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Par un jugement n° 2103005 du 18 juillet 2022, le tribunal administratif de Marseille a, d'une

part, prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête à concurrence du dégrèvem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2013, ainsi que des pénalités correspondantes et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2103005 du 18 juillet 2022, le tribunal administratif de Marseille a, d'une part, prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d'instance, en droits et pénalités, d'autre part, déchargé M. A... des pénalités pour manquement délibéré auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2013 et, enfin, rejeté le surplus des conclusions de sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 21 septembre 2022 et un mémoire complémentaire enregistré le 12 mai 2024 qui n'a pas été communiqué, M. B... A..., représenté par Me Maillard, demande à la Cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa requête ;

2°) de le décharger de l'intégralité des cotisations d'impositions supplémentaires auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2013 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ont été méconnues dès lors qu'il n'a pas été mis en mesure de discuter du prix de revient des parts sociales ;

- la majoration de 40 % pour manquement délibéré a été irrégulièrement appliquée dès lors que l'administration fiscale lui a indiqué qu'il ne pouvait contester celle-ci que dans le cadre de la phase contentieuse ; il n'est pas en mesure, au regard des avis de dégrèvement successifs qu'il a reçus, de savoir si toutes les pénalités qui lui ont été à ce titre infligées ont été dégrevées ;

- il n'est pas en mesure de savoir si la base taxable de plus-value retenue a été de 2 110 283 euros ;

- il entend se prévaloir d'une doctrine administrative et solliciter l'application du régime d'imposition des revenus exceptionnels.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 mars 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la Cour :

1°) de substituer à la majoration de 40 % appliquée en vertu de l'article 1729 du code général des impôts, la majoration de 10 % prévue à l'article 1758 A du même code ;

2°) de rejeter les conclusions présentées par M. A....

Il soutient que :

- les moyens de la requête sont irrecevables ou infondés ;

- il est fondé à demander que soient substituées aux pénalités de 40 % pour manquement délibéré appliquées en vertu des dispositions de l'article 1729 du code général des impôts celles de 10 % prévues par l'article 1758 A du même code.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le livre des procédures fiscales ;

- le code général des impôts ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vincent,

- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,

- et les observations de Me Saintot, substituant Me Maillard pour M. A....

Une note en délibéré présentée pour M. A..., par Me Maillard, a été enregistrée le 22 mai 2024.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'un contrôle sur pièces dont M. A... a fait l'objet, l'administration fiscale a remis en cause l'exonération totale de plus-value mobilière réalisée à l'occasion de la cession de 401 parts de la SAS Conjoncture le 31 décembre 2013, déclarée par le contribuable en application de l'article 150-0 D ter du code général des impôts prévoyant une exonération totale de la plus-value pour les titres détenus depuis plus de huit ans par les dirigeants de société en vue de leur départ à la retraite. L'administration fiscale a, en conséquence, notifié à M. A... des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, assorties des pénalités prévues par l'article 1729 du code général des impôts au titre de l'année 2013. M. A... a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des impositions ainsi mises à sa charge et des pénalités correspondantes. Par un jugement en date du 18 juillet 2022, le tribunal administratif de Marseille a, d'une part, prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d'instance, en droits et pénalités, d'autre part, déchargé M. A... des pénalités pour manquement délibéré auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2013 et, enfin, rejeté le surplus des conclusions de sa requête. M. A... interjette appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa requête. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la Cour, par la voie de l'appel incident, de substituer à la majoration de 40 % appliquée en vertu de l'article 1729 du code général des impôts, la majoration de 10 % prévue à l'article 1758 A du même code.

Sur l'étendue du litige :

2. Il ressort, d'une part, des conséquences financières annexées à la proposition de rectification du 8 juin 2016, d'autre part, de la réponse aux observations du contribuable du 23 novembre 2016 et, enfin, de l'avis de mise en recouvrement du 31 janvier 2017 qu'a été, in fine, mise en recouvrement la somme de 1 620 147 euros comprenant 1 085 889 euros de cotisations supplémentaires au titre de l'impôt sur le revenu, 99 902 euros d'intérêts de retard et 434 356 euros de majorations de 40 % pour manquement délibéré. Il ressort desdites pièces que ni la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus ni les prélèvements sociaux n'ont, dans le cadre du contrôle litigieux, fait l'objet d'impositions supplémentaires par rapport à la cotisation primitive à laquelle avait été soumis l'intéressé. Par suite, le présent litige est circonscrit aux cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux pénalités y afférentes mises à la charge de M. A... au titre de l'année 2013 à l'exclusion de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et des prélèvements sociaux.

Sur l'appel principal :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée. ".

4. M. A... fait valoir qu'alors que, dans la proposition de rectification du 8 juin 2016, le prix d'acquisition des parts sociales avait été fixé à 231,06234 euros, il a été ramené à 231,002 euros dans le cadre de la réponse aux observations du contribuable en date du 23 novembre 2016 sans qu'il n'ait été mis en mesure de faire valoir ses observations sur ce point. Il résulte toutefois de l'instruction qu'à la suite d'un courrier adressé le 19 août 2016 par M. A..., auquel était joint un acte de cession de 10 parts sociales le 25 juin 1996, les bases d'imposition retenues par le service ont été, compte tenu notamment des explications fournies par le requérant et de la prise en compte d'une exonération totale pour ces dix parts acquises depuis plus de 8 ans, inférieures aux bases notifiées. Dès lors, en dépit de la légère modification du prix de revient, et alors que M. A... ne fait valoir aucun argument qui aurait été susceptible d'avoir une incidence sur ce prix, l'administration n'était pas tenue de procéder à l'envoi d'une nouvelle proposition de rectification. En tout état de cause, M. A... a disposé d'un délai de 30 jours pour adresser des observations à l'administration fiscale à la suite de la réponse aux observations du contribuable en date du 23 novembre 2016 et n'a, dès lors, été privé d'aucune garantie. Le moyen précité doit, par suite, être écarté.

5. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que M. A... a été dégrevé de l'intégralité de la majoration de 40 % pour manquement délibéré à laquelle il a été assujetti pour un montant global de 434 356 euros les 4 juin 2019 (9 234 euros), 30 juin 2021 (47 658 euros) et, 21 juillet 2022 (377 464 euros). Par suite, le moyen tiré de ce que la procédure aurait été, s'agissant de l'application de ces pénalités, irrégulière est inopérant.

6. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que, dans le cadre du dégrèvement prononcé le 30 juin 2021 en cours de première instance, l'administration fiscale a accepté de prendre en compte une plus-value taxable d'un montant de 2 110 283 euros. Par suite, le requérant doit être regardé comme ayant obtenu satisfaction concernant l'évaluation de ses bases d'imposition.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 163-O A du code général des impôts alors en vigueur : " I. - Lorsqu'au cours d'une année un contribuable a réalisé un revenu qui par sa nature n'est pas susceptible d'être recueilli annuellement et que le montant de ce revenu exceptionnel dépasse la moyenne des revenus nets d'après lesquels ce contribuable a été soumis à l'impôt sur le revenu au titre des trois dernières années, l'intéressé peut demander que l'impôt correspondant soit calculé en ajoutant le quart du revenu exceptionnel net à son revenu net global imposable et en multipliant par quatre la cotisation supplémentaire ainsi obtenue (...) ". Aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales : " Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l'administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire. (...) ". Aux termes de l'article L. 199 C du livre des procédures fiscales, le contribuable peut, " dans la limite du dégrèvement ou de la restitution sollicités, (...) faire valoir tout moyen nouveau, tant devant le tribunal administratif que devant la cour administrative d'appel ".

8. Il résulte des dispositions citées au point 7 qu'une demande tendant au bénéfice des dispositions de l'article 163-O A du code général des impôts constitue une réclamation tendant à obtenir le bénéfice d'un droit au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales. Une telle demande a la nature de conclusions distinctes de celles présentées par ailleurs par le contribuable contestant le bien-fondé des cotisations d'impositions supplémentaires mises à sa charge du fait d'une plus-value résultant d'une cession de parts sociales et ne saurait être regardée comme un moyen nouveau, au sens des dispositions susmentionnées de l'article L. 199 C du même livre. Il suit de là que les conclusions de M. A... tendant à ce que la plus-value litigieuse soit regardée comme constitutive d'un revenu exceptionnel sont irrecevables dès lors qu'elles n'avaient pas été soumises au juge de première instance ni même d'ailleurs à l'administration fiscale.

Sur l'appel incident :

9. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 1758 A du même code, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " I. - Le retard ou le défaut de souscription des déclarations qui doivent être déposées en vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu ainsi que les inexactitudes ou les omissions relevées dans ces déclarations, qui ont pour effet de minorer l'impôt dû par le contribuable ou de majorer une créance à son profit, donnent lieu au versement d'une majoration égale à 10 % des droits supplémentaires ou de la créance indue (...) ".

10. L'administration est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, de justifier d'une pénalité en en modifiant le fondement juridique, à la double condition que la substitution de base légale ainsi opérée ne prive le contribuable d'aucune des garanties de procédure prévues par la loi et que le service invoque, au soutien de la demande de substitution de base légale, des faits qu'il avait retenus pour motiver la pénalité initialement appliquée.

11. Le ministre demande à la cour de substituer à la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue à l'article 1729 précité, celle de 10 % prévue par les dispositions précitées du I de l'article 1758 A du code général des impôts en cas de retard ou de défaut de déclaration des bases imposables, ainsi qu'en cas d'omission ou d'inexactitude d'une telle déclaration.

12. Il résulte de l'instruction et notamment de la proposition de rectification que l'administration a motivé la pénalité pour manquement délibéré par la circonstance que M. A..., qui avait à tort indiqué dans sa déclaration qu'il bénéficiait d'un abattement de 100 %, ne pouvait ignorer qu'il ne satisfaisait pas à la condition relative à la durée de détention des titres cédés. Ce motif est de nature à justifier la pénalité de 10 % pour inexactitude de la déclaration que le ministre demande de remettre à la charge du contribuable. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que la substitution de base légale sollicitée le prive d'une garantie de procédure prévue par la loi. Il y a lieu, par suite, d'accueillir ladite demande de substitution de base légale.

Sur les frais d'instance :

13. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par M. A... doivent, dès lors, être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les pénalités relatives à la plus-value de cession mobilière au titre de l'année 2013 sont remises à la charge de M. A... à hauteur d'une majoration de 10 % des droits.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.

Délibéré après l'audience du 17 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- Mme Vincent, présidente-assesseure,

- Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 mai 2024.

N° 22MA02505 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA02505
Date de la décision : 31/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Règles générales. - Impôt sur le revenu.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: Mme Aurélia VINCENT
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : MAILLARD

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-31;22ma02505 ?
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